41 Kuolom, mission d'infiltration : phase deux

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« Khaālia, Urthēpp et Sazra...

Trônant fièrement sur les tréfonds de l'Abysse

Des plus lointains royaumes de l'infini

Où l'Obscur règne sans partage

Recevez le sang de ces profanes ennemis des Ténèbres

Libérez ces cœurs corrompus par l'ignorance

Faites briller en eux

La pureté de l'Ombre. »

Rituel d'offrande de la Lumière noire. Extrait du Livre des Sacrements fajhugs.


— Hoggar, peux-tu augmenter la luminosité des capteurs ? Le relief se dessine très mal sur la carte.

— Impossible. Le rayonnement diminue de plus en plus ! Je ne sais pas ce qu'il se passe là-dessous, mais ça a l'air de se nourrir des moindres photons qui subsistent par ici.

Le puits descendait interminablment vers le centre de la lune. Nous arrivâmes au niveau des galleries que nous allions emprunter pour infiltrer la base des Fajughs.

— La charge est prête, Hoggar ?

— Charge parée, décrochage dans quarante secondes.

— Vingt secondes.

— Dix secondes.

— Attention, ça va un peu remuer. Quatre... trois... et décrochage. Charge libérée.

L'onde de choc surpuissante propulsa notre appareil vers le fond des souterrains.

— On redresse ! On redresse ! Rétroréacteurs à fond !

L'intercepteur vint frôler la roche des galeries puis finit par se stabiliser. L'odeur âpre du dethanac avait pénétré le cockpit.

— C'était limite ! Esval ?

Le Saandkan se cramponnait encore à son siège.

Rrhg rrhg, ricana Hoggar.

— Nous allons arriver en vue de notre objectif.

— Jaadhur, je viens de localiser la source de l'émission de métamatière. Elle est toute proche de vous.

— Peux-tu me donner sa position exacte, Liātt ?

— Il faudrait qu'elle se déplace encore, le champ de force de Kūolom voile les données.

— Un champ de force ? De quelle nature ?

— Inconnue, Jaadhur, mais cela provient bien du noyau de Kūolom. J'essaie de recueillir le maximum de données que je parviens à décrypter. Les Fajughs semblent être des experts en codage.

— Le temps presse, Liātt.

— Je fais au plus vite, Jaadhur. Je t'instille rapidement d'autres éléments qui pourront vous être utiles.

Les contours luminescents de la carte dessinaient l'architecture de la cité fajughe que nous dépassions à bonne distance en rasant les parois des sous-sols. Nous pouvions voir aussi les escouades d'intercepteurs en état d'alerte et les vaisseaux d'urgence qui allaient et venaient dans les galeries.

Le jeddreï principal abrite le grand temple de la Lune noire, ainsi que les mémoires, qui renferment toute l'histoire des Fajughs jusqu'aux faits les plus récents. Une prison est attenante au jeddreï. Le sort qui est réservé à la majorité des détenus est la mort. Ceux qui sont jugés avec le plus de clémence peuvent choisir d'être sacrifiés sur les autels du culte de la Lune noire ; les autres sont jetés en pâture dans des fosses de Tahuujs affamés.

— Certains de ces monstres pullulent aussi sur Tsebōra, dans les profondeurs de la cité-planète, commenta Hoggar. Et ils ne sont vraiment pas commodes.

— Nous allons nous poser, camarades ; à vos combinaisons furtives.

*

Yathko se concentra sur l'un des deux gardes qui se trouvaient devant la porte de sa cellule. Il était robuste. Le Tsaddha pouvait sentir son gros cœur battre et son souffle rauque aller et venir. Il pouvait s'insinuer dans les moindres parties de son corps et observer ses organes comme des pièces de viande sur un étalage. Il était certain de pouvoir en prendre le contrôle, certain de pouvoir devenir ce garde. Mais pour cela il fallait qu'il quitte Yathko, qu'il lâche prise sur cette carcasse que l'on allait bientôt dépecer. Bizarrement, ça n'était pas vraiment ce qu'il voulait, lui, le Tsaddha qui avait survécu jusqu'ici. Il avait conscience que sa raison commençait à le quitter, comme si son esprit se scindait. Cette chose était en train de le manipuler, tout comme elle le ferait avec ces gardes qui gouaillaient devant la porte de la cellule. Il fallait qu'il lutte pour garder sa lucidité, pendant qu'il le pouvait encore.

Ils étaient en train de bâfrer maintenant.

— Une cuve vient de lâcher.

— Ils avaient dit que ça pouvait plus se produire.

— Rien n'est jamais vraiment sûr dans l'espace.

— Ce qui est sûr, c'est qu'on va manquer d'énergie ce soir.

— En attendant, le transfert du Tsaddha est reporté.

— Fallait s'y attendre... Passe-moi la soupe.

L'hologramme du professeur Anthios éclairait outrageusement une salle retirée de l'immense jeddreï. Solketsine et son maître l'observaient derrière leurs masques protecteurs.

— Votre Excellence, le prisonnier que vous détenez est la propriété du Mnémolab. Il est impératif, dans votre propre intérêt, de nous le restituer dans les meilleurs délais. Vous n'avez pas l'infrastructure suffisante pour le contenir. Il y va de la survie de votre civilisation.

Le maître fajugh scrutait avec détachement le visage du professeur qui trahissait les intérêts évidents du Mnémolab.

— Professeur Anthios, ce Tsaddha que nous détenons et que vous dites vous appartenir ne quittera pas Kūolom tant que nous ne serons pas sûrs d'avoir totalement neutralisé la menace qu'il représente. Nous allons pratiquer sur lui des examens poussés. Nous vous recontacterons lorsque nous aurons pris une décision.

Le maître fajugh mit fin à la transmission. Aussitôt, une autre communication prit le relais :

— Maître, le diffracteur stellaire présente des faiblesses, l'apport en dethanac est insuffisant.

— L'énergie qui alimente le noyau doit être maintenue, ordonna-t-il, les réparations sur les cuves d'acheminement vont aboutir, veillez à maintenir l'alimentation du diffracteur sans discontinuer, nos réserves sont suffisantes.

— Bien, maître.

Le Fajugh s'adressa à Solketsine :

— Les Mnémorgs vont certainement essayer de négocier directement avec nous. Nous verrons jusqu'où ils sont prêts à aller pour récupérer leur fugitif. Il leur est plus précieux que ce que je pensais, Solketsine. La chambre à isofluide sur le vaisseau de la coalition est-elle opérationnelle ?

— Elle l'est, maître, j'ai moi-même neutralisé la propulsion de l'appareil.

— Bien, donne l'ordre à tes gardes de transférer le prisonnier dès que le générateur sera relancé.

— Bien, maître.

Les Forêts d'AcoraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant