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     Un rire aussi loin du royaume ?
Avais-je franchi la frontière ?

Si seulement je pouvais ordonner au soleil et à la lune de se renverser, je l'aurais certainement assassiné.

M'approchant encore, je discernais la silhouette d'un jeune garçon. Il riait et semblait contempler quelque chose voler dans le ciel. Dans le but de satisfaire ma curiosité, je m'éclipsais derrière un rocher.

Il n'était pas bien grand, mais ses courts cheveux bruns rayonnaient sous l'astre diurne. Sa peau semblait laiteuse, à peine plus hâlée que la mienne. Et sous une chair qui me rappelait celle des ours, il portait une chemise verdâtre.

Le garçon se retourna soudainement et me laissa voir des yeux aussi verts que la végétation des alentours, des lèvres fines et de petites taches de rousseur ornant un nez aquilin.

Son regard vers l'amas de roches qui me dissimulait, je voulu m'en aller mais je fus violemment projetée en avant. Mon corps heurta la terre si brutalement qu'un sifflement aigüe se répondît à travers mes oreilles. Je sentais mon coeur battre lourdement et les éraflures déchirer ma chair. Ma respiration était coupée, et j'étais incapable d'absorber l'air dont j'avais besoin. Mes mains avaient essayé de protéger mes côtes en les enlaçant, ce qui avait laissé mon visage vulnérable.

"Est-ce que ça va ?"

Sa voix sonna paniquée, accompagnée de pas précipités. Le garçon s'était rendu compte de ma présence, et je devinais la maigre distance qui paraissait nous séparer. Seulement j'appréhendais le fait qu'il ne soit pas seul. J'angoissais et essayais de voler l'air de la Terre, puisqu'en moi, l'oxygène disparaissait. Les yeux fermés, les battements de mon coeur accompagnés d'une respiration basse ainsi que d'un grognement faible et continu, m'apparaissaient plus forts.

Une main se posa sur mon épaule, puis de nouveau, la même question :

« Est-ce que ça va ?
— Oui. »

Ma réponse était douloureuse, et avec elle un gémissement m'avait été arraché de la gorge.
J'avais épuisé tout mon souffle. Mes poumons brûlaient, mon cœur ne cessait de battre plus bruyamment.

Brusquement ma bouche s'ouvrit et absorba une grande quantité d'air. Mes yeux à leur tour s'entrouvèrent. J'haletais bruyamment alternant parfois avec une toux vicieuse.

Je posais une main sur le sol pour prendre appuis et me relever. J'avais l'impression que mon corps tout entier pesait des tonnes tandis que ma tête tournait. Difficilement je me remis debout puis remarquai le regard inquiet du garçon aux yeux vert.

Un cri de stupeur m'échappa et mes pieds reculèrent maladroitement, si bien que je retombais à terre. Un dragon se tenait près de lui. Sa bouche tirée laissait entrevoir des dents acérées. Sa peau aussi noire que la nuit était pourvue d'écailles, et ses yeux myosis m'informaient de son ressentis à mon égard.

« Ne t'en fais pas, il n'est pas méchant, essaya le garçon pour me rassurer.

— Ah non ?!

— Je pensais que tu serais un peu plus courageuse que ça. Je te le promet, il ne te fera aucun mal. »

Avec un sourire confiant et des yeux encore moqueurs, il me tendit la main. La méfiance me résonnait et je considérai sa main avant de la saisir mollement.

« M-moi c'est Harold ! bégueilla-t-il.

— Je m'appelle Mérida.

— Du royaume de DunBroch ?

— Non, mentais-je.
Comment pouvait-il savoir d'où je venais ? Comment savait-il qui j'étais ?

— Oh... ses lèvres s'etirèrent d'un côté, ce qui lui donna un air dédaigneux. Alors d'où viens-tu ?

— Pourquoi devrais-je te le dire ? Je ne sais rien de toi.

— Hum... Logiquement si tu n'es pas de Dun Broch, tu ne peux appartenir qu'aux clans MacGuffin, Dingwall, ou Macintosh. Et des lieux terrestres et maritimes nous séparent. Mais ne sais-tu pas que le mensonge est une chose bien vilaine ? »

Je ne voulais même pas répondre à sa question réthorique. À la place je lui offris une grimace. Il commença à rire puis en se rapprochant il reprit la parole :

« Je viens de Beurk, le village qui se trouve à juste quelques kilomètres d'ici. Et voici Krokmou » avait-il dit en se tournant vers cette présence imposante.

Un viking... J'aurais dû le deviner avec cette position géographique. J'étais partie trop loin, il était impératif que je m'en aille. C'est pourquoi sans même réfléchir mais par un réflexe qu'on nous avait inculqué enfant, je m'élançais vers les bois, et créais un écart entre nous.

Je courrais, fonçant tête baissée. Je n'avais pas pu boire une goutte d'eau, mais l'adrénaline qui se propageait dans mon sang me suffisait amplement.

De nouveau mon coeur battait rapidement, frappant ma cage thoracique. Les branches me fouaittaient le visage et le corps, m'écorchant la peaux, me tirant les cheveux. La boue tachait mes vêtements. Mes pieds me suppliaient de m'arrêter. Mes poumons me brûlaient pour me prévenir que je manquais d'air. Mais malgré tout, mon cerveau ne cessait de me répéter cet unique ordre : cours.

Encore plus fatiguée que je ne l'étais déjà, je sortais enfin de cette forêt. N'en pouvant plus, mes jambes me lachèrent, et me laissèrent tomber à terre. Angus poussa un hénissement et s'agita. Lançant un regard par dessus mon épaule, je vérifiais si ils m'avaient pourchassés. Aucune trace d'Harold ou de son dragon. Mes yeux srutaient le ciel, encore bleu, tandis que je reprenais peu à peu un rythme cardiaque normal.

Comment ?
Comment avait-il su qui j'étais et d'où je venais ? Pourquoi ne m'avait-il pas attaqué ?

Un sentiment étrange m'éprit aussi voilement qu'une certitude me frappa. Je devais revoir ce garçon. Après l'avoir lâchement fuit, il fallait que je le revois.

Revenir à cet instant.
Tout changer.
Ne pas écouter cette force qui me poussait vers lui, la faire taire au fond de moi. C'est ce que je souhaite aujourd'hui...
Je ne sais pas si tu as la force nécessaire pour me pardonner. Moi même je ne la possède pas... Mais c'est avec tout mon amour et toute mon affection que je t'implore la rédemption.








*

CLANSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant