Il me manque

29 1 0
                                    

Il me manque. Je pourrais assembler les mots les plus sensés que je connaisse, tenter d'en faire ressortir toutes les nuances, mettre toutes ces sensations incessantes en perspective pour finalement vous le faire comprendre, mais je ne ferais qu'assembler une centaine de concepts entre eux. Alors je préfère vous le dire simplement. Il me manque. Peut-être n'est-ce alors pas suffisant ? Peut-être serez-vous assoiffés de détails ? Mais qu'a-t-il bien pu lui arriver ? Qui est-il ? Lui manque-t-il réellement ? Peut-être aucune de mes réponses ne vous satisfera, peut-être avez vous besoin d'un accès direct au vent de pensées qui me hantent, qui me fouettent à chacun de mes réveils, peut-être chaque mot que j'utilise ne vous ouvre pas assez grande voie pour vous en laisser comprendre le sens. Il me manque. Bien-sûr, je catégorise ce sentiment, aucun des mots à ma disposition n'aurait la capacité de vous transmettre chaque parcelle d'émotions qu'il renferme, alors je conceptualise. Je parle et tout est conceptuel. Voilà alors ma seule façon de vous faire comprendre ce que je ressens, tout en sachant que vous ne comprenez pas réellement. Peut-être ne suis-je pas assez qualifiée pour vous le faire comprendre, peut-être que nous sommes tout simplement trop habitués à ce genre de relations. Alors est-ce qu'en changeant le monde, je m'améliorerais aussi ? Je conceptualise encore. « Changer le monde », à quoi bon s'il n'est plus là aujourd'hui ? Il me manque. L'avez vous déjà ressentie ? Cette impuissance. Ce poids vide qui pèse chaque jour sur votre cœur, et que vous vous efforcez d'ignorer, que vous tentez de combler jusqu'à ce qu'elle ressurgisse, n'ayant jamais été aussi forte. Vous étiez persuadés qu'elle n'y parviendrait jamais, et que votre existence garderait de son sens. Mais voilà qu'elle prend le dessus sur votre être, votre âme, et toute votre vie. Et voilà que le blanc s'installe. Voilà que chaque note de musique vous transporte dans ce monde où vous pouviez toujours agir, dans ce monde où vous pouviez toujours imaginer que vos mots changeraient quelque chose. Et voilà qu'à la seconde où la musique s'arrête, il vous manque. Mais là est le problème, comment s'occuper des autres si on ne sait pas s'occuper de soi ? Comment apprendre aux autres à s'occuper d'eux si on ne sait pas s'occuper de soi ? Alors je devrais m'occuper de moi avant de changer le monde, mais si changer le monde c'est me changer, et je ne suis même pas sûre du résultat, alors il faudrait détruire, et reconstruire jusqu'à obtenir une réalité qui se rapproche de la pensée idéalisée. Je ne sais plus ce que j'écris, mes mots m'étouffent, m'enfument et coulent sous mon poids. Alors je laisse ma réalité s'évader, je m'autorise à ignorer mon monde, ce monde auquel il manque, mais qui ne le remarque pas. Ce monde qui continue de tourner sans se retourner sur ses erreurs, ce monde que le passé n'influence pas. À quoi bon lutter si même votre monde finit par vous laisser couler ? À quoi bon penser si votre monde vous laisse y manquer ?

Quelques pensées Où les histoires vivent. Découvrez maintenant