Un été avec toi.

Prologue

C'est l'été. Surprenant si je vous dis que la chaleur est cuisante ? Je suis sûre que cela ne vous évoque aucun étonnement.

Nous n'avons qu'une heure et demie de route à faire, en voiture, mon frère et moi, pour rejoindre le manoir. Et cette canicule est une vraie torture à subir. Même l'infirme petit air frais de la clime n'y change rien.

C'est mon père qui nous y conduit. Pour être plus explicite, mes parents sont séparés depuis 7 ans maintenant, mon frère et moi avions 13 et 11 ans respectivement. La raison de cette déchirure subite n'a jamais été révélée. « Cela fait partie des tristes moments de la vie ». Voici la seule phrase de réconfort que nous avions eut.

Pour être rapide, mon frère, Kyle et moi-même vivons à l'année chez notre père. Il a gardé la maison familiale qui se trouve au cœur d'une grande ville. Plus pratique pour les écoles, vous comprenez. Et notre mère, ayant hérité d'un manoir, perdu entre champs et forêts soit dit en passant, d'un vieil oncle décédé, a donné toute la sueur de son front pour rénover ce fastueux établissement. Aujourd'hui, et depuis 2 ans maintenant, il est enfin ouvert au public, ma mère le loue à des gens de passages voulant passer une semaine de vacances dans la tranquillité.

Et cette semaine, c'est nous qui le louons. Bon gratuitement sans mentir.

Encore une question doit vous trotter dans l'esprit : pourquoi elle part avec son frère celle-là, elle n'a pas d'amis ou bien ?
Oh bah si, comme tous les jeunes je possède ma tribu. Mais bon, mon frère, moi, ca ne fait qu'un. Attention pas dans le type consanguin, non. On s'aime « familialement » bien c'est tout.

Et puis comme le hasard fait bien les choses, nous possédons des amis en communs. Donc bon pourquoi pas.

La voiture prend un dernier virage et nous entamons enfin le long sentier qui mène au manoir. De chaque côté de la route : rien à part du vert. La plupart des jeunes se plaindraient sans doute de venir passer ne serais-ce que quelques jours ici : Pas de wi-fi, sans doute un réseau très limité, et d'innombrables champs. Il n'y a rien. Et c'est ça que j'aime. Coupé de la vie active, coupé de toutes technologies. Ouais, c'est sûr l'écho du mot « enfer » résonne dans vos têtes là. Et pourtant, je vous promets que renouer des vrais liens humains durant une semaine avec vos meilleurs amis d'enfance, il n'y a rien de mieux.

Les courbes abruptes du manoir se dessinent à l'horizon. J'observe mon frère, il fixe l'immense champ de colza qui s'étend sur notre gauche, sans dire un mot. Il est impatient, tout comme moi.

Nous y voilà. Mon père pose ma valise à terre. Kyle est déjà devant la porte, fouillant son sac à dos, sans laisser échapper quelques jurons. Il cherche les clés. C'est moi qui les aie.

Je me tourne vers mon père. Je n'aime pas l'observer d'aussi près. Les rides du temps et de la tristesse, on emplit son visage. Il ne s'est jamais remis de la séparation avec maman. Ses pupilles brillent, il veut pleurer, mais ne le fera pas. Comme à chaque fois. Je l'enlace une dernière fois et il repart. Sans un mot.

Je le regarde s'éloigner. Le laisser repartir seule m'a toujours fait ce petit pincement au cœur.

Derrière moi j'entends Kyle :

« J'ai tout de même pas oublié ses putains de clés ?! »

Je souris. Et dire que ce gars est mon frère.

Je laisse s'énerver, c'est amusant à regarder. Puis attrapant ma valise au passage, je pars le rejoindre et sort les clés de ma poche. Il me regarde les sourcils froncés, je lui rends mon plus beau sourire en réponse :

« Tu les avaient laissé sur la table de la cuisine. »

Heureusement que je suis sa sœur. Il souffle un dernier juron et ramasse les affaires qu'il a éparpillées sur le palier.

L'intérieur n'a pas changé. C'est bizarre de se dire qu'on se sent plus chez soi dans un endroit où on passe à peine 7 jours de son année.

Je monte au 1er, ma chambre est la 3ème à gauche. Mon premier geste en rentrant dans cette immense pièce, mon espace privé, c'est d'ouvrir en grand les volets et la fenêtre. L'air chaud s'engouffre aussitôt dans la chambre. Je m'accoude quelques minutes à la fenêtre, observant une énième fois la nature. A part les cigales, le silence ici est roi. Et pourtant, il me semble entendre au loin un moteur de voiture.

Mon sourire réapparait. Ils arrivent.