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quatorzième jours du mois de février, vingt-deuxième heures du quatorzième jours du mois de février.

l'ombre s'est abattue sur le sol. elle s'est glissée dans les rues, imposant un certain silence. elle a fait taire les enfants et rentrer les adultes.

mais elle n'est pas parvenue à endormir l'enfant qui se tient à sa fenêtre, dans cette ville de mokpo.

pourtant, il est fatigué. ses paupières n'ont qu'un souhait : se rencontrer et plonger l'enfant dans le noir.

mais il reste éveillé. parfois, il tape son front contre le verre froid, pour éloigner morphée de lui.

ce soir, il est fatigué.

vingt-troisièmes heures de ce quatorzième jours de ce mois de février.

junhong le voit enfin. il prend le temps de le regarder. il gagne du temps. du précieux temps pour prendre son courage.

finalement, il se redresse et attrape un bouquet.

cinq roses rouges. et une blanche.

il quitte sa chambre d'un pas lent et silencieux. il se faufile dans le couloir. il devient une ombre de l'ombre. il ouvre prudemment la porte. et la referme avec les mêmes gestes lents.

puis junhong court. il court vers lui. il court pour ne pas le laisser filer.

comme toutes ces choses qui lui échappent, lui ont échappé, et lui échapperont.

il s'arrête. il se courbe. om tend le bouquet vers l'homme en face de lui.

« je t'aime jiyong. »

jiyong regarde alors le bouquet. puis l'enfant. il attend, sans piper le moindre mot. il espère que l'enfant abandonne, et le laisse tranquille. mais ce gosse est décidément amoureux.

« gamin, c'est la troisième année d'affilée, là.
- je t'aime, jiyong.
- t'as douze ans.
- je t'aime.
- j'en ai dix neuf.
- je t'aime.
- redress-toi. »

jiyong attrape le bouquet, délicatement malgré ses dires, et junhong se redresse. d'abord, il le regarde. puis, il le dévisage. son regard glisse de ses yeux aux longs cils, jusque son fin nez, pour échouer sur ses pommettes, ses joues, et enfin rencontrer ses lèvres.

« t'es trop jeune.
- je sais.
- alors, arrête.»

junhong se mord la lèvre. il recule de quelques pas. le cœur d'un enfant est sûrement la chose la plus facile à briser. celui de junhong est parsemé de fissures. il baisse la tête.

« je fais comment. »

sa voix tremble. son corps tremble. son âme tremble. il se sent à nouveau au bord de ce ravin. il a terriblement besoin d'attention. s'affection. d'amour.

et pourtant, il est là. seul devant ce ravin. les jambes dans le vide. le regard dans le Vide.

« t'es trop jeune. je n'ai rien à t'offrir. tu le sais.
- pourquoi tu me fais ça ?
- je ne te fais rien, gamin.
- jiyong...
- je foutrai ta vie en l'air, et ça, t'en as parfaitement conscience. »

junhong secoue la tête. l'année dernière aussi, il s'est retrouvé dans cet état. mais c'est de pire en pire. il grandit. il change. comme son corps. il a peur.

l'impression que tout lui glisse entre les doigts. que ce tout va se briser sur le sol. et qu'il va se couper avec ce tout au sol.

il sera obligé de marcher sur ces morceaux de verres.

il est encore seul. face à ce ravin. état il entend les bouts de verres s'entrechoquer, en bas.

« je vais tomber.
- quelqu'un te rattrapera, tu n'es pas seul. rentre chez toi, maintenant. il est tard. »

le plus petit ne dit rien. il obéit. il rentre chez lui.

il s'effondre sur son lit. il prend son coussin contre son corps. et il pleure. il pleure en entendant ce bruit insupportable. il pleure en regardant ce vide effrayant.

et jiyong, change les fleurs trop fanées de l'année précédente contre le nouveau bouquet.

cinq roses rouges. et une blanche.

comme l'année d'avant. et l'année qui précède celle d'avant.

mokpo;; jiyong & junhongOù les histoires vivent. Découvrez maintenant