6 - Sixième journée

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Avec un visage qui ressemblait à celui de son fils, intemporel, sans âge, et plein de force intérieure, la belle femme souriait avec dignité. Son regard était épanoui, sa salutation, un accueil chaleureux. Silencieusement, je tendis mes mains vers elle.

Je suis allongé dans cette pièce d'un blanc immaculé, les yeux fermés et l'air serein. J'entends des pas se rapprocher, et ma plus grande crainte depuis que nous sommes arrivés se matérialise. La petite trappe présente sur ma porte s'ouvre et je continue de faire semblant de dormir, la boule au ventre. C'était sûr que ça allait arriver un jour ou l'autre, c'était fait pour ça après tout...J'entends la personne qui m'observe écrire quelque chose que je n'ai aucun moyen de deviner dans cette situation. Je sais seulement qu'ils sont plusieurs de l'autre côté de ces murs, puisque je les entends. À peine est-il reparti que je me relève, le regard perdu et une sensation de lassitude m'enveloppant. Je m'assois en tailleur, attendant sagement la suite, agressé par le blanc trop parfait des murs. Les trappes à mes côtés s'ouvrent. Il est une heure, pile. Des milliers de pilules orange et blanches s'étalent au sol, apportant une autre couleur que ce pyjama bleu foncé que je porte. J'attends qu'elles aient fini de s'écouler et en prends une, seulement. Je l'avale sans plus attendre, et d'un coup, j'ai comme une vision d'une gélule tombant dans un verre rempli d'autres médicaments.

Je suis pris d'une sensation étrange et ouvre les yeux en grand. J'aperçois une porte de garage tagguée comme un souvenir qui réapparait. Je me mets presque à délirer, voyant d'abord les murs en noir et blanc, puis recouverts de peinture colorée. Je les pensais blancs, purs, mais non, ils sont salis et recouverts de toutes ces giclures qui dégoulinent, partant parfois même du plafond. Il y a même cette espèce de A qui ressemble étrangement au signe de l'anarchie, peint en rouge. Je tourne rapidement la tête à ma gauche et j'ai à peine le temps de distinguer une image projetée au mur, clignotant et disparaissant en moins d'une seconde. Je relève la tête et regarde devant moi, un peu perdu mais pris d'une aura malsaine. Je commence à toucher les murs, me mettant de la peinture sur les mains, et toutes les éclaboussures de peintures rouges deviennent soudainement plus vives, et les liquides colorés semblent dégouliner de plus en plus. J'ai de la peinture et des pilules sur les mains, ça me fait peur, comment est-ce que j'ai pu en arriver là ?

Des yeux qui me regardent.

Des écritures indéchiffrables.

Des dizaines de mots barrés, parlant de notre douleur et de nous.

Des dessins impossibles à identifier mais ayant la forme de tentacules.

Des ailes qui s'étendent...Mes ailes.

Toutes images qui se mélangent.

Les couleurs qui tirent de plus en plus vers le rouge, rendant les pilules semblables à des flaques de sang.

Et enfin la disparition totale de couleur.

Hey mama !

Je donne un coup dans le vide,

Faisant virevolter ces plumes blanches et pures

J'arrache les murs, avide,

M'acharnant contre ces giclures de peinture

Mes habits tachés, colorés,

Les couleurs horribles de ce rêve éveillé,

Mes membres tendus et crispés,

Mon esprit perdant toute once d'humanité.

Je regarde par cette trappe où il m'observe

M'évanouis, tombant au milieu de ces pilules

Lost AngelsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant