Chapitre 1

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1er Septembre 2 638,

Une odeur putride emplissait la longue rue sombre. Un relent de pourritures courait dans chaque recoin, sous chaque narine qui pouvait encore sentir quelque chose après de longues années passées à se traîner dans les quartiers de Mairpork. Bien que l'on ne passait pas tant de temps que ça, là-bas. Cet endroit vieillissait n'importe quelle pauvre âme venu s'y terrer. Il n'était pas rare d'y croiser un cadavre étendu dans une flaque de boue. C'était peut-être de là que venait l'odeur... 

        Il n'y avait pas de vie à Mairpork, seulement des corps croyant l'être, se mouvant rapidement d'un taudis à un autre. Mieux valait ne pas traîner, là-bas, chaque ombre glissant discrètement dans la ruelle d'à côté pourrait, sensiblement, écourter votre chemin. D'ailleurs, mieux valait faire partie de ces ombres. Le sentimentalisme et la faiblesse n'étaient pas de rigueur en cet endroit, on tuait ou on était tué. On n'était pas tué sans raison car tout le monde avait des ennemis là-bas, et, les ennemis des uns et des autres donnaient du travail aux ombres. Mais, il n'y avait seulement que des esprits rongés par la cupidité et la violence, il y avait des esprits simplement rongés par de gros rats aux poils hirsutes, et aux yeux dégoulinants d'un étrange liquide vert. Ces bestioles ayant mutées au fil des siècles, sous l'effet de divers produits, dont il ne faut mieux pas connaitre l'utilité, constituaient la seule faune présente à Mairpork avec des espèces de cafards devenus très demandeurs de chair humaine au fil des siècles. Il y avait eu des pièges d'installés par ci, par là, mais, le plus souvent, ils rouillaient dans un coin sombre jusqu'à ce qu'un beau jour, ils se referment sur une jambe trop pressée, arrachant un cri à l'estropié. Il était fréquent d'entendre un hurlement briser le silence de plomb dans ces quartiers. Des bruits de pas pataugeant dans l'épaisse boue qui tapissait le sol se faisaient, également, entendre de temps à autre. Cependant, le moindre son se perdait dans les rues étroites, contre les murs des vieilles bâtisses. Ces dernières semblaient à deux doigts de s'effondrer sur un passant malchanceux. Les murs étaient gris et le plâtre était fendu à divers endroits. Il s'agissait de bâtiments très anciens, venant d'un autre temps, à une époque où ils appartenaient aux riches, aux nobles comme on les appelait. A une époque, ils étaient blancs et richement ornés de dorures, les fenêtres étaient agrémentées de barrières en métal, finement sculptées. Ils étaient meublés avec de beaux meubles de style baroque et de belles dames en longues robes bouffantes, parées de bijoux, croulant sous les pierres précieuses, qui déambulaient dans les pièces, ou brodaient des mouchoirs en soie pour leur mari jouant au billard avec d'autres gentilshommes. Désormais, ne restait que des bouts de tissus semblables à des serpillères, servant de paillasse au premier chanceux en haillons qui avait réussi à trouver un toit pour la nuit.

N'allez pas croire que le monde entier se trouvait dans cette situation, il y avait bien des gens riches, cachés, protégés par un immense mur, large de 20 mètres et haut de 60. Chaque odeur désagréable était soigneusement filtrée pour éviter le moindre désagrément aux riches. Le mur était noir et visqueux du fait de l'épaisse fumée de crasse qui s'y collait, mélangée à l'humidité ambiante. En bas, se trouvaient des traces de griffures, de coups ou même d'explosions, témoignant de divers essais des habitants pour fuir la misère de Mairpork. De grandes portes en métal constituaient l'unique moyen de passer de l'autre côté. Elles étaient solidement gardées par pas moins d'une centaine de gardes surarmés. Très peu de personnes passaient ces portes. Autrefois, des gendarmes constituaient la majorité de ces personnes. Les dirigeants de la ville avaient entrepris d'organiser des tours de garde à l'intérieur des quartiers pour maintenir l'ordre, mais cette idée fut rapidement mise de côté, voyant qu'aucun des gardes ne revenaient. Parfois, dans les rues boueuses, on pouvait trouver, couvert de terre, un casque de policier caché dans un coin sombre. Personne n'osait les ramasser, même par grand froid, car porter une telle chose signerait son arrêt de mort.

Les aventuriers de MairporkOù les histoires vivent. Découvrez maintenant