Le temps d'un été

Chapitre I

Je regardai l'affiche déposée sur la table, à côté de mon assiette, sous le regard approbateur de mes parents, fiers de leur initiative. Je sentis mon frère frissonner. Les grandes lettres colorées me donnaient la chair de poule : CAMP D'ÉTÉ DES TOURNESOLS ! Je soupirai avant de lever les yeux vers les deux adultes souriants qui attendaient ma réponse.

- Vous êtes sérieux ? Un camp d'été ? À mon âge ?

- Vous ne pouvez pas nous faire ça, s'écria mon grand frère. J'avais prévu des vacances de rêves avec mes potes !

- Voyons ma chérie, dit doucement mon père, il n'y a pas d'âge pour partir en aventure et se faire de nouveaux amis. Et très cher fils, la vie ne peut pas toujours tourner comme on l'entend.

- Et puis à 17 ans et 18 ans, c'est là où on veut vivre des choses mémorables, ajouta ma mère.

Depuis que j'étais toute petite, j'avais toujours eu de la difficulté à me faire des amis. J'étais timide, n'osais pas aller vers les autres, et les rares personnes avec qui je me tenais à l'école avaient fait le premier pas. Ça n'avait pas changé, l'histoire se répétant au collège, puis au lycée. Évidemment, mes parents étaient inquiets. Ils avaient peur que leur fille ne trouve jamais sa place dans la société. Tout de même, ce n'était pas pas en m'envoyant au fin fond de la campagne sauvage que j'allais trouver mon âme sœur ! Et puis j'avais des amis. Deux meilleures amies. Depuis le début du lycée, on était très proches et on avait une qualité en commun : un humour incompris du reste de monde. Si ça se trouve, c'était ça qui me bloquait : j'étais comiquement malaisante ! Il ne fallait pas s'étonner que je ne tente jamais la conversation quand je savais que ça ne mènerait nulle part. Non, avec Karine et Mélissa, c'était du vrai. Pas besoin d'autres amis ou de connaissances...

Quant à mon frère... l'opposé complet. Des tonnes d'amis, tous plus populaires les uns que les autres. Mes parents pensaient que j'avais grandi dans son ombre et que ça m'avait nuit, mais au contraire, j'avais ainsi évité les coups de soleil. Pas d'efforts inutiles, mon frérot me refilait les trucs pour réussir socialement avec un minimum d'énergie. «Un groupe de trois, c'est la base. Tu ne peux pas être moins, sinon ta vie va être un enfer.» C'était mon modèle inatteignable, que je ne voulais jamais rattraper non plus.

- Vous verrez, c'est beaucoup mieux que ce que ça en a l'air, dit mon père en regardant ma mère d'un regard tendre. D'ailleurs, c'est comme ça que j'ai rencontré votre mère. Je me souviens quand je l'ai vu pour la première fois, j'ai cru que c'était un ange descendu du ciel, avec son bikini bleu ciel...

- Voyons mon cœur, tu l'as déjà raconté des centaines de fois, gloussa l'intéressée. Cependant, je ne nierais pas que ce fut le plus bel été de ma vie.

Je roulai des yeux. Je pouvais voir l'aura rose bonbon qui les entouraient et ça ne me mettait pas particulièrement à l'aise.

- Je suis prête à faire un compromis : si après un mois je vous appelle en larmes pendant une crise de panique pour que vous veniez me sortir de là, vous venez me sortir de là, dis-je sèchement.

- Pas de problème Margaux, répondit mon père, mais je doute que nous devions en arriver jusque-là. De plus, ça nous arrangerait si tu pouvais te retenir, parce qu'avec ta mère, nous avons prévu un petit voyage en amoureux. Une fois de temps en temps, ça ne fait pas de mal. Et toi Noah, surveille ta sœur. Tu sais combien elle peut parfois être désespérante...

- Papa !

- Je rigole... à moitié, chuchota-t-il. Je compte sur vous deux pour vivre votre jeunesse qui s'envolera si vite.

- Mon cœur, nous sommes encore dans la fleur de l'âge, rigola ma mère. En tout cas, vous allez bien vous amusez, vous verrez.

J'échangeai un regard compatissant avec Noah qui soupira longuement. Cet été sera plus long et éreintant que prévu...