Habitudes

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Le sang s'écoulait goutte à goutte. Elle laissa échapper un soupir avant de brusquement basculer la tête en arrière et d'avoir un fou rire.

Elle était peut-être folle ? Elle se posait souvent la question.

En riant de dépit presque silencieusement, elle se laissa saigner quelques minutes, grattant de temps en temps la plaie pour qu'elle ne se refermât pas.

Soudain, avec des gestes rapides et précis, car habitués, elle prit de nombreuses feuilles de papier toilette qu'elle appliqua sur la plaie béante. Le blanc se macula de rouge presque instantanément. Elle pressa pendant quelques secondes avant de retirer le papier trempé de sa peau. Sa plaie n'était plus ouverte, mais clairement pas en phase de cicatrisation. C'était pour elle un des meilleurs moment de sa routine d'auto-scarification.

Elle fixa la nouvelle cicatrice et parcourut ses longs doigts fins tout le long de celle-ci. C'était rugueux et humide, comme de la roche qu'on aurait récupéré après une averse.

Ce petit rituel -quasi-quotidien, terminé, elle mit ses écouteurs sur ses oreilles, se releva, jeta le bandage improvisé dans la cuvette et tira la chasse. De ses petits bras, elle attrapa son sac, et à la vue de la blessure, elle baissa sa manche jusqu'à son poignet. Tant pis pour la chaleur.

Elle sortit des toilettes pour se retrouver dans le couloir, elle était ivre de ce sentiment de douleur apaisante. Elle avait décidé qu'elle ne resterait pas l'après-midi. De toute façon, vu le milieu dans lequel était situé son lycée, personne ne remarquerai son absence. Ce n'était pas la faute des professeurs, mais à quarante dans une classe, on est facilement débordé.

En sortant, elle appela son petit-ami et lui demanda si elle pouvait passer chez lui, sa folle-dingue de mère ayant installé des caméras de vidéo-surveillance dans tout son studio, elle verrait que sa fille avait une fois de plus séché les cours.

-Tu veux que je passe te prendre ? J'ai fait regonfler les pneus de la voiture.

Son amoureux avait dix-sept ans, ça ne l'empêchait pas d'avoir utilisé des papiers falsifiés pour obtenir un permis. Elle avait seize ans, et ça ne l'empêchait pas de se sentir enfant.

"Le bandit et la pure", un bon titre pour un mauvais roman à l'eau de rose.

Elle se posa la question. Marcher jusqu'à chez lui pour bouger d'avantage, ou le laisser m'amener à chez lui et profiter de lui quelques minutes de plus ? L'amour ou l'anorexie ? En soit, elle était amoureuse de son trouble, donc cela revenait au même, selon elle.

-Non, je vais marcher. Tu n'habites qu'à vingt minutes de marche, ça devrait aller, non?

Après une brève discussion si clichée qu'un bon nombre de séries et films romantiques "à l'américaine" aurait pu se rhabiller, elle se mit en route.

-J'espère simplement qu'il n'est pas encore énervé... Pensa-t-elle en fixant ses jambes d'un air inquiet.







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