Ce monde est mitraille de rire

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Dans le monde où on vit, on rit, on crie, on oublie. On oublie que je suis un humain, tu es un humain, elle est et nous sommes des humains, qu'il n'y a que cette nature et on oublie Considérez si c'est un homme celui qui prend des vies pour n'en sauver aucune.

Monde où c'est en faisant taire qu'on fait beaucoup de bruit – mais on en a pas d'autre, on écoute pas les autres ; on combat des on sourds à la peur de la mort ; on préfère railler, polémiquer, montrer du doigt, pour cacher ce qui vraiment est scandaleux.

Langage des hommes, ne peux-tu être que sang ou dit ? Cent ou tue. Sans mots ou cri. Sanglots ou tu. Têtes effacées par des chiffres, lignes qui défilent sans pudeur, en écho jaunes aux bandeaux qui barrent les rues. Minutes mutiques mais sans silence qu'égrainent les mois, rage immense qui bourdonne, rage de vivre.

Rage de vivre, mitraille de rire                    rire                               rire

rire                            rire                        rire

                 rire                                                              rires                                    rires 

et d'espoir.

Monde où on ne comprennent pas – ce n'est pas la liberté assassinée, mais c'est la bribe qui leur restait d'humanité. Monde grand écart, qui tourne toujours plus vite, mais d'où monte la clameur d'espoirs qui désirent de toute leur flamme se conjuguer. Murs criblés de trous et de feutres, vitrines éclatées et couturées de scotch d'amour, dessins en ribambelles fières, affiches peinturlurées car mieux vaut en rire qu'en pleurer, guirlandes de bougies sur bitume, désir qui pulse encore aux terrasses des cafés, aux balcons, aux fontaines. Regards jetés sur le limon depuis des tours d'ivoire ; œillères sans honte, éclats hypocrites, jours figés qui flambent. Monde plein de foules qui s'étreignent, océans de jambes pour des enfants aux mains vides, papiers délavés, doigts qui s'effleurent, joues contre joues, front contre front, front à la haine, front loin ailleurs. Beaucoup de rois tombés, monde sans ailes mais beaucoup d'espoir, monde grelottant de rires. Monde oublié, aux couleurs de givre, aux étés fiévreux, aux mers renfermant des tropiques et des épaves.

Dans ce monde je voudrais être sur les routes, là où la ligne courante est jaune sur le bitume, dans l'air frais et les aiguilles de sapins. Pieds nus sur un terrain de golf croire à l'embellie. Paysage bordé de pins qui défile, élans de ciel, élans marins. « Embrasser l'aube d'été ». Faire la révolution à coups de peluches brandissant des pancartes, à coups de balles de ping-pong et de vers accrochés aux murs. Faire disparaître l'asphalte dans mes poumons, respirer fort la nuit sans crainte, sortir de ce grand monde de macadam.

Monde aux veines pétrolières, aux sables arctiques, grelot vide qui a perdu sa résonance – pas sa raison – un monde qui se délite et ne doit pas se défaire même ramifié par la terreur – parce qu'il y a la joie aussi, il y a l'ironie mordante et la belle dérision, il y a des chansons et des centaines de langues, et voilà que se dressent des illuminations.

Monde où les gens meurent

pas les idées

Monde où les gens ont peur

et puis un peu moins peur

quand viennent les mitrailles de rire

l'audace et

aux coins des rues, les sourires.

Salves d'avenirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant