83-Pas de deux avec la mort.

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Luo Yin et Gu Hai étaient sur le divan depuis... depuis des heures.

Ils étaient rentrés en fin de matinée, dans la pagaille de la ville, des bouchons.

Ils ne virent pas le soleil, ne sentirent pas sa chaleur, ne respirèrent pas la pollution.

Ils se sentaient inutiles, sales, pas à leurs places. Ils avaient peur, tous les deux, en même temps, de la même chose. De se perdre comme Hui Yin et Sian Li.

Leurs cœurs battaient vite, irrégulièrement, pas pour leur amour, mais pour alimenter leurs cerveaux bouillonnants et leurs corps qui tremblaient.

Ils venaient d'apprendre leur paternité, la disparation d'un de leurs amis, des attaques pour tuer leurs familles, pour tuer Hui Yin, la mère de leur enfant. Ils ne vivaient plus, ils survivaient.

Toute la formation militaire de Gu Hai ne suffisait pas à maîtriser ce problème, cet état. Il n'y avait pas d'ennemis, c'était son cerveau son ennemi. Il n'y avait pas de plans, les autres avaient agi pour lui. Il n'y avait plus rien de vrai, on avait voulu tuer son enfant, même pas né. Comment peut-on se préparer à pareille horreur ?

Luo Yin était ailleurs, échafaudant des milliers de plans qui s'auto-détruisaient immédiatement. Une idée ? Une balle. Une pensée ? Un mort. Une solution ? Sian Li.

Inlassablement, les mêmes images, les mêmes cheminements, le même résultat.


La porte d'entrée claqua.

-Hello, les gars ! Lu Yang rentrait après son travail et sa collecte d'infos. Il trouva ses amis assis, la tête livide, celle des mauvaises nouvelles. Leurs mains tremblaient par intermittence, des larmes perlaient, tombaient, s'asséchaient. Ils ne les avaient pas encore vu comme ça. C'était une première et il sentait le désastre. Mes frères, vous me faites peur... Il avança, laissant tomber toutes ses affaires.

Le bruit des sacs au sol éveilla les garçons. Ils tournèrent leurs visages en même temps, comme des robots, leurs yeux inexpressifs, ailleurs. Un déclic les fit se lever d'un bond et se jeter dans les bras de leur frère, celui qui avec le langage aidait, guérissait les autres.

Il les accueillit en pleurant, ne sachant pourquoi.

-... Snif... Bordel, qu'est-ce qui se passe ? Lu Yang ne vit rien de particulier dans l'appartement.

Gu Hai montra l'écran tv accroché au mur.

Lu Yang se décala avec ses frères et il vit.

Il vit les informations, la mort du Directeur, les fusillades, le pseudo coup d'État, les morts, la pagaille. Il ne comprenait pas pourquoi cela les chamboulait.

-... Ce sont nos familles, celle de Hui Yin et nous mêmes qu'il voulait tuer. Luo Yin montra l'écran. Lu Yang vit et comprit.

Il comprit toute l'horreur, depuis la convocation des garçons, l'enlèvement de Sian Li et ça, la mort du Directeur.

-... Nom d'une carmélite, c'est quoi cette chienlit ?! Mes frères... Ils les enserra dans ses bras et ils pleurèrent, bruyamment, longuement, abondamment.

Lu Yang réfléchissait à toute vitesse de son cerveau adaptatif, celui qui comprenait les mots, les langues, le sens caché, le non-dit. Il avait bien eu l'intention de leur parler par rapport à Sian Li, mais là, le problème prenait une autre... une autre déclinaison.

L'important avant tout, était de les ramener à leur réalité, la faire accepter, se comprendre.

-... Mes frères, venez. Ils allèrent s'asseoir sur le canapé. Il éteignit la petite lucarne, qui n'était plus si petite. Voyons, si j'ai bien compris... Il inspira, se calma, se concentra. Hier, après le karaoké vous êtes rentrés ici ?

Gu Hai - Bai Luo Yin -1- "Une vie."Où les histoires vivent. Découvrez maintenant