Inhaler

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      Mon père était en train de fumer, comme d'habitude. L'odeur de la cigarette entrait dans mes narines et me faisait toussoter. Quand j'étais plus petite, il ne fumait que dehors pour m'éviter ce genre de désagrément. Maintenant, il s'en fou. Il fume là où il peut, le plus possible. Si je compte bien, je dirais douze cigarettes par jour. 
     Au début, ça ne me dérangeait pas, maintenant ça ne me dérange plus. Entre temps? Un incendie. Un immeuble brûlé. Beaucoup de fumée respirée et une peur encore trop petite ce jour là pour être détectée. La peur du feu vint par la suite. Plus particulièrement la peur de mourir je pense. Mais j'avoue que pour moi, la pire façon de mourir était — et est toujours encore — d'être calciné. Vous imaginez votre corps se décomposer, sans oublier la souffrance que cela doit engendrer, et tout ça devant votre esprit encore bien éveillé? Moi je l'ai vu. J'ai vu le mélange de la peur, de la souffrance et pour finir de la mort dans ses yeux.
Mon grand-père, à cette époque âgé de soixante ans, avait tard le soir décidé de laver la cuisine. Il avait été prit d'un malaise et était alors aller s'allonger, oubliant la serviette sur une des plaques de cuisson. Je dormais chez lui ce soir là. Ma mère était partie fêter un enterrement de vie de jeune fille avec sa meilleure amie. J'étais heureuse de rester chez mon papi.
Je venais de m'endormir quand j'entendis l'alarme à incendie crier, hurler comme elle n'avait jamais fait auparavant. Je descendais de mon lit en hauteur encore endormie quand mon grand-père entra dans ma chambre et me dit de ne pas m'inquiéter, qu'il allait régler la situation. Il avait peur pourtant, ça se voyait. Maman m'avait expliqué quelques jours avant — un signe peut-être — quels numéros il fallait appeler en cas d'urgences. Je pense que ça m'a sauvé la vie. J'entendis un gros bruit en dehors de ma chambre et dans ma tête d'enfant trop curieuse d'à peine six ans, j'ouvrais la porte déjà entre-ouverte de ma chambre. Mon grand-père était couché par terre et me regardait fixement. Je mis plusieurs années à comprendre pourquoi son regard était aussi vide, à comprendre que malgré le fait que je hurlais son nom, il ne m'entendait déjà plus. J'étais debout avec mon lapin en peluche dans la main quand la porte d'entrée a été défoncée par un pompier. Je ne le regardais même pas mais il dégageait un aura spécial, un aura protecteur. Je me sentis un sécurité dans ses bras, comme jamais auparavant.
Je ne savais pas que mon papi était décédé ce soir d'octobre, personne ne me l'avait dit. Je pensais qu'il était à l'hôpital tout ce temps, que je pourrais encore une fois dormir chez lui, jouer à le chatouiller, l'embrasser. Non. Personne ne m'a jamais prévenu que mon acolyte était mort.
     A partir de ce jour, chaque petite odeur de fumée me rappelait l'appartement enflammé de mon grand-père. Ça me terrorisait presque autant que l'idée de l'avoir perdu à tout jamais.

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⏰ Dernière mise à jour : Apr 20, 2017 ⏰

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