Les rues trempées par la pluie, le petit vent frais de mars s'engouffrant dans les rues, le brouhaha de la ville, les rires des enfants jouant sous les préaux, les murmures de jeunes femmes charmantes sur mon passage et le son des gouttes sur mon parapluie rouge, tache écarlate au milieu de cette mer de tissu noirs. Je m'appelle Arthur Kirkland, chef des archives de la bibliothèque nationale de Londres, et ces petits éléments font partie de mon quotidien. Rien ne me différencie des autres anglais: Moi aussi je porte ce pardessus noir, cette chemise blanche sous ce gilet au boutons dorés. Mes sourcils volumineux font ma réputation chez les français, et mon humour gras provoque des fous-rires dans les pubs.
Aujourd'hui, nous sommes le 15 mars 1950. Voilà cinq ans que cette petite paix était retombée sur ma vie, après la Seconde Guerre mondiale. Mais elle n'avait pas tant changée, puisque j'avais été dispensé du service militaire, à cause de mon âge à ce moment, et mon travail, qui lui-même n'avait pas changé d'un pouce. Cela ne m'empêchait pas de me sentir comme un guerrier au repos maintenant. Mes frères étaient revenus glorieux de cette guerre contre l'axe, amochés, mais victorieux. J'étais bien fier d'eux. J'avais d'ailleurs attendu leur retour pour fêter la victoire avec leurs parents, femmes et enfants, pleurant de joie en sachant cette page noire de l'histoire enfin tournée.
Aujourd'hui, les réjouissances sont passées, tout le monde est rentré chez soi, et les pensées sont à d'autres affaires, plus futiles, certes, mais plus joyeuses. J'avais moi-même passé le cap. Mon aîné, Allistair, était revenu habiter avec moi à Londres, à KnightsBridge, dans le district de Westminster. Il a reprit sa boutique d'artisanat dans la grand rue. Moi, je n'avait pas changé ma routine. En route chaque matin pour les archives de la bibliothèque, avec mon parapluie rouge que personne ne pouvait rater.
" - Arthur, tiens donc, ça fait un bail qu'on n'est plus allés boire un coup, tu viens avec nous après le travail ? Cette voix, je la reconnais entre toutes. Je tourne le regard vers lui. C'était Alfred, un jeune soldat américain ayant décidé de prendre congé de ses supérieurs. Je vais vers lui en souriant.
- Pourquoi pas ? Mais seulement si c'est toi qui invite ! Je ris seul à cette blague, l'autre ne trouvait pas cela tellement drôle, probablement parce qu'il y avait cru. Ce... C'est une blague, Al...
- Mais tu viendrais?
- Non mon vieux, j'ai trop d'archives à trier, je vais probablement être trop fatigué pour ça... Je vois son air un peu déçu. Peut-être une autre fois?
- Tu nous diras quand, hein? Bon, je dois y aller, mon patron va encore me donner du bâton sinon... J'aurai trop mal au dos encore une fois!
- Ah ah! Peut-être que tu t'en lèveras plus matin! Bon, à la prochaine!"
L'américain prend le chemin inverse au mien, disparaissant entre les autres parapluies anodins, noirs, pareils, si peu intéressants. Je me rend donc à ma bibliothèque chérie. C'est en passant la porte que je me rend compte que j'ai du travail. Mon employé, Ivan Braginski, arrive, couvert d'encre noire.
"- J'avons pas fait exprès, monsieur Kirlkand, Je vous promettons. C'est la machine qui avez décidé de faire n'importe quoi. Ses difficultés avec l'anglais est assz visible, son accent russe roule les "R" de façon assez spectaculaire, et sa voix tonnante se veut gentille. Je ne lui adresse aucun regard, déjà agacé. C'est la troisième fois que ça arrive avec lui cette semaine. Je répare, donne les instruction aux autres, et peux enfin commencer à travailler.
Mon sale caractère dû aux incidents quotidiens reste toute la journée, si bien qu'en sortant, je lâche un sombre et sec "à demain." à la secrétaire et aux autres bibliothécaires. Mais une fois que je suis sous la pluie, je retrouve mon air neutre, ouvrant mon parapluie rouge. personne n'est dehors à cette heure là, je m'y suis habitué. Je marche d'un pas sautillant, fredonnant un vieil air.
"I'm singin' in the rain,
Just singin' in the rain,
What's a glorious feelin'
I'm happy again!"
Ouf, comme d'habitude, personne ne me voit. Je poursuis, guilleret.
"I'm laughing at the clouds,
So dark up above,
The sun's in my heart,
I'm ready for love!"
Si mon frère m'entendait... Il rirait comme il a toujours rit de moi. Moi? Prêt à tomber amoureux? Jamais de la vie, je suis un homme austère et travailleur à ses yeux, pas le temps pour batifoler avec les femmes. Seul les romans dépeignent des vraies relations, dans notre société actuelle, qui croit encore à l'amour? Moi oui, peut-être.
J'arrive devant chez moi. Alors que je ferme mon parapluie, je me retourne pour voir le bâtiment d'en face. Je sais que là habite Marianne, une jeune française arrivée ici il y a quelques temps. Dommage, je n'ai jamais eu l'occasion de lui parler, ni même de la voir. Cela serait peut-être une jolie rencontre, mais bon, Allistair m'a toujours volé mes amies, alors cette jeune femme n'y échapperait probablement pas. J'entre, secoue mon parapluie, et passe le reste de la soirée à chantonner et danser avant que mon frère n'arrive. Mon quotidien tourne toujours autour de ces éléments, une routine agréable dont je ne veux pas me séparer. Mais vivre d'autres choses serait intéressant. Encore faut-il que le hasard vienne y mettre son grain de sel.
Je me demande: Quand la chance va-t-elle se tourner vers moi? Me prendre par la main et me montrer qu'il n'y a pas que la pluie dans la vie, me présenter à d'autres gens comme moi qui cachent leur joie de vivre? Je me demande: Est-ce que le hasard va frapper une fois? Une rencontre au coin d'une rue, un nouvelle amitié, voir plus... Que de questions sans réponses. Mais la nuit porte conseil, et chaque soir je m'endors en pensant à ce que me réserve le lendemain. Et demain, aurai-je la petite chance dont je rêve depuis si longtemps?
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Under the red Umbrella (Version Française)
FanficJe me demande: Quand la chance va-t-elle se tourner vers moi? Me prendre par la main et me montrer qu'il n'y a pas que la pluie dans la vie, me présenter à d'autres gens comme moi qui cachent leur joie de vivre? Je me demande: Est-ce que le hasard v...