SAUDADE

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Il était parti.

Aussi vite qu'il avait pu ; sans s'arrêter quand il avait trébuché dans un pli de tapis ; sans s'inquiéter de sa nausée qui lui avait fait porter sa main à ses lèvres et sans paniquer à l'idée que ses globes avaient été sur le point de quitter leurs orbites tant il les avait écarquillés.

Il avait tout laissé en suspend, le chariot aux produits qui rongeaient ses mains, les quelques lumières et son esprit sain dansant encore au milieu des tables.

Jungkook avait fui le restaurant sans se retourner.

Dire qu'il était effrayé n'était qu'un euphémisme.

Il était si terrifié que la pulpe autour de ses doigts n'était que chair à vif, bave et lambeaux.

L'amertume chimique qui imprégnait les pores de sa peau ne l'avait pas arrêté dans son repas autodestructeur et bestial. Sa tête pivotait dans tous les sens, à la recherche d'une ombre suspecte qu'il ne voulait pas voir.

Il avait l'estomac au bord des lèvres et aimerait avoir des yeux derrière la tête.

Finalement, il retrouva l'odeur familière de son chez lui, il retrouva ses repères et l'étiquette opaque contre la caméra miniature de son téléphone.

Souffle saccadé, il envoya ce message immatériel qui traverse des contrées ; mains tremblantes, il attendit une réponse sans enlever son manteau bancal sur ses épaules ; pupilles brûlantes, il dormait les yeux grands fermés depuis des jours.

Alors il réalisa qu'elle ne viendra pas de si tôt, il souffla et leva le regard devant lui. La pièce était toujours plongée dans un noir qui ne le rassurait plus.

Jungkook recommença son repas mais n'osait plus bouger.

Il pensait se sentir en sécurité ici mais ce même sentiment que dans les rues rampait jusqu'à sa gorge, broyait les os de son cou et sifflait à ses oreilles.

Il avait peur ?

Son dos et le bois de la porte avaient beau ne faire plus qu'un, ça ne servait à rien car le regard sans corps l'observait à travers les murs. Et pendant qu'il grignotait l'écorce de son âme la bile noire moussait au coin de ses lèvres.

Ses doigts intacts convulsaient nerveusement autour de l'appareil et ses billes hagardes semblaient aspirées vers tous les mystères trop obscurs de la pièce.

Le téléphone hurla.

Son pauvre cœur s'échappa de sa poitrine et avec honte, Jungkook comprit qu'un peu d'urine imprégnait le tissu de son caleçon.

Un gémissement terrorisé sortit de sa gorge comme un vomissement, sans qu'il puisse rien contrôler, sans qu'il puisse rien faire et de ses doigts osseux et tremblants il observa le message qui s'affichait.

Je t'attends.

MEDUSA. ::taekookOù les histoires vivent. Découvrez maintenant