Chapitre 12

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– Viens, è horá de acordà.
(Viens, il est l'heure de se réveiller.)
– Mmm... dis-je toute endormie.
– Moi aller manger petii déjeuner.
Je me lève la tête encore toute engourdie et suis Fernando au bas de l'échelle. Nous marchons apparement en direction de la mer. Arrivés au bord de celle-ci, il me montre un cocotier et me demande d'attraper les noix de coco qui tomberont. Après quoi il grimpe comme un petit singe au tronc et me crie :
– Atenção, reflexo !
(Attention, réflex !)
Trop tard, je reçois une noix de coco sur la tête et perds l'équilibre. Fernando descend et m'aide à me relever en rigolant. Je ramasse la noix de coco un peu étourdie et vois soudain Fernando courir et me crier :
– Corre !
(Cours !)
Je ne comprends pas et reste immobile. Fernando est déjà loin, et je tourne la tête. Mon cerveau n'a pas le temps d'analyser ce que les yeux ont vu qu'il m'ordonne de courir. Je sprinte et entends :
– Eu vô pegar-les, meninos levados !
(Je vais vous attraper, garnements !)
Je sens une grosse main me saisir le bras et je me débats, griffe et mors. L'homme lâche un juron et retire sa main. Je cours toujours, et essaie de retrouver Fernando. Je tourne la tête ; je gagne du terrain sur mon poursuivant. Je prends une rue à gauche, puis à droite, espérant embrouiller mon assaillant. Il est à bout de souffle je crois, mais n'abandonne pas pour autant. Je prends à droite, traverse un carrefour et entends à ma gauche un «Pssst» à peine audible. Je prie pour que cela ne soit pas une feinte de l'homme et je plonge tête la première dans une remorque de Jeep. Je me retrouve allongée devant Fernando, la tête poussiéreuse et une expression d'incompréhension totale sur le visage.
– O queee si passo ?
(Que s'est-il passé ?)
Você esta com o coco ?
(Tu as la noix de coco ?)
– Eh... Nããão.
(Eh... Non.)
Arg ! Era a unica coisa a pegar ! Agora não temos mais nada a comer !
(Arg ! C'était la seule chose à prendre ! Maintenant nous n'avons plus rien à manger !)
Je crois que je commence à comprendre. Cette noix de coco, on l'avait volée ! Mais je suis bête, comment en aurait-il pu aller autrement ? C'est un garçon des rues, certes sympathique, mais sans le sous.
– Ee agoora ? je lui demande.
(Et maintenant ?)
Agora você vai ter que esperar um momentinho antes de comer.
(Maintenant tu vas devoir un petit moment avant de manger.)
Et Fernando saute de la Jeep et disparaît parmi les étalages marchands. Je le retrouve entre un stand avec une grosse dame qui crie «Acarajé, vem comer nossa acarajé !» et un marchand de fruits qui crie plus fort qu'elle «Eu tenho banana da agua, vem comprar banana da agua !»
Fernando met un doigt sur ses lèvres et me souffle de distraire le marchand.
– Bom dia Senhor ! Euuu procuroo uma bananââ da Prata, je dis au marchand pour le distraire.
(Bonjour Monsieur ! Je chercher une banane d'argent (espèce de banane qui n'a pas son équivalent dans les pays francophones)).
– Banana da Prata ? Aqui.
(Banane d'argent ? Ici.)
– Mais essa não éé bananââ da terra ?
(Mais celle-ci n'est pas une banane de la terre ?)
Et il se met à m'expliquer la différence entre ces deux espèces de bananes. Je vois du coin de l'œil Fernando qui glisse dans son t-shirt une ananas et deux oranges.
– Eu acho que finalmente eu nããão vô pegar bananâ, eu tenho alergia.
(Je crois que finalement je ne vais pas prendre de banane, j'y suis allergique.)
Je plante le marchand abasourdi et rejoins Fernando sur un banc un peu plus loin.
– Toma, me dit-il en me tendant l'orange.
(Tiens)
Nous mangeons en silence puis il m'explique ce qu'il va faire :
– Jee allééé travailler maintenant.
– Où ?
– Tûû vas vouar, on rentre d'abôrd à la maiison.
Et nous marchons à travers la ville jusqu'à sa taule et sa caisse en plastique. Il la soulève et j'y vois des bonbons et des cacahuètes en sachets.
– Tu les vends ?
– Sim. Dentro dos metros, na praia, na rua...
(Oui. Dans les métros, à la plage, dans la rue...)
Et c'est ainsi que débute notre après-midi de vente. Nous prenons le métro ; Fernando y vend les bonbons et j'y vends les cacahuètes. Le soir j'ai la voix cassée d'avoir crié "amendoins crocantes, quem quer amendoins crocantes ?". Je suis tellement épuisée que je m'endors d'une traite.


Une semaine est passée et nous avons la même routine tous les jours. Fernando sait que je n'aime pas que nous volions des choses, alors aujourd'hui nous nous payons avec le fruit de nos ventes un petit pain et une noix de coco chacun. Le repas de la journée avalé, nous repartons vendre nos sucreries dans le métro.
– Amendoins crocantes, quem quer amendoins crocantes ?
– Eu por favor.
(Moi s'il vous plaît.)
Je baisse les yeux sur un homme assis, bien habillé. C'est visiblement un touriste.
Um pacote ?
(Un paquet ?)
–Sim.
(Oui.)
Une fois le paquet payé je m'apprête à continuer ma ronde quand il m'attrape le bras et me dit :
– Descends avec moi.
Hein ? Quoi ? Mais comment sait-il que je parle français ? Que vas-t-il faire de moi ? Me violer ?
- Et ramène ton cop....
Je m'esquive et je cours à la recherche de Fernando. Je me heurte à plusieurs autres vendeurs.
– Spinners, handspinners, por 10 R$, metade do preço normal.
– Fernando !
J'entends au fond du train un "jujuba, quem quer jujuba ?" et je me précipite dans cette direction. Derrière moi le bonhomme me suit encore. J'accélère et parviens enfin à Fernando.
– Ele, ele sabe que eu não so d'aqui, ele quer que nois decemos do trem com ele, que que fazemos ? je lui demande apeurée et essoufflée.
(Il, il sait que je ne suis pas d'ici, il veut que nous descendions du train avec lui, que devons-nous faire ?)
Calma. Quem "ele" ?
(Calme-toi. Qui il ?)
Je lui montre du doigt mon poursuivant mais trop tard, celui-ci est déjà à côté de nous.
– Descendez.
Plus temps de faire quoi que ce soit, l'homme nous pousse sur le quai. Nous essayons de nous enfuir deux ou trois fois mais sa poigne est vigoureuse. Il nous conduit à travers la foule et nous remontons le couloir de la station, jusqu'à arriver à l'air libre.
- Bon maintenant asseyez-vous là.
Il nous pointe du doigt un banc et nous obtemperons.
- Où habitez-vous ? nous demande-t-il.
Je croise le regard de Fernando et je vois qu'il pense la même chose que moi. L'homme ne doit pas savoir d'où je viens exactement, alors je laisse parler Fernando qui dit que nous sommes frère et sœur et que nous habitons dans la direction qu'il pointe du doigt.
- Je sais que vous mentez. Cela fait quelques jours que je vous surveille, nous révèle l'homme. Je pourrais faire de vous ce que je veux, par exemple vous enlever et vendre vos organes... Ou vous utiliser pour gagner de l'argent, comme en mendiant ou en vous prostituant... Mais je ne ferai rien de cela car j'ai besoin d'enfants comme vous qui savent se débrouiller, pour rentrer à mon service.
Il fait une pause et reprend :
– Julie, car c'est bien ton nom, tu es recherchée. ( Je le regarde, horrifiée. Il sourit.) Je ne te remets pas aux autorités, car comme je l'ai dit j'ai besoin de vous.
- Mais, je demande intriguée, pourquoi ?
- Avant toute explication il faut que vous fassiez un choix. Ou vous restez avec moi, ou je ne donne pas cher de votre peau.
Son visage affiche un sourire cruel. Je regarde Fernando et il hoche la tête.
- Très bien, nous restons avez vous.
- Un choix très résonnable, commente-t-il.

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⏰ Dernière mise à jour : Aug 26, 2017 ⏰

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