Tout s'est passé très vite. Cara et moi sortions de la vieille bibliothèque du Royal High School d'Edimbourg, notre lycée, et marchions en direction du parking, quand soudain, alors qu'on longeait le lac, quelqu'un a crié depuis le roc qui surplombait ce dernier. C'était elle. Elle a crié encore une fois, et puis elle s'est jetée à l'eau. D'autres gens se sont mis à crier, et sans trop savoir pourquoi, j'ai dévalé le versant de colline qui me séparait de la rive et ait plongé.
Dans les films, les sauveurs prennent le temps d'enlever leurs chaussures, leur veste et leur chemise avant de se jeter à l'eau eux aussi, mais dans la vie, je ne crois pas que ça se passe comme ça. En tout cas, moi je n'ai rien enlevé, si ce n'est mon sac que j'ai jeté dans l'herbe. Et je ne l'ai pas regretté une fois dans les profondeurs glacées de notre bon vieux lac qui a cet instant me paraissait plutôt menaçant. L'eau était trouble et nauséabonde, et mes pieds s'accrochaient sans cesse aux algues qui proliféraient au fond du lac, tout était sombre et ma progression était de plus en plus difficile. Je commençais à manquer d'air et ne la voyais nulle part.
Cela devait faire deux bonnes minutes que j'avançais péniblement au fond du lac quand en fin mes doigts se sont refermés sur ses épaules. Aussitôt, je l'ai saisie et j'ai battu des pieds jusqu'à la surface, où j'ai nagé sur le dos jusqu'à la rive. J'ai senti des bras me tirer hors de l'eau, mais je ne me suis pas laissée démonter. Je ne me rappelais même plus de son prénom et elle avait l'air de ne pas respirer. Une pensée étrange m'a traversé l'esprit "Elle ne peut pas mourir sans m'avoir dit son prénom". Je l'ai secouée, j'ai essayé de la faire vomir pour évacuer de ses poumons toute l'eau qu'elle avait du avaler, je l'ai giflé, j'ai hurlé moi aussi. Mais elle ne respirait toujours pas. Une dernière année était en ligne avec les urgences. Quelqu'un parlait d'aller chercher le principal, mais il ne bougeait pas. Un des joueurs de l'équipe de rugby de l'école m'a écarté et a commencé à lui faire du bouche à bouche. Sans succès. Enfin, l'infirmière est arrivée, avec le gardien et le concierge qui faisait franchement tâche dans son trois pièces sur les rives boueuses du lac. Tandis que l'infirmière prenait son poul visiblement inexistant, j'ai vu Cara approcher et poser sa main sur mon épaule
- Tu sais, c'est très courageux ce que tu as fait, a-t-elle murmuré, il ne faut pas que tu t'en veuilles si... Si... Si elle ne survit pas, a-t-elle ajouté doucement.
- Elle va survivre ai-je dit avec hargne.
Cara a continué de me caresser l'épaule et un autre garçon de l'équipe de rugby m'a placé sa veste de sport en travers des épaules. Le principal est arrivé à ce moment là, suivi par les médecins-urgentistes qui nous ont demandé de quitter les abords du lac. On m'a aidée à me relever et j'ai vu plusieurs élèves applaudir sur mon passage. En rougissant, j'ai filé jusqu'aux toilettes de la cour et m'y suis enfermée en sanglotant. Pédagogue, Cara, qui m'avait suivi, continuait de murmurer que j'avais fait de mon mieux et n'était pour rien dans ce qui lui arrivait.
- Cara, l'ai-je tout à coup interrompue, peux-tu m'apporter ma tenue de sport ? Elle est dans mon casier, je suis couverte de boue, j'ai besoin de me changer.
- Bien sûr, j'y vais tout de suite ! et elle a filé sur ces mots.
Elle connaissait ma combinaison.
Enfin en paix, j'ai fait une rapide toilette avec le savon pour les mains et l'eau froide du lavabo, j'ai vidé mon sac que j'avais ramassé avant de quitter le lac, et y ait fourré mes vêtements avant d'y remettre mes cahiers. J'ai entrepris de nettoyer sommairement mes chaussures et c'est à ce moment là que Cara a toqué. Je me suis changée et aspergée de déodorant, mais j'empestais toujours l'eau boueuse et stagnante du fond du lac. En survêtement, le moral en berne et les cahiers probablement détrempés et couverts de boue, je me suis passé de l'eau sur le visage pour éviter d'apparaître en larmes devant Cara qui se donnait du mal, je me suis assise un instant sur les toilettes le temps de reprendre une contenance et en ait profité pour envoyer un rapide message à ma mère pour lui dire, sans entrer dans les détails, que je ne me sentais pas de prendre le bus et que je préférais qu'elle vienne me chercher, et enfin, j'ai saisi mon sac de cours, mon sac de sport, et la veste de sport de, je crois, Edwin, et j'ai ouvert la porte.
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Réminiscence
Teen FictionPourquoi Anabella Bergmann s'est elle jetée dans le lac du lycée ? Pourquoi j'ai instinctivement plongé pour la sauver, et sans succès ? Et surtout, pourquoi depuis sa mort, elle revient régulièrement me rendre visite ? Tant de questions qui, c'est...