Antabella

39 5 9
                                    

             

"Le destin de clairvoyance et de sorcellerie est un sujet tabou de la société. Tu sais les tours que je te montre? Celui de faire apparaître du feu dans ma main par exemple. Plusieurs n'y croient pas. Alors ne les montres à personne.", avait dit la grand-mère d'une petite fille du prénom Antabella. Celle-ci avait six ans quand sa grand-mère lui avait dit cela, mais Antabella s'en souvient encore. Elle se souvient encore du regard angoissé de sa grand-mère, combien la chaise-berçante grinçait. Malheureusement, sa grand-mère était mourante. Sa seule famille qui lui restait.  Seule au monde, avec beaucoup de questions sans réponses, c'est extrêmement difficile. Alors pour connaître son futur, il faut connaître son passé.

Chapitre Un

Espagne, 1487

"Cours!! Ne m'attends pas, Vas t'en!!". Les paroles que me hurlent ma mère me déchirent le cœur. Je sais que je dois abandonner ma mère pour sauver la lignée. Elle est trop faible et vieille et je n'ai pas la force pour l'entraîner jusqu'au navire. Je la regarde, et elle hoche la tête. Je cours en pleurant. Je cours en criant de chagrin et de colère. Je cours aveuglement sur le sol en bois pourrie en tenant fermement mon ventre arrondi. J'attends un bébé. Et je ne laisserai personne s'en approcher. Pendant que quatre hommes empoignent ma mère par les épaules, je dévalent le port. En apercevant le bateau, je me dépêche et évitent les hommes et femmes qui essayent de m'enlever ma liberté. Ainsi que mon enfant chéri. Je saute sur trois sac de farine et atterris sur le sol du bateau. Je perds pied mais Nina me prends dans ses bras en me chuchotant à l'oreille quelque chose qui me calme aussitôt. Ses mains chaleureuses et chaudes font tout de suite effet sur mon corps froid et sec.
   " On s'occupe du reste".
Après s'être éloigner d'à peu près 10", je vois mon frère accourir en cherchant du regard quelqu'un. Notre mère. Je commence alors à pleurer. C'est comme si toute cette souffrance était doublée. Voir la tristesse de mon frère en sachant que j'ai échoué, c'est trop. Nani arrive prêt de moi et m'enlace une autre fois. Je m'apaise. Ektor tombe sur ses genoux et hurle de chagrin, en criant le nom de notre mère. Il tourne alors son visage vers moi, remplie de larmes de douleur et de tristesse. Il attend de moi une explication.
- Elle m'a obligé à l'abandonner pour la lignée., dis-je en caressant doucement mon ventre.
- Ton cœur n'est pas bon María! Ton enfant sera identique à toi, une Sorcière!, crache mon frère.

Vrai. Je suis une Sorcière, de la lignée des Amables. Seules les femmes peuvent être Voyante, ou Sorcière. Toutes les sorcières ont un don. Le don de notre somptueuse déesse, Illyé.  Moi, j'ai le don de guérisons. Cet-à-dire que je peux soigner les blessures des autres, ou enlever leur douleur. Nina? Elle peut donner n'importe quelle émotion à n'importe qui, en touchant la personne. Mais chaque don a une limite. C'est ce qui nous garde du bon côté. Nous sommes quand même humaines après tout, nous avons besoins d'énergie. Je suis Sorcière depuis que je suis dans le ventre de ma mère. Cette pensée m'attrista.
- Si j'étais toi, j'irais me reposer., me dit Nina.

J'ouvre la porte en bois moisi menant à ma cellule de chambre  et tout de suite, l'odeur de pourriture envahit mes narines. Assise sur mon lit de laine, je pense. Je pense à toutes les possibilités. Toutes les manières dont j'aurais pu sauver mi mama. Mais toutes ces méthodes n'auraient pu me sauver, sauver la lignée. Sauver mon bébé. Soudainement, Ektor entre dans la pièce, les yeux bouffis, à force d'avoir pleurer. Avec la même posture, il s'assit à côter de moi. Sans me regarder, il prononce trois mots simple; je suis désolé. Je chuchote à son oreille que tout est oublié et que je l'aime. Il quitte la chambre sans rien dire, et je le vois, tout crispé comme s'il était emprisonné de sa peine. Comme un oiseau ayant une aile cassée. C'est la première fois que je l'aperçoit ainsi. Je ferme mes yeux humides en versant quelques larmes chaudes sur ma peau grasse et je sombre dans les ténèbres des cauchemars.

AntabellaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant