"You're Strange"

3."L'étrangeté est le condiment nécessaire de toute beauté." C. Baudelaire

Je me leva et me dirigea vers la porte.
Je suivi le policier jusque dans la cour, où se trouvait le proviseur. Il se dirigea vers moi :

- Eden, c'est à propos de ton père. La police voudrait te poser des questions.

J'étais abasourdie. Encore des questions? Toujours les mêmes, qui resteront sans réponses.

- Eh bien allons y, dis-je en soupirant.

Je jeta un regard vers la fenêtre de ma classe, et vis Charlie qui me regardait, les yeux fixés sur moi. Je lui adressa alors un signe de tête mais celui-ci ne fit rien de plus.

Je retourna dans le grand bureau du directeur.

- Installe toi. Dans quoi travaillait ton père Eden?

- Il était infirmier à l'armée de terre quand j'étais petite, puis il est devenu professeur de Lettres.

Mon père adorait lire, il pouvait dévorer un roman en une journée. Les livres le passionnait, et le faisait voyager. C'était un homme à raconter beaucoup d'histoires, mais j'adorais ça.
Nous avions un roman adoré en commun: Le Titanic.

Ce gros bateau qui fit naufrage au milieu de l'Océan glaciale de l'Atlantique, un pauvre qui tombe amoureux d'une jeune fille se noyant sous l'argent, on connaît tous la suite. Jack meurt, et Rose survit.
Ces histoires à l'eau de rose me fascinaient.

Mon père était simple d'esprit, lorsqu'il eût son poste en tant que prof, c'était comme un renouveau pour lui, il en avait toujours rêvé.

- Et pourquoi avait-il arrêté l'armée?

Sa voix me ramena à la réalité.

- Et bien, il était anti-violence. Il ne supportait pas le combat.

- Avait-il des problèmes de santé?

- Oui il était cardiaque, et prenait beaucoups de médicaments je me souviens.
Ma mère et moi pensions que mon père était mort d'un arrêt cardiaque.
On ne peut pas prévenir ça, ça arrive sans raison, d'un coup, comme si le ciel vous tombait sur la tête. Et puis un beau jour, pouf, quelqu'un part, sans une égratignure. Aucun signe visible de l'extérieur, tout à l'intérieur. Sans explications.
Mais c'est la vie, on ne peut rien y faire, on est fait comme ça, avec ses qualités et ses défauts, chacun propre à son image.

J'espère juste qu'il n'a pas souffert, qu'il est parti, comme Jack, en contemplant le ciel.

Il ne méritait pas de souffrir de toute façon, pacifiste qu'il était, il n'a jamais fait de mal autour de lui. Il était un homme bien, c'était mon papa. Et je l'aimais mais il est parti trop vite, beaucoup trop vite.

Il m'avait promi qu'on partirait en camping, tous les trois cet été. On avait encore beaucoups de souvenirs à construire, de livres à lire ensemble et d'histoires à se raconter.
Mais c'était trop tard, son cœur s'est emballé et s'est arrêté, d'un coup, sans bruit. Et personne n'était là pour l'aider.

J'aurais pu être Rose, et le sauver comme je pouvais, mais je n'étais pas là. Personne n'était là.
Et je me sentais coupable, car ce jour là je devais aller à la pêche avec lui, mais j'avais refusé.
Je préférais voir mes amis. J'aurais pu faire quelque chose mais non, j'avais refusé de sauver mon père.

Je sentais les larmes me monter aux yeux et décida donc d'écouter les paroles de l'inspecteur:

- Bon, ton père avait-il des ennemies? me demanda l'inspecteur.

J'étais outrée. On ne m'avait encore jamais posé cette question.

- Je vous demande pardon?

Il avait posé la question d'une façon cru et sans-gêne.

- Ton père avait-il des ennemies? recommença-t-il.

- Pourquoi posez vous cette question?

Je sentais la colère me monter à la tête.

- Qu'est ce que j'en sais moi? Mon père était quelqu'un de bien, d'accord? Personne ne lui...

- Nous avons reçu le résultat de l'autopsie.

Il m'avait coupé dans mon élan. Je voulais savoir mais une partie de moi refusait d'entendre la vérité.

- Mademoiselle Miller, votre père a été tué.