VI

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Nayra et Mathilde rigolent bien, moi aussi. Feryel se ballade dans les bras de Nabil et se gave de glaces et autres. Demain, elle n'ira pas à l'école. Elle n'ira plus jamais dans cette école. Des petites filles lui ont coupé les cheveux, sans aucune raison. Et si Yanis ne les avait pas arrêtées, qui sait ce qu'il aurait pu se passer ? Elle aurait pu se faire crever un oeil ou être blessée tout simplement ! Ça devenait trop dangereux. Sans parler du fait que j'avais du gérer la crise des cheveux tous courts. J'avais eu tellement peur quand l'école m'avait appeler, et j'avais tellement embrasser les joues de Yanis qu'il devait encore y avoir la marque de mes lèvres.

- Jsuis pas d'accord avec toi, wesh, tu vas me dire Israel ils sont gentils aussi ? S'écria Lukas.
J'explosais de rire, lui et Mathilde débattait du conflit israélo-palestinien depuis tout à l'heure et c'était littéralement un dialogue de sourd. Il ne se comprenait absolument pas, s'énervaient, le punch leur montait à la tête.

Il faisait bon pour ce début de mois d'avril et les mecs étaient tous en teeshirt. Il y avait du monde dans le parc de la cité, les enfants couraient, les rires et les cris se mêlaient. Les yeux pétillaient, les ventres se remplissaient. La vie était belle.

Tarik était assis un peu plus loin avec ses potes, il souriait beaucoup, leur musique en petit fond sonore. Il était beau, et à ce moment là, il me parut si heureux que j'ai souris. Lorsque Feryel lui sauta dessus, pour échapper à Nabil qui lui courrait après, il l'a rattrapa et la cacha avec ses bras, retombant dans ces jeux d'enfances. Tarik avait-il eu une jolie enfance ? Je me posais de plus en plus de question sur lui, en permanence, tout me poussait à penser à lui. Petit à petit, il s'immisçait dans tout ce que je faisais, à petite dose. Mais on sait tous que le problème avec les doses, c'est que l'envie ne peut être que grandissante.

- Az ? Az ?
Je secouais la tête, revenant à la réalité, j'avais rêvasser, la menton posé sur ma main, en regardant Tarik. C'est ce qu'on peut appeler un moment gênant.
Je me tournais vers Mathilde qui venait de m'interpeller. Lucas, assis à côté d'elle, me regardait, un sourire en coin.
- Elle te demandait ce que t'en pensais toi du conflit mais t'avais l'air concentrée, me dit-il avant de rire avec Mathilde.

Je répondis les joues rouges.

🔸🔸🔸

Elle était venu avec sa soeur et sa pote, qui avait l'air de beaucoup plaire à Casper.
- Elle est mignonne la ptite pote de Nabil la bas.
C'était Abdel qui parlait et il arrêtait pas de jacter sur toutes les raclis qui passaient devant nous depuis maintenant une heure. Il me rendait ouf ce charo.

- Mais elle est réservée askip, rajouta-t-il avant de rigoler en me regardant.
- Ah lbatard, askip tu fais des résa.
- Franchement aps, fais en ce que tu veux, c'est la poto de Nab, pas la mienne, khlass.

J'avais clos la discussion parce que je les connais, ils vont continuer à abuser pendant dix ans sinon.
Perso jmen fous, c'est vrai, j'ai pas menti. Asrar ou une autre, aucune n'a d'intérêt pour moi. Mais Nab, par contre, a pas l'air de kiffer qu'on jacte sur elle. Je pense qu'il aime trop la ptite, mais c'est pas mon problème dans le fond. Chacun ses fantômes.

Un éclat de soleil attire mon oeil. C'est la montre de cette casse burnes, elle remet ses cheveux derrière ses oreilles, laissant apparaître sa balafre. J'avais pas cramer à quel point elle pouvait être rosée, comme si elle ne cicatriserait jamais, comme si quelqu'un s'amusait à lui creuser au couteau toutes les semaines.
Elle souriait, sa soeur dans les bras. Elle avait pas l'air si traumatisée par la vie, elle avait l'air tranquille.

Mon téléphone vibre, me retirant de ma contemplation. C'est Sabrina, une meuf parmi d'autres qui me propose de passer ce soir. J'ai une flemme intense mais ça fait longtemps que je l'ai pas vu celle la.
Je lui réponds que je verrais et verrouille mon téléphone sans répondre aux autres messages, pas important.

- AD ? Tu peux déposer Az et la petite ? Casper peut pas déposer Mathilde à cause du bracelet.. me demanda Nabil.
- Ouais, pas de problème mon frère.

Et ouais, quel problème pourrait-il y avoir ? Aucun, y a r.

🔸🔸🔸

- Merci de nous avoir déposées...
Il hocha la tête, en claquant la portière, Feryel, endormie, dans les bras.
Je lui jetais un coup d'oeil timide, avant d'ouvrir la porte de l'immeuble, le laissant passer devant.
Il s'arrêta en haut des escaliers, attendant que je passe devant pour ouvrir la porte.
Il déposa Feryel sur le lit avant de la border, d'éteindre la lumière et de refermer doucement la porte de la chambre. Il ne me jeta pas un regard, se dirigeant vers la porte d'entrée.
- Attends...

Il stoppa tout mouvement avant de se retourner lentement vers moi.
- Je veux pas que tu te mette a croire n'importe quoi et que tu sois froid ou distant. Y a pas d'ambiguïté entre nous,  enfin te dis pas que je te cours après ou quoi que ce soit. Je suis pas le genre de filles à te harceler alors je veux pas qu'on soient mal à l'aise l'un en présence de l'autre, tu vois.

Il ne réagissait toujours pas. Il fuyait mon regard, fronçant les sourcils à certaines paroles, en regardant le mur.
Il souffla, passant sa main dans ses cheveux, j'avais plus chaud que ne le permettait les 18 degrés ambiants.

- Tu sais Asrar, jsuis pas le genre de mec qui se prend la tête...
Il avait dit ça en approchant, et plus il s'approchait, plus je reculais vers le mur. Au moment ou je ne pu plus reculer, il reprit la parole.
- Tu peux me courir après si tu veux, pour ce que j'en ai à branler.
Vexée, je levais les yeux vers lui, sourcils froncés.
- Tu vois, c'est ça ton problème, dis-je en pointant mon doigt sur son torse. T'es qu'un gros con. Les gens sont polis avec toi, ils font même en sorte de garder une certaine distance parce que tu es froid. C'est toi qui installe la méfiance des gens. On se connait à peine que tu permets cette attitude idiote avec moi, comme un gr...

Le temps que je comprenne pourquoi il me poussait, mon dos était collé au mur et il m'embrassait sauvagement.
J'ai répondu parce que j'en avais envie et parce que, bordel de merde, qu'est-ce qu'il embrassait bien.

Dans quoi je m'étais embarquée, fais chier.

Loin des hommes - PNLOù les histoires vivent. Découvrez maintenant