Prologue

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- Est ce qu'ils ont toujours été comme ça ?

- Depuis le début. 

Il se laissa tomber dans son fauteuil en fronçant les sourcils. Ses mains étaient croisées, et ses phalanges blanchies en raison de la pression qu'il exerçait. Un léger tic secouait sa moustache brune par moment, et ses yeux s'étaient perdus dans la contemplation de son bureau en bois.

- Je dois vous avouer que je n'ai pas de réponses à ce phénomène, dit-il au bout de quelques minutes en se redressant légèrement et en fixant la femme d'une quarantaine d'années qui se tenait devant lui. L'avez-vous déjà faites examiner auprès de professionnels en la matière ?

- Oui, à plusieurs reprises. Dès sa naissance, le personnel médical nous a poussé à nous renseigner et à consulter. Ça n'a jamais rien donné, personne n'a jamais su nous éclairer.

Edith semblait anxieuse, préoccupée. Ce problème s'étirait depuis des années et persistait, bien que sa fille grandisse. L'origine en était inconnue de tous, même des plus grands scientifiques, qui affirmaient n'avoir jamais rien vu de tel. 

Le médecin soupira et prit un air désolé. 

- Je ne vais rien pouvoir vous dire de plus, à part vous répéter qu'il doit s'agir d'une nouvelle maladie génétique dont nous n'avions pas encore connaissance, avant l'arrivée de votre enfant. 

- Je vois, répondit Edith en baissant les yeux sur ses genoux croisés dans son jean bleu. 

- Est-ce que... je pourrais la voir ? demanda l'homme timidement, un petit tressautement de curiosité agitant sa paupière.

Edith se leva doucement en défroissant son chemisier noir un peu plié. Elle passa une mèche de cheveux court qui lui tombait devant les yeux derrière son oreille, et dit :

- Elle est un peu timide.

Puis, elle se dirigea vers la porte du cabinet et ouvrit. Elle tendit la main.

- Romy, viens.

Edith revint s'asseoir en face du médecin, une petite fille d'une dizaine d'années portant des lunettes de soleil opaques à bout de bras. Celle-ci s'assit sur la chaise adjacente sans dire un mot, en se grattant machinalement les bras; ils étaient couverts de plaques rouges ressemblant fortement à de l'eczema.

L'homme souleva les coudes de ses accoudoirs et se pencha en avant. Après un regard interrogateur vers Edith, qui ne montra aucun signe de désapprobation, il se leva et se dirigea doucement vers l'enfant. Il s'accroupit pour être à sa hauteur, et sourit gentiment.

- Bonjour. Tu t'appelles Romy, c'est ça ?

La petite fille hocha la tête, sa bouche restant toujours de marbre.

- Est-ce que tu es d'accord pour enlever tes lunettes ? Je ne te ferai aucun mal, je voudrai juste te regarder, s'il te plaît. 

L'enfant sembla hésiter, et tourna la tête en direction de sa mère, qui l'encouragea d'un sourire à faire ce qu'on lui avait demandé. Lentement, elle agrippa ses doigts aux branches de ses lunettes et les fit glisser sur son nez pour les enlever.

Les yeux du médecin s'agrandirent, et il ne put retenir une petite exclamation de surprise.

- C'est incroyable... On dirait presque qu'ils sont des faux.

- Je tiens à vous préciser qu'elle ne porte pas de lentilles, intervint Edith. 

Il hocha la tête, sans vraiment prêter attention à cette dernière tant il était émerveillé.

Romy n'osait le regarder dans les yeux, et cherchait sans cesse des endroits où détourner son regard. En quelques secondes elle eut détailler la pièce, et resta fixer sur un point au dessus de la tête du médecin agenouillé à ses pieds.

Le violet de ses iris était le plus gros de son embarras, et le plus gros de ses soucis. Du plus foncé au centre, et s'éclaircissant petit à petit jusqu'à tirer sur le rosé au niveau des contours. Elle était née avec cette couleur totalement hors du commun, et qui avait constitué depuis sa plus tendre enfance une sorte d'attraction et suscité la convoitise de tous, attirés par sa différence.

- Ta maman m'a parlé de certains problèmes de vision auxquels tu es soumise. Pourrais-tu me préciser de quoi il s'agit précisément ? demanda poliment le médecin au bout de quelques minutes. 

Une voix douce et étonnamment trop grave pour une petite fille sortie de la bouche de Romy.

- Il n'y a pas de couleurs. Je ne vois que du violet partout.

- Ça alors...

Il leva la main pour toucher la joue de la fillette, mais celle-ci eu un mouvement de recul et le repoussa immédiatement.

- Elle n'aime pas qu'on la touche, dit Edith.

- Je suis désolé, s'excusa-t-il rapidement en se raclant la gorge et en ramenant sa main le long de son corps. Y a t-il... des variantes à ce violet ? Ou est-il toujours identique ?

- Celui de chaque personnes est différent. Et parfois il change, en fonction de ce qu'ils font.

- En fonction de ce qu'ils font ?

- Selon la façon dont je perçois leurs actions. Bonnes ou mauvaises. Quand leurs pensées sont noires, ou blanches.

L'homme parut surpris, et haussa ses deux sourcils broussailleux avec étonnement devant la sagesse dont faisait preuve l'enfant.

- Tu as l'air d'une enfant très intelligente, Romy. Ce que tu dis est étrange, mais des plus intéressant. Je serais ravis de me pencher plus en détails sur ton cas. 

- Vous pensez qu'il est nécessaire qu'elle soit suivie ? intervint Edith en pinçant ses lèvres gercées malgré les douces températures de saison.

- Ce serait sans doute préférable oui, affirma-t-il en se relevant pour aller reprendre sa place derrière son bureau, face à elles. Il vaut mieux surveiller une maladie de ce type, d'autant plus que son origine nous est pour le moment inconnue; on ne peut pas savoir aujourd'hui, si elle sera ou non susceptible de s'aggraver pendant sa croissance. Libre à vous de vous tourner vers un autre spécialiste en la matière si vous le désirez, mais je pense en effet que votre fille est à surveiller de près. Il serait même judicieux de procéder à quelques examens pour essayer de remédier à ses problèmes de visions.

- Je ne tiens pas à ce que ma fille se face interner dans un laboratoire.

- Ce n'est pas ce que j'ai dit Madame Swann, ne vous énervez pas.

Entre temps, Romy avait remit ses lunettes. Elle se pencha vers sa mère et la tira doucement par la manche.

- Je veux rester avec toi, maman. Et avec papa.

- Ne t'inquiète pas, tu n'iras nul part, chuchota-t-elle en lui caressant ses cheveux bruns lui allant jusqu'aux épaules. 

Elle se leva de sa chaise et prit sa fille par la main.

- Monsieur Farl, nous en reparlerons, et je vous recontacterais après discussions avec mon mari. Je vous remercie pour la consultation. 

Elle sortit un chéquier de son sac à main, et régla la somme demandée.

- Je compte évidemment sur vous et votre engagement pour ne pas divulguer une quelconque information de cette séance à qui que ce soit, même à un collègue. Nous avons assez à nous préoccuper. 

- Evidemment, ne vous inquiétez pas.

Edith le remercia, et elles sortirent du cabinet.

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⏰ Dernière mise à jour : Feb 10, 2023 ⏰

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