Stranger – Amber Run
Ça roule. Nos échanges volent comme des balles de tennis au-dessus du filet. À chaque parole qu'elle prononce, j'en ai une à renvoyer. Nos coups sont étincelants, et une part de moi voudrait se borner à assister au tour de force en simple spectateur. L'accord parfait. Pas parce qu'un morceau de moi s'emboite dans un morceau d'elle ; parce que nos mots s'encastrent les uns dans les autres pour former des phrases ; parce que notre dialogue dessine la scène d'un film continu aussi familier qu'il est improvisé.
J'ai conscience qu'elle reste sur la réserve. Qu'elle cesse de me bombarder de questions afin que je ne me rapproche pas trop de ses réponses. Ça me va. Qui est-elle, en réalité ? Je n'en sais foutre rien. Mais ça m'intéresse. Oui, je commence à être intéressé.
La boite est bondée, à présent, pleine de ce mélange d'euphorie et d'impatience extrême qui précède un concert. Dev fait son Dev et se fraye un chemin vers nous pour mener la danse des OÙ EST FLUFFY, PUTAIN ? Tony/i vient me prier de l'aider à installer du matos. Contemplant Norah, je lui demande presque si je vais lui manquer. Ne poussons pas le bouchon trop loin, toutefois.
Il est plutôt cool de pénétrer dans le royaume de Fluffy, même si je n'aperçois aucun membre du groupe et que je me contente de m'assurer que les micros fonctionnent. Rien que me tenir sur leur scène suffit à me faire kiffer. Je teste – un-deux-trois, puis : pute-merde-bite –, et l'assistance me toise avec une expression unanime, genre : casse-toi de là, pauvre con. Sans la présence à mon côté d'un costaud impressionnant en lapin Playboy, je crois que j'aurais droit à une bouteille dans la tronche. Ce qui en vaudrait presque la peine – ce n'est pas si souvent qu'on verse son sang pour l'un de ses groupes préférés.
Tout ça est d'une putain d'irréalité. Soudain, j'ai envie d'en parler à Tris. Ce qui est nul de chez nul, mais c'est inévitable. Fluffy a été notre deuxième concert ensemble ; puis le sixième, le onzième et le quatorzième. Tris ne les connaissant pas, je l'avais trainée bien après minuit chez Maxwell. Nous n'avions pas l'âge légal, mais l'âge d'être ambitieux. Tris était toujours sceptique quant aux groupes dont elle n'avait jamais entendu parler, comme s'il lui était impossible de s'éclater s'ils n'avaient pas bénéficié d'un certain bouché-à-oreille. Mais Fluffy l'avait convaincue. Elle avait été subjuguée dès la première chanson et n'avait pas craint de le montrer. Elle avait crié et sauté et dansé et secoué la tête comme une survoltée. Après, elle m'avait dit : « Ces mecs me donnent des frissons, mon pote », et j'avais été jaloux d'eux, jusqu'à ce qu'elle ajoute : « Mais pas autant que toi en ce moment », et j'étais devenu un feu d'artifice impatient d'exploser.
Souvenir de notre sixième concert. Je dansais dans mon coin, elle s'est interrompue un instant pour me regarder. « Quoi ? » j'ai crié. « Il faut que tu arrêtes ça », a-t-elle répondu sur le même ton. « Quoi ? » « Lâche-toi, apprends à t'échapper. » D'abord, je n'ai pas pigé. Puis je me suis rendu compte qu'elle avait raison. Je ne me donnais pas entièrement à la musique et j'observais les gens alentour, je n'étais pas à l'aise et je distinguais chaque note. « Décolle ! » a-t-elle braillé. Au début, à force d'essayer, j'en ai été incapable. Mais Fluffy s'est lancé dans Dead Voter et, pour la première fois, je me suis libéré de tout sauf des cordes. Je n'ai plus pensé à Tris, cachée derrière la chanson, ma libératrice. À la fin du concert, luisant de sueur et le souffle court, nous n'avons pas eu besoin de prononcer un mot. Nous nous sommes juste regardés et compris. Elle m'avait poussé dans mes retranchements, j'avais suivi le mouvement. Je lui en étais reconnaissant. Je le suis encore.
Je scrute le public pendant un instant pour tâcher de l'y repérer. Je sais qu'elle est quelque part pas loin, même si elle n'est pas dans la pièce. Même si elle pelote un autre mec dans une autre boite. Sans une pensée pour moi.
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Une nuit à New York | hs
FanfictionHarry et Norah n'ont rien en commun. Sauf un premier baiser, censé durer cinq minutes. Et qui va se prolonger toute une nuit. Une seule nuit? cette oeuvre n'est pas de moi, je ne fais que la réécrire avec Harry comme personnage principal, les vrais...