Recit n° 4 :Le photographe

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L'appartement n'est pas grand : à peine plus de 25 mètres carré. Mais lorsqu'on habite seul, c'est amplement suffisant. La décoration était très tendance, et dénotait dans un bâtiment des années 60. L'air froid du matin de décembre déposait sur la fenêtre une légère buée. Quelques DVDs alignés devant la fenêtre traduisaient l'intense activité vidéoludique qui devait se dérouler en ces lieux. Le canapé dégageait une légère odeur de cigarette, et cachait sous ses coussins deux romans policiers aux titres évocateurs : L'avant dernier baiser et Ceux qui t'ont salué. Sur la table du salon, des prospectus publicitaires commençaient à s'accumuler. François les saisit de la main droite, tandis que sa main gauche cherchait à tâtons dans la poche de sa veste la clé de la porte d'entrée. Il s'arrêta à la cuisine, saisit une friandise dans le panier de fruit et, après avoir jeté un dernier regard sur le meuble de l'entrée, sortit.

François adorait décembre à Paris. Il lui semblait que la ville entière était prise dans un tourbillon féérique. C'était déjà le deuxième Noël qu'il passait dans cette ville, et la magie était encore intacte : les lumières, les vitrines animées et les petits cabanons des vendeurs de sucreries semblaient le temps d'une saison réduire la ville immense à la taille d'un village pour enfants.

Mais aujourd'hui, il n'avait pas la tête à s'arrêter à ces rêveries. Il était investi d'une mission, d'une quête héroïque : trouver ses cadeaux de Noël un mercredi 19 décembre. Il pénétra dans la rame de métro la plus proche en maudissant sa distraction : 10 jours déjà qu'il s'était promis de trouver les cadeaux pour sa famille. Pour sa fiancée pas de problème, il avait déjà prévu le coup, restait donc 4 idées à trouver dans la journée. Livres en tout genre, DVD, gadgets inutiles peut être... il lista toutes les possibilités qui s'offraient à lui.

Après quelques rapides changements de lignes de métro, il s'arrêta au beau milieu de Paris : le centre commercial de Châtelet les Halles lui semblait être un endroit suffisamment stratégique. Si là-dedans il ne trouvait pas d'idée, c'était bien le diable.

Le premier magasin qui l'arrêta était dédié au corps et à la « beauté naturelle », ainsi que le proclamait la devanture aux couleurs pastelles. Ainsi qu'il le redoutait, la petite surface de vente était envahie de monde, et les musiques entêtantes qui passaient en boucle couvraient à peine les dialogues assourdissants des consommateurs en manque d'espace vital.

« Lorsqu'un homme entre pour la première fois dans une boutique de cosmétiques, alors là seulement mesure-t-il l'abysse qui le sépare de toute chance de compréhension de la gente féminine. » Telle fut la pensée de François après avoir tenté vainement de saisir la logique censée organiser le rayon devant lui, rayon qui n'affichait pourtant en guise d'avertissement qu'un banal panneau « Produits pour le corps ».

Il sortit de là 15 minutes plus tard avec une lotion pour le corps, une autre pour les mains, une troisième pour le visage et avec la dérangeante sensation que la jeune caissière qui l'avait conseillé l'avait pris pour un gentil sot pas très dégourdi.

Il descendit encore plus profondément sous terre, dans l'espoir de trouver un petit snack qui lui donnerait la force nécessaire pour continuer l'épreuve qu'il avait entamé.

Au bas de l'escalier, porté par la foule, il bifurqua et continua son chemin jusqu'à la place qui servait de centre et de repère au beau milieu de ce dédale de boutiques. Il avisa au loin un escalier qui lui permettrait de prendre un peu de hauteur et décida d'en faire son objectif. Il entamait seulement la traversée de la place lorsque son regard fut arrêté par un groupe qui s'était formé au beau milieu de la foule. Curieux de l'agitation qui semblait parcourir l'assistance, il s'approcha.

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