Louve solitaire (en cours de correction)

Chapitre 50 (en cours de correction)

J'entends Samuel se servir un verre derrière moi. J'essaie de rassembler mes idées, poser chacun des mots que je vais prononcer. Mon frère semble détendu. Son cœur bat un rythme régulier et calme. Je me retourne pour l'observer. Il est appuyé nonchalamment contre le fauteuil, le sourire aux lèvres.

- Les chasseurs m'ont divulgué certaines informations concernant leur guet-apens.

Samuel, qui s'apprêtait à avaler une gorgée, s'est figé. Son cœur a légèrement accéléré. Je ne sais pas analyser sa réaction. La peur ou l'excitation ?

- Qu'as-tu appris ?

- Ce n'était pas nous deux qui étions visés.

Il a repris son geste et avale une bonne lichée de whisky. Son attitude est froide. Bien trop froide, vu ce que je viens de lui dire.

- Et que voulaient-ils alors, si ce n'est pas de nous tuer ?

- Evidemment qu'ils voulaient nous voir morts, mais leur premier objectif était Luc.

Je l'observe attentivement quand je prononce le prénom du chasseur. Ses doigts serrent un peu plus fort le verre, sa mâchoire se crispe.

- Et pourquoi voulaient-ils éliminer le chasseur ? est-ce par vengeance pour sa trahison ?

Il n'exprime aucun sentiment particulier. Ni peur, ni colère. Juste une attitude calculatrice qui fait froid dans le dos. Je ne sais pas comment l'interpréter et ça commence à m'agacer.

- Sais-tu qui a mis sa tête à prix ?

- Non, mais ce n'est pas l'un des leurs.

Encore une fois, son cœur fait une embardée. La nouvelle le touche mais rien ne transparait sur son visage.

- Un vampire ?

- Aucune idée. Je sais juste que ce n'est pas Ach.

- Comment en es-tu sûre ?

- Je le sais. C'est tout.

- Tu es aveuglée, ma sœur. Tes sentiments pour lui t'embrouillent l'esprit.

- Pense ce qu'il te plait. Je sais qu'Ach est loyal. Il me l'a montré de nombreuses fois.

Son sourire machiavélique s'étire, accentuant la sensation de malaise qui me prend à la gorge.

- Ce n'est pas parce qu'il couche avec toi et qu'il rapplique comme un toutou dès que tu le siffles, que c'est quelqu'un de fiable.

Mon sang se met à bouillonner. Je me rapproche de lui. J'ai envie de lui foutre mon poing dans la figure. Je dois lutter intensément contre ce désir et garder mon calme.

- Tu veux l'interroger toi-même peut-être ? Puisque tu ne fais pas confiance au jugement de ta sœur. Tu crois vraiment qu'il serait encore entier et en vie si j'avais eu un doute concernant sa culpabilité ? Rien ne me ferait plus plaisir que de torturer et regarder mourir celui qui a commandité le meurtre de Luc.

Samuel ne rit plus. Il plante ses yeux dans les miens et semble chercher si je dis la vérité. Au bout de quelques secondes, son sourire réapparait. Il avale alors une autre gorgée avant de s'adresser à moi.

- Très bien. Je te crois. Tu as vraiment changé, Ivy. Et ça me plait. Même si je regrette la mort de ton... petit ami, je suis heureux que cela ait eu pour conséquence de t'ouvrir les yeux. Hati et toi êtes enfin en harmonie. Ses désirs sont les tiens. Et cela te rend plus puissante.

Je me mets à grogner en guise de réponse avant de me diriger à nouveau vers la baie.

- J'ai bien envie de retourner leur faire une petite visite ce soir. Il faut que je mette la main sur le responsable. Quitte à massacrer tous ces fils de pute.

Samuel se lève et me rejoint.

- C'est une mauvaise idée. Tu risques d'attirer l'attention sur nous. De toute manière, tu devras remettre ton projet à plus tard. Nous partons ce soir.

- Quoi ? déjà ? m'étonne-je.

- Le temps presse, Ivy. Les chasseurs commencent à s'agiter. Ils sentent le danger se rapprocher. Nous devons partir avant qu'ils ne décident de venir nous rendre une petite visite. Nous avons aussi de la route à faire. Arrivés sur place, il va falloir encore coordonner les troupes car Dieu va sûrement envoyer ses anges pour nous contrer. La bataille va être rude.

Je me sens prise au piège. Impossible de faire marche arrière ou de contester. Samuel ne me laissera jamais partir. Je suis prisonnière de ses griffes malgré moi. L'attachement des deux démons fait que je ne peux lutter. Je dois suivre mon frère car mon loup suit le sien, où qu'il aille. Cela a pris des années pour qu'ils se retrouvent et ils refusent d'être à nouveau séparés.

- Très bien. Je vais préparer mes affaires.

Je me détourne aussitôt de lui et file dans ma chambre. Je sens son regard me suivre jusqu'à ce que je disparaisse dans le couloir. J'enrage de ne pas pouvoir mettre au plan à exécution. J'enrage aussi parce que je ne sais toujours pas si je peux lui faire confiance. Il ne me reste que des doutes. Je dois tout laisser tomber pour préparer l'avènement de Lucifer. Mais comment être sûre qu'ensuite je trouverais le responsable ? Rien ne le garantit.

Mon sac est prêt en deux minutes. Je me sens de plus en plus nerveuse. Tout va beaucoup trop vite. Je n'ai pas pu trouver le coupable que déjà je dois partir. Je me mets à faire les cent pas. Bordel ! je déteste ça ! J'ai l'impression d'être une cocotte-minute sur le point d'exploser. L'adrénaline qui coulait dans mes veines après ma petite visite chez les chasseurs s'est déjà évaporée. J'ai les nerfs en pelote et le cerveau en ébullition. Il faut que je trouve un dérivatif. Quelque chose pour me calmer. Je pourrais aller tuer quelques humains, sauf Samuel ne me laissera plus aller me défouler de la sorte. Je l'ai vu dans son regard. Fini de jouer. Je dois faire profil bas maintenant.

Mes pieds martèlent le sol. Je tente de retrouver un semblant de calme en m'asseyant, mais c'est bien pire. Je me tripote les doigts, mon genou tremble. Putain, je n'en peux plus. Je manque d'air, je suffoque. Je sers les poings jusqu'à ce que le sang commence à couler. J'ai tellement besoin de sortir toute cette rage. Je pousse un cri de colère. Peine perdue. Cela ne me soulage aucunement. Il faut que je quitte cet endroit. A tout prix. Je dois prendre l'air, avant d'exploser pour de bon.

Mon regard accroche un objet brillant. Les clés de Luc. Sa moto. Sans plus y réfléchir, je les attrape, enfile ma veste et dévale les escaliers à toute vitesse. Par chance, il n'y a personne à l'horizon. J'ouvre la porte d'entrée dans la volée et appelle l'ascenseur. Quand enfin il amorce sa descente, moi à l'intérieur, je reprends mon souffle. Plus que quelques pas et je serai libre. Le démon gronde, mais je n'en ai rien à faire. Depuis sa mort, je ne suis que l'ombre de moi-même. Je suis les ordres de Samuel, sans broncher, sans en avoir rien à foutre. Mais maintenant que je sais, il y a quelque chose qui s'est réveillé en moi. Ma soif d'indépendance. Mon besoin de faire les choses par moi-même et pour moi-même. Et là, tout de suite, j'ai envie de me barrer, de rouler sans but précis. Même si cela veut dire aller à l'encontre du démon. Je sais qu'il va me le faire payer, mais juste pour aujourd'hui, faire ce que j'ai envie. Bientôt, je lui appartiendrai de nouveau. Bientôt, l'apocalypse mettra fin définitivement à ce que j'étais avant.