Chapitre 12 : d'une entreprise familiale et d'un "PD"

353 57 3
                                    

       Le lendemain, ma belle-mère me réveilla à huit heures. Je n'avais pas dormi, ou très peu. J'avais légèrement le trac à propos de voir ma famille. J'en avais aucune envie même.
       Je ne déjeunai pas, j'avais trop mangé la veille.
       Je montai dans ma chambre pour me préparer. Ma famille allait arriver dans 2 heures. Mes grands-parents, mes deux cousins, mon oncle et ma tante. Je ne les aimais pas. Mes grands-parents étaient racistes et homophobes. Pareil pour mon oncle et ma tante. Et mes deux cousins de 19 ans (des jumeaux) étaient trop snobs pour moi.

       Je m'habillai d'une chemise blanche et d'un jean blanc aussi. « Sois digne de cette famille » me lançait toujours mon père. Alors, je l'écoutais.      De toute façon, si je ne mettais rien de digne, j'allais avoir droit à un débat sur « les jeunes d'aujourd'hui » à table avec ma famille. Alors j'écoutais, pour ma propre survie mentale.

        Je plaquai mes cheveux longs sur le dessus, mis du parfum Chanel pour hommes, me brossai les dents, mis ma montre Bulgari et mis mes mocassins blanches que je n'avais pas ressorti depuis très longtemps.
       J'avais l'air con. J'étais pas du tout à l'aise. Je me regardais dans la glace, j'étais écœuré par mon propre reflet. C'était totalement superficiel, ce côté bling-bling...

— Tu es très beau Baptiste, dit ma belle-mère, adossée sur l'encadrement de la porte.
— Merci...

Je n'étais pas convaincu.

— Si si, je t'assure ! « Tu es digne de cette famille » ! ricana-t-elle avec une voix burlesque (sûrement en train d'imiter mon père).

       J'échappai un rire doux. Elle aimait se moquait de ma famille avec moi.   Toujours avec respect, c'était drôle.
       Elle voyait que je n'étais pas rassuré. Elle vint devant moi.
       Elle faisait une tête de plus que moi, elle était d'une élégance folle. Elle rajusta le col de ma chemise et me frotta les épaules. Elle me les attrapa, et me regardait dans les yeux. Elle était habillée d'une robe noir qui s'arrêtait au milieu des cuisses, simple mais pourtant tellement classe. Elle avait accompagné sa robe avec des Louboutins noirs, un collier de perles qui appartenait à sa grand-mère, des diamants aux oreilles et aux doigts et seulement un rouge à lèvres qui se mariait parfaitement sur ses lèvres. Ce n'était pas original. Tant mieux, c'est ce que voulait ma famille.
       Mais elle était parfaite. Magnifique même. Éblouissante, radieuse, somptueuse. Aucun mot ne pouvait la qualifier.

— Toi aussi tu es digne de cette famille !

       Elle rigola et me fit un bisou sur le front et repartit finir les préparations.
       Mon père passa devant ma chambre. Il s'arrêta devant pour regarder. Pour me regarder. Ça faisait si longtemps qu'il n'avait pas montré d'intérêt pour moi. Un sourire s'échappa de ses lèvres. Son visage s'était décrispé en me voyant, rien que cinq secondes. Je l'avais vu.
Mon père... Le vrai.
       Juste aperçu. Il repartit néanmoins, retrouvant son masque. Il s'était échappé, il s'était libéré de son masque quelques instants.
       Pourquoi ? Fière de moi ? Sûrement pas.
       Son sourire repassait en boucle dans mon esprit.

       J'entendis ma famille arriver. Le diable entrait dans mon espace vital.   Me protéger était mon objectif. Mettre finalement, moi aussi, un masque.

       J'embrassais la main de ma grand-mère et de ma tante. Ridicule, je sais.    On me rabâchait sans cesse que j'avais du sang noble ou je ne sais quoi. Quand ma grand-mère s'occupait de moi, elle m'engueulait en citant mon nom en entier. « Baptiste Phills De Genneville » -j'ai des origines anglaises- me criait-elle lorsque je ne mettais pas ma main sur la table ou quand je disais une « injure ».
       Ma famille voulait absolument m'apprendre à être comme un noble moderne. Retourner mil ans en arrière. Je n'ai jamais voulu. Être un « dandy » n'était pas dans mes fantasmes. Plutôt dans mes cauchemars même.
       Ma grand-mère était habillée d'une longue robe noire, mon grand-père, mon père, mon oncle et mes cousins d'un costard et ma tante d'une robe blanche. Je n'allais pas être le seul habillé en blanc, ça me rassurait légèrement.

GIVREOù les histoires vivent. Découvrez maintenant