Je m'appelle Louis, Louis Baggatel. Il ne se passe pas un jour sans que je pense à elle. Beaucoup d'hommes l'avaient charmé, mais c'est moi qu'elle avait choisi et ne me demandez pas pourquoi, elle ne me l'a jamais dit. Cela fait dix ans que j'attends qu'elle revienne, l'abandon est-il le meilleur moyen de montrer à une personne qu'elle ne nous convient plus ? Enfin, si seulement elle avait voulu m'abandonner ; les choses auraient été bien plus simples... Depuis son départ, la rue est ma maison, les pigeons mes amis, quelques draps sales me servent de vêtements et bien sûr, mes poches sont vides depuis déjà très longtemps. Dès fois des passants généreux m'offrent un peu de leur temps, un peu de leurs pièces. Mais pour les autres, je ne peux pas leur en vouloir, ils n'ont surement pas la patiente ou l'envie de me consacrer quelques minutes ; à leurs yeux, je ne suis qu'un bon à rien qui passe ses journées à s'apitoyer sur son triste sort. Mais la vie n'a pas toujours été comme ça. Souvent, je contemple la mer, elle me rappelle ces jours anciens passés avec elle à mes côtés. Quelques bouts de pain dans un panier, bras dessus-bras dessous, nous allions tous les dimanches nourrir les cygnes majestueux et les canards barbotant. Elle riait à la vue de ses misérables oiseaux ; moi, je la regardais, amoureux comme au premier jour. Les bouteilles en verre cassé brillent à mes pieds, les enfants crient et moi, je ne suis que vide. Il ne me reste que la peau et les os, je n'ai plus d'âme ni de muscles assez forts pour soulever ce corps vide ; comme une coquille d'escargot qui aurait perdu son mollusque. Je marche sur le trottoir, le soleil se couche ; j'ai faim et froid, mais je ne ressens aucune douleur. Je m'élève ensuite au-dessus de la ville, au-dessus de tout. Sur un grand gratte ciel, je contemple les gens, les voitures, les magasins ; et je repense à ma vie. C'est le vent qui décida que ma vie devait s'arrêter là, il m'obligea à me laisser tomber. J'étais l'oiseau des anges ; elle, elle ne reviendra pas, car on ne revient pas du monde des morts ; moi, je suis parti la rejoindre par amour pour elle.
Notre histoire se termina à cause de cette putain de maladie qui froissa son âme, et le désespoir qui déchira mon corps ; comme une carcasse qu'on a laissé trop longtemps moisir dans les rues de New-York City...
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Ces passants généreux
Short StoryLouis Baggatel est un homme malheureux qui fait la manche dans les rues de New York ;mais les choses n'ont pas toujours été ainsi...Cet amour pour elle l'auras aidé pendant dix ans,mais un homme ne peut pas être éternellement patient.