Partie 1, Ghita et moi

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C'est difficile à expliquer, mais contrairement à ce que l'on pourrait croire, je n'étais pas une fille super bavarde, ni trop dissipée. J'ai vécu calmement, mes dix premières années. J'étais une gamine attentive, et sage. Rien ne présageait la façon dont allait tourner ma vie... Personne n'aurait pu deviner ça...

- Ghita, secouant sa chevelure devant moi : Luisa tu penses que j'ai une chance de le serrer avec cette robe, sérieux? On va voir s'il va m'échapper le beau Kassim.

Ghita c'était la beurette de quartier typique, celle que les mecs haïssent, mais convoitent en même temps. Brune, le teint mate, des formes à couper le souffle. Ghita était une poupée, une poupée en or massive, incassable, indestructible. J'aimais prendre exemple sur cette petite femme, en apparence fragile, mais au fond, destructrice et manipulatrice. Avec Ghita, j'ai fait les 400 coups. Je n'avais peur de rien. Ensemble, nous déjouions toutes les règles : parentales, judiciaires... C'était assez compliqué de suivre le rythme quand on venait de l'extérieur. Ghita et moi, étions inséparables, impérissables. On couvrait nos arrières mutuellement. Nos années collège on les avait passé à pé-ta dans le champion du coin, dans les centres commerciaux. On tirait de la sappe, du maquillage, de la bouffe, tout ce qui passait entre nos mains. On allait pas en cours, on haïssait l'éducation nationale, et elle ne le nous rendait bien. J'ai été viré pour la première fois au collège, en 3ème, définitivement. Avec Ghita on avait séquestré une prof dans son bureau, parce qu'elle m'avait tirée mon téléphone. Un super téléphone qui venait de sortir en magasin, et qu'on avait galéré à tirer le week-end d'avant. Je suis arrivée ce lundi là, en cours, avec mes baskets de marque, mon téléphone à clapet, j'étais la première à l'avoir. Je faisais des envieuses, c'était la grande vie. Virée du collège public de mon quartier, j'ai continué à y venir un bon moment. Pour le trafic de CD qu'on avait mis en place à la sortie du collège. Et pour régler mes comptes quand une meuf parlait mal, ou nous matait trop. On avait une petite bande dans le collège, toutes des garçons manquées, des petites folles qui voulaient copier les grands-frères. Moi et Ghita, on avaient pas de grands-frères, personne pour nous rappeler à l'ordre. Et puis se faire virer du collège c'était rien, les problèmes ça nous faisaient pas peur. J'ai intégré un collège, à des bornes de chez moi, je me tapais le RER, la misère à 14 ans. Je fraudais en plus, parce que ça coûtait la peau du cul. J'y suis allée cinq mois, et côtoyer les petits pétés de tunes, fils de papa et maman, c'était pas mon délire. Je me comportais comme un animal sauvage, comme un chien, j'aboyais sur tout le monde. Ghita venait me chercher avec son mec de l'époque en voiture, rap français à fond, je passais pour une gangster haut placée. J'étais juste une petite frappe, une petite meuf de quartier qu'on snobait parce que je volais tout ce que je portais, parce que j'avais rien d'autre dans le crâne que la volonté d'être respectée et l'envie d'en avoir toujours plus. J'ai eu le brevet, parce que j'avais cartonné en Français, je ne sais pas comment j'ai fait, mais je l'ai fait. Réviser c'était réellement pas ma tasse de thé, j'avais jamais de cahier. J'en avais volé un, pour écrire des textes par ci-par là, mais plus le temps passé, et plus l'encre sur les pages se faisait rare. J'ai intégré le lycée public de mon quartier, et là, j'ai gravement dérapé. Avec Ghita nous étions les reines du quartier, nous défilions avec de la sappe de marques. On se battait, on faisait parler de nous. Ghita, elle avait toujours un mec différent, du quartier, ou pas. Moi, j'avais jamais eu de mecs, jamais côtoyer la gente masculine, elle me repoussait. Et puis, j'ai rencontré le grand méchant loup. Celui qui m'a fait déraper : Bilel. C'était le beau-gosse du lycée, la petite frappe, à 14 ans il faisait déjà des bracos. Il était respecté Bilel, mais c'est pas ça qui m'a attiré... C'est juste l'intérêt qu'il me portait, moi, la gamine abandonnée par mon père. Enfant qui n'avait jamais connu l'amour de la part d'un homme. Quand il me regardait je me sentais femme, princesse, je me sentais aimée, respectée. Il m'avait donné un truc, que personne m'avait donné. Je suis restée 2 ans avec lui, à mener la grande vie. Je faisais les 400 coups avec Ghita, avec ma bande, j'étais respectée, enviée. Je sortais avec le beau-gosse convoité. J'avais tout... Mais en Bilel sommeillait un monstre et en moins sommeillait une gamine naïve. La première fois avec lui, c'était dans un vieil appartement miteux que son pote lui avait prêté. Et comme une malpropre, je me suis laissée entraîner par le Bilel a la gueule d'ange. Après ça, son comportement n'a pas changé, non c'était toujours le même. On était toujours Bonnie and Clyde. Au bout de quelques mois, j'ai vu le regard dans gens changer autour de moi. Je l'ai raconté à Ghita, elle m'a juste dit que c'était rien, qu'un mec fallait le tenir, fallait lui donner ce qu'il désire. Donc j'ai continué... J'ai continué à me donner à lui avec toute l'amour et la naïveté possible et inimaginable. Et puis les premières paroles ont commencé. Il m'a dit une fois que j'étais juste son moyen de se vider, son petit joujou. J'ai encaissé, et quand il est revenu, j'ai pardonné... Puis ça a continué, les premiers coups, premières insultes, premières humiliations. Les mecs de mon quartier me voyaient comme la pute de Bilel, juste ça. Je m'en foutais après tout, ce qui comptait c'était ce que lui voulait. Ah l'amour... ce putain de sentiment m'a détruit. Le manque d'amour m'a pourri, et la présence de Bilel m'a fait croire que je pouvais réparer tout ça. C'est un jeudi soir, après maintes tromperies, insultes et coups, que j'ai compris que Bilel n'était pas mon prince charmant venu me délivrer sur son cheval blanc, mais le vilain démon qui allait hanter mes cauchemars...

La rose fane mais pas ses épinesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant