Chapitre 2

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Aujourd'hui ressemble à tout les jours. Ma petite routine continue, au milieu des autres, avec mon parapluie rouge. Mais aujourd'hui est un peu différent. Nous sommes jeudi, le jour ou je suis tout seul aux archives. Je rentrerai peut-être plus tard. La pluie tombe encore plus fort aujourd'hui, et le vent soufflant retourne presque mon parapluie. Je cours un peu, histoire de ne pas être trempé.

Je passe la porte de la bibliothèque en me secouant comme un chien mouillé. Je ferme mon parapluie rouge, le prend au poignet et me rends à mon bureau. Assis sur ma chaise, j'apprécie -avec un sourire- le bruit des gouttes de pluie sur le toit et contre ma fenêtre. Je lâche un soupir de satisfaction avant de me mettre au travail. Sans les problèmes des autres employés à régler, je finis bien plus vite qu'à l'accoutumée, mais je ne peux pas me permettre de quitter mon poste aussi tôt.

Je vais devant la fenêtre, soulève le tapis d'un geste du pied et le laisse dans un coin, avant de taper mon talon ferré contre le parquet. Je saisis mon parapluie et commence à esquisser des pas de claquettes, en fredonnant "Singin' in the rain", comme d'habitude. Je n'ai pas peur que quelqu'un me remarque, je suis seul. Mais, ne me souciant pas de ce qui se passait autour de moi, je ne vois même pas le temps passer.

"I'm laughing at clouds,
So dark up above,
The sun's in my heart,
And i'm ready for love,

Let the stormy clouds chase,
Everyone from the place,
Come on with the rain,
I've a smile on my face..."

Fatigué mais content, je retourne m'asseoir à mon bureau, puis regarde l'horloge. Vingt-deux heures! Je sors en trombe de la pièce, Allistair va me faire une scène si je traîne trop. J'ouvre mon parapluie et cours comme un fou. Je regarde autour de moi, il n'y a personne, et à ce moment de l'année, le soleil est couché depuis un moment.

Trop occupé à observer les alentours, je me percute violemment quelqu'un. Tout deux tombons à terre dans les flaques. Je me relève rapidement et m'apprête à crier sur le crétin qui est resté en travers de mon chemin, mais je ne dis rien. Ce n'est pas la personne que je pensais: C'est une lady! Je l'aide à se relever, rouge comme un pivoine. Je m'excuse, n'osant pas la regarder.

"- Je suis vraiment désolé mademoiselle, je ne vous avait pas vu...

- Ce... Ce n'est rien, je n'aurais pas dû rester ici... Elle a un doux accent français qui me fait réagir. Je lève le regard pour l'observer. Elle est blonde, bouclée, ses yeux sont d'un bleu à faire pâlir le ciel et l'océan, et sa peau diaphane ne montre aucune imperfection. Sa robe, par contre, et à cause de moi, est trempée. Je ramasse mon parapluie rouge et le dresse au dessus de nos têtes.

- Non, vraiment, je suis désolé...

- Oublions-ça, voulez-vous... Je vois son air embarrassé. Elle s'apprêtait à partir, mais je la retint.

- Laissez-moi vous raccompagner chez vous, Londres n'est pas sûr à une pareille heure... Je lui tendit mon bras, lui faisant signe de le prendre, ce qu'elle fit. Où habitez-vous?

- KnightBridge, du côté de Central London...

Je hoche la tête. Je sais parfaitement ou c'est, puisque c'est ma rue. Je l'emmène donc, tenant mon parapluie assez haut pour nous deux. Le trajet est silencieux, Elle a l'air embarrassée à cause sa robe trempée. Moi, je suis aussi tout mouillé, pour avoir atterrit sur le postérieur. Je suis un peu ridicule à l'instant, heureusement, ma veste cache la trace. Je la vois frissonner, et je ne peux m'empêcher de lui passer mon pardessus. Elle refuse d'abord, mais voyant que j'insiste, elle accepte avec un "Merci" presque silencieux.

Nous arrivons enfin dan la rue quand je constate avec une once de soulagement, qu'Alistair n'est pas encore rentré, comme le témoigne les lumières éteintes aux fenêtres. Alors que je m'arrête pour me le faire remarquer, la jeune femme m'emmène vers la maison d'en face.

- Voilà, c'est ici. Merci, monsieur... Nous n'avons même pas été présentés...

- Kirkland. Arthur Kirkland. Je m'incline en me présentant.

- Merci, monsieur Kirkland. Elle ouvrit la porte, allait entrer, mais se retourna un instant. Marianne Bonnefoy. Enchantée..." Elle file vite à l'intérieur, alors que je reste planté devant le seuil de la porte. Je reste un instant debout devant la porte, avant de reprendre mes esprits. Je me retourne, entre chez moi et me dépêche de monter les escaliers. Quand j'arrive à mon appartement, je veux ôter ma veste, mais rien sur mes épaules. Je mets un instant à comprendre que Marianne avait oublié de me la rendre. J'irai la lui demander demain.

Alors que je reprends mes activités habituelles -en pyjama cette fois, mon pantalon étant encore humide- J'entends la porte d'entrée s'ouvrir brusquement, ce qui me fait sursauter. Je pousse d'ailleurs un petit cri de surprise, avant de constater qu'il ne s'agit que d'Alistair. Il me considère, l'air interpellé.

"- Euh... Arthur, tout va bien?

- O-oui, c'est juste, hem...

- T'es bizarre toi.

J'avais d'abord cru qu'il allait encore lâcher une remarque cinglante, mais non, il rit.

- T'es bien le fils de papa! Toujours à faire des trucs bizarres!

Je ris jaune. Non, pas comme Papa. Papa était un alcoolique, Papa tapait Maman. Et surtout, Papa n'avait pas un grand coeur comme le mien. Personne n'avait su passer la barrière de son austérité et de son désintérêt pour les sentiments. Et pourtant, plein de filles ont su renverser les miennes. Dès qu'Alistair sort, je lui lance un regard à la fois triste et agacé. Il ne connait pas Papa. Il ne sait de lui que les bons côtés. Mais pour l'avoir observé dans le trou de la serrure, je peux être sûr de ce que j'avance.

Je me prépare à aller me coucher mais une question survient à mon esprit. Et si d'autres personnes savaient, et qu'elles se disaient que j'étais comme lui, comme Alistair l'avait dit? Je m'endors le coeur lourd de cette question qui met en péril ma réputation. Demain sera, je l'espère, sera plus joyeux que cette fin de soirée...

Under the red Umbrella (Version Française)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant