Ses petites bouclettes lui tombent sur les épaules, ses grands yeux verts maquillées très légèrement fixent le miroir. Ça y est se dit-elle. Il faut y aller. Elle a enfilé un pull noir assez large avec des baskets. Elle a voulu cacher ses formes, comme un moyen de protéger son corps des yeux de son agresseur.
Vrrr*vrrr :
+3368064..: « c majid jtattend en ba »
Majid a insisté pour m'amener voir Bilel. Comme s'il voulait s'assurer que je ne manque pas à l'appel. Que je ne fasse pas faux bons à son maître. Pour moi, les potes de Bilel sont vraiment ses cleps. C'est fou. J'ai jamais réussi à déterminer s'ils le respectent ou le craignent. Je crois que c'est un peu des deux. Je ne pense pas que ce soit de l'amour.
- Ça fait dix piges je t'attends cousine!
- J'avais pas vu ton message.
J'avais surtout aucune envie de venir. J'ai cherché un milliard de solutions pour éviter de voir Bilel, en 10 minutes j'avais tourné la situation dans tous les sens. Et j'en revenais toujours au même point : je n'avais pas le choix. Résignée, j'ai trainé mes vieilles baskets jusqu'à la clio II de Majid, garée juste à l'entrée de mon hall.
- J'espère qu'on va pas rater l'heure!
Je le mate rapidement. J'ai de la peine pour lui, qu'est-ce qui peut bien faire qu'il soit aussi à la merci de Bilel, lui il a pas couché avec que j'sache ! Il tape des accélérations sur la route, on fini par arriver vivants. J'aurais préféré avoir un accident, réellement. Il m'explique tout le fonctionnement, m'accompagne jusqu'à l'entrée. Je tremble de peur. C'est la première fois de ma vie que je passe les murs d'une prison, qui est plus pour voir Bilel.
Je me retrouve rapidement dans une pièce, la porte s'ouvre, Bilel apparaît. Il semble en forme, la prison n'a pas l'air de le déranger plus que ça. Il s'assoit, le visage fermé et glisse un léger : ça va ?
- Hum.. tu voulais quoi ?
- Crois pas que j'voulais te voir pour tes beaux yeux, j'ai besoin de toi.
Je le regarde ahurie, il ose encore arriver à me demander des services après tout ça. Il est à l'aise avec l'idée, ça le dérange pas. Je le laisse continuer :
- J'ai une galère au niveau de business, j'ai besoin que tu fasses une transac' pour moi. T'es une meuf, t'as pas de problèmes avec la justice, les flics sont sur mes côtes et ceux de mes gars.
Je rigole nerveusement, j'ai presque envie de m'écrouler de rire. C'est une caméra cachée ?
- Y a quoi qui te fais dahak là? J'ai une tête de clown moi?
- Va te faire enculer !
Je me lève en furie prête à demander à sortir d'ici, lorsqu'il crie :
- OH ASSIED TOI LA ! LUISA RASSIS TOI WALLAH J'RIGOLE PAS SI TU POSES PAS TON CUL SUR LA CHAISE LA TU VAS LE REGRETTER TU SAIS TRES BIEN D'QUOI JE SUIS CAPABLE!
Je suis figée, je fixe mes mains qui tremblent. Puis, il continue :
- J'connais ton adresse, l'école de ta soeur, les horaires de taf de ta mère, les tiennes, je sais tout de toi Luisa, oublies pas que j'te connais mieux que personne. À moi tu me la feras pas.
Je m'assoie, en le toisant avec dégoût, comment j'ai pu aimer ce montre, c'est dingue.
- Ça t'as pas suffit tout ce que tu m'as pris ? Ça t'as pas suffit tu veux quoi de plus là ? J'suis plus ta marionnette Bilel s'est fini tout ça, tu me feras pas tremper dans tes merdes! Tu me connais ? Mais t'as zappé que moi aussi je te connaissais, si jamais tu touches à un seul cheveu de ma soeur ou de ma mère, j'tenvoie au trou pour le reste de ta vie, j'sais assez de choses sur toi pour le faire. Alors m'approche plus jamais ! Tu me feras plus bouffer ta merde !
J'ai ravalé mes larmes, ma voix se cassait petit à petit. Craque pas Luisa, lui montre pas tes faiblesses, lui montre pas qu'il t'atteint. Aucune expression n'apparaît sur son visage, il paraît comme impénétrable, mes paroles ne l'ont même pas fait sourciller.
- Ça y est t'as trouvé un taf tu crois t'es arrivée ? Oublies pas que c'est moi qui t'ai fait. T'es rien sans moi Luisa, walou, la thune, les sappes, les soirées tout ça tu l'as eu grâce à moi, tu me dois tout. T'as oublié qui j'étais ou quoi ? Si jamais t'ouvre ta petite gueule, j'enverrais mes gars violer ta petite soeur t'as compris ? - Il attrape ma mâchoire et la compresse-. Je te ferais rien si tu fais ce que je te demande, rends moi service, fais ce que je te demande.
J'ai craqué, mes larmes ont coulé toutes seules de façon incontrôlable, je tremblais. J'ai voulu lui montrer que j'étais forte, qu'il ne m'impressionnait plus, mais c'était pas le cas. Il a caressé ma joue, comme victorieux de me voir faiblir :
- Arrête de pleurer Luisa, j'suis là... il peut rien t'arriver... Regarde comment on était bien à l'ancienne, toi et moi, on était les rois... Tu veux pas retrouver ça? Fais moi confiance, on sera ienb.. T'auras tout ce que tu veux.
**
Ça fait des heures que je suis assise le regard dans le vide. J'ai couru au moins 2 heures sans m'arrêter. Je me suis assise sur un banc au hasard dans la rue et je regarde les passants. Je me sens libre et à la fois prisonnière. J'étouffe. Oppressée par Bilel, par la rue, par mes conneries, oppressée par tout à la fois. J'suis responsable de tout ce qui m'arrive aujourd'hui, c'est ce que je me répète en boucle.
J'ai accepté de faire le taf que Bilel voulait, j'avais pas vraiment le choix. Mais j'ai pas résisté plus que ça finalement. Comme d'habitude j'étais passive, spectatrice de mon destin, je regardais les autres diriger ma vie. Je regarde Bilel prendre les commandes de mon avenir. J'essayais de me persuader que c'était juste une fois, une seule fois. Mais dans l'esprit de Bilel tout était différent je le savais bien : il voulait que je plonge dans son business avec lui, il voulait qu'on redevienne les Bonnie and clyde d'avant, que je trempe dans sa merde avec lui. Il voulait qu'on reprenne où on en était. Mais plutôt crever, que de retourner sous son emprise. Je maîtrisais la situation pour le moment, tant qu'il était derrière les barreaux, une fois libre tout serait différent.
J'avais zappé Alex, zappé mon nouveau taf, mes bonnes résolutions. Bilel m'a englouti, son petit service s'est transformé en services réguliers et finalement il a obtenu ce qu'il voulait, j'étais de nouveau à sa merci... Tout passait par Majid, le larbin de Bilel. Au fond Majid été respectueux avec moi, je voyais même qu'il compatissait parfois. Mais il se contentait de le penser intérieurement. Il m'envoyait à droite à gauche, il me prêtait une voiture que je conduisais sans permis et j'allais voir des mecs. Je faisais la mule pour Bilel, pour le gros grossiste du quartier. Je faisais ce qu'on me demandait et je transportais sans chercher à savoir. Je gardais des trucs chez moi sachant pertinemment que je risquais beaucoup.
Avec Ghita et Meriem nous avions établi notre QG dans la boite du cousin de Karim : Issam. En parlant de Karim, je le voyais souvent là-bas, quasiment tous les soirs. Il se traînait une meuf différente chaque soirs et il faisait tourner les affaires de la boite, d'après Meriem. Il nous saluait et retournait à sa vie de chasseur.
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La rose fane mais pas ses épines
RomanceLuisa est une jeune fille de cité désorientée. Consumée par la vie, par la gente masculine, par le manque d'argent et par la précarité. Elle tente de s'en sortir et de combattre ses vieux démons. Mais est-il possible de combattre les démons qui nous...