Ou l'histoire d'une curieuse contradiction :
Il serait logique, si ce n'est normal, de songer que je préfère les hommes aux femmes.
Mais ce serait une erreur.
J'aime les hommes.
Amoureusement.
Sexuellement.
J'en suis un.
Et pourtant je les méprise bien plus que je ne méprise les femmes.
Elles exercent sur moi une attirance frôlant l'ineffable.
J'aime leur beauté.
Certains, certaines, me diront que c'est rabaissant de ne considérer que cela, mais ais-je dis que je considérais que cela ? Certes non. Et puis, qu'y puis-je ? J'aime la beauté et les femmes sont belles.
Il y a quelque chose chez elle, une aptitude, c'est cela, une aptitude à la beauté qu'on ne retrouve pas chez les hommes. Souvent, lorsque je suis en route pour les cours ou le travail, je scrute les visages autour de moi à la recherche du détail, celui qui attira mon œil et rendra magnétique un visage peu gâté par la nature.
Les femmes possèdent le détail.
L'éclat d'une prunelle. Le froncement d'un nez. Le pli d'une bouche. Le dévoilement d'un creux supra sternal appelant la morsure. La courbe d'un sein. Le drapé d'un vêtement. La rondeur d'une hanche. La blancheur d'une main. L'entrelacement des chevilles. La nonchalance d'une posture.
Le détail est toujours là.
Il étincelle sur une beauté inconsciente, se fane sur une bien trop pensée, mais on le retrouve toujours.
Toutes les femmes possèdent le détail qui semble les aimer, alors qu'il dédaigne bien souvent les hommes.
Je scrute, observe, dissèque, analyse, et puis me rend à l'évidence.
Les garçonnets possèdent le détail, comme les fillettes, ils ont des allures de faunes, de Peter Pan, de dryades et d'esprits des bois, mais la puberté le chasse et drape les futurs hommes dans une laideur qu'ils conserveront longtemps.
La maturité embellie les hommes, avant qu'elle n'arrive, l'adolescence s'attarde, traîne et aime à modeler des visages difformes, des corps aux proportions comiques et des airs repoussants. Elle forme une armée de créatures hybrides aux corps humains mais aux visages curieux, fusions entre l'âge adulte et la vie fœtale.
L'âge se charge de corriger cela, le temps passe et harmonise, sculpte des traits à peine effleurés par les rides, coiffe une chevelure commençant sa chute, creuse le coin des yeux et de la bouche.
C'est à ce moment là que le détail peut réapparaitre.
Mais, bien souvent, boudeur d'avoir été chassé tout ce temps, il se terre et ne dédaigne revenir, laissant aux hommes le privilège de la laideur la plus parfaite.
Certains échappent à cela.
Ce sont les androgynes.
Ces êtres que la Nature a doté d'un corps délicieusement neutre, sorte de mélange harmonieux entre les éléments d'un corps mâle et ceux d'un corps femelles. Adolescent, ils semblent à peine effleurés par le temps, adulte ils ont le droit au détail, comme les femmes.
J'aime ce que je deviens car je tends chaque jour un peu plus vers cet idéal. Visage doux, juvénile si ce n'est enfantin, serti d'yeux aux courbes d'amandes et d'une bouche boudeuse. Je commence doucement à aimer ce que je vois dans le miroir, parfois même je chercher mon détail. Je pense que c'est mon regard, mais le lendemain il s'agit de mon nez, tandis que le soir je crois qu'il pourrait plus s'agir ma moue.
Superficiel, certain dirons.
Une amie à répondu à cela, esthète. Le sens péjoratif et insultant de ce mot était, entre ses lèvres, devenu un compliment.
J'aime la beauté, et les femmes sont belles.
Mais les réduire à cela ne me viendrais pas à l'esprit, car elles sont aussi pour moi la preuve d'un constat assez simple : si vous rabaissez quelqu'un, il se battra jusqu'à vous dépassez. C'est ce qu'on fait les femmes.
Asservies aux cuisines et aux enfants durant des siècles et des siècles, elles ont courbées l'échine avant de se cabrer, sans brusquerie, génération après génération. Un droit après l'autre elles sont lentement arrivées à revendiquer la masculinité qui leur revient.
Je vois les humains comme des êtres mentalement femelle et mâle, la société sépare les deux, c'est une aberration. J'aime les femmes car elles ont fait tomber ce mur alors que les hommes tentent coûte que coûte de le renforcer.
Je ne vois pas le chemin accompli par la femme comme une déconstruction du rôle qu'on lui a inculqué depuis longtemps, mais comme une réappropriation, un réarrangement. Aux enfants, à la cuisine, au ménage, à la couture et à tout ce qui est féminin, elle a ajouté la mécanique, le sport, les sciences, et tout ce qui est masculin. Et aujourd'hui elle pioche. Jupe, mais basket, maquillage, mais cheveux courts, films à l'eau de rose avec les copines, mais bricolage de la terrasse de maman demain.
Les hommes ne savent pas faire cela et n'en ont pas l'envie.
Ils jugent, encore aujourd'hui, le féminin comme une infériorité et, alors que les femmes se sont battues pour leur masculinité, ils ne font rien pour conquérir leur féminité.
Pas de robe pour eux, ni même de maquillage, resté insensible et fort, montrer à tous qu'on est viril, toujours.
Voilà pourquoi je n'aime pas les hommes.
Ce n'est pas tant qu'ils ne veulent pas être féminins car cela ne leur correspond pas, mais qu'ils ne se penchent même pas sur la question, se contentant de repousser en bloc tout ce qui pourrait s'apparenter aux femmes.
Bien sûr, comme partout, il a des exceptions, mais elles ne sont pas la majorité.
Alors pourquoi vouloir être un garçon alors que je les méprise tant ?
La réponse est bien simple : je ne veux pas, je suis.
Je suis un garçon et lorsque j'observe les femmes, elles me fascinent mais je ne voudrais en aucun cas être elles. Tout ce que je trouve beau chez la femme, je le trouve laid chez moi. Je ne me rêve qu'en androgyne, c'est là mon idéal, un être parfait, figé entre masculin et féminin.
Et cela perturbe mon père, ma mère, ils me disent que c'est impossible, que je ne peux dire être un garçon et revendiquer mon dédain pour ce genre. Mais qui puis-je ? Si j'étais né garçon, aurait-on pensé que j'étais une femme lorsque j'aurais déclaré ne pas aimer les hommes ? Je suis certain que non. Alors pourquoi ici cela devrait-il être différent ?
Je suis un garçon fasciné par les femmes tout en aimant les hommes.
Nouvelle contradiction.
Mais pourquoi devrait-on être logique ?
Lorsque je vois une femme possédant le détail et mélangeant féminin et masculin, je vois une femme comme n'importe qu'elle autre femme. Belle, mais courante.
Lorsque je vois un homme possédant le détail et mélangeant masculin et féminin, je vois un homme isolé des autres, tel un phare au milieu de la plus sombre des terres. Beau, et rare.
L'homme m'attire, la femme me fascine, il n'y a nulle contradiction, au fond.
Une partie pas si simple à écrire que je le pensais, mes pensées peinaient à prendre forme.
Je pourrais dire quelque chose du style: je suis désolé si j'ai vexé des garçons, mais ça serait faux. Là, au dessus, c'est ma vision des choses, si elle vexe, tant pis.
VOUS LISEZ
Comment je suis devenu.e un papillon
EspiritualLes hommes naissent chenilles. Et puis un jour alors qu'ils ne sont déjà plus des enfants ils commencent à se construire un cocon. Un fil pour leurs passions, un fils pour les amis, un autres pour les ennemis, un pour le plat favori, un autre pour c...