- Chad ! CHAD !! Attend-moi !
- Je sais rentrer chez moi tout seul, merci Beverly !, ironisa-t-il, les mains en l'air, comme si j'avais un flingue.
J'avais gaffé. Pourquoi est-ce que les gens qui vous font la morale ne supporte pas que vous la leur fassiez ?!
Surtout Chad je veux dire !
Mon demi-frère est tellement successible !
- Chad ! S'il te plaît, laisse-moi venir ! Ne me laisse pas y retourner !
J'avais passé un mouchoir sur ma joue pour lui montrer le bleu que j'avais, mais il ne s'était même pas retourné vers moi.
Il était trop en colère pour ça.
- Tu as tes problèmes, j'ai les miens ! Ta mère, par exemple ?
- Alors on a un problème en commun.
Il a daigné se tourné pour me regarder, et, alors qu'il allait répliquer quelque chose de méchant, son visage s'est figé dans une vision d'horreur.
- Oh, merde. Merde. Merde. Beverly. Qu'est-ce que...
C'est pile à ce moment-là que mes nerfs ont lâché. Je me suis mise à pleurer tout ce que j'ai pu. Et même plus encore.
- Vous ne voyez pas... les signes que j'envoie... Vous ne voyez pas... ce qu'il se passe quand... Quand la porte est fermé... Vous... vous refusez de voir que... vous ne voulez pas voir que...
Je croyais que j'allais m'écrouler tant j'avais mal au cœur. Malgré tout, je restais debout, à essuyer mes larmes et à espérer que personne ne me verrait.
- Viens, Bev. Viens avec moi... On va chez moi. Tu vas te reposer... Craig et ma mère s'occuperont de toi. Viens.
On a marché quelques pas et il a ouvert la porte de la maison. Dès lors, Mme. Rosebury s'est empressée de venir le rejoindre pour lui demander ce qu'il se passait.
Craig est descendue en trombe lorsqu'il a entendu pleurer, et il s'est précipité vers son frère et sa mère pour en savoir plus.
Il m'a amené dans le salon, et, après que je me sois assisse dans le canapé, il est allé me cherche quelque chose à boire et de quoi s'occuper de mon bleu.
- Ils t'ont...?
- Non. Je ne veux savoir que si tu décides de me dire ce qu'il se passe par toi-même... Bien que j'en ai déjà une petite idée.
J'ai souris. Un tout petit sourire, mais cela signifiait beaucoup pour moi.
Craig a lancé un regard à sa mère qui disait, en langue des signes "Tu lui as hurlé dessus ?", et s'est désintéresser de la conversation.
- Qu'est-ce qu'il se passe ?
- Il se passe que c'est tant mieux que tu n'es pas encore appris la langue des signes..., murmura-t-il en passant de la crème contre les bleus sur ma joue.
J'avais envie de rire et de pleurer en même temps. L'ambiance chez les Rosebury était tellement différente de celle chez moi...
Pourtant, j'avais l'impression que ma place était ici.
Après avoir sans doute engueuler son fils aîné, Mme. Rosebury s'est dirigée vers moi avec son carnet.
Elle a pris un moment à s'interroger sur comment elle allait formuler sa phrase, puis elle a simplement noté :
"Tu veux en parler ?"
A ce moment-là, mon cœur se serra et je sentis les larmes remontées, mais je me retins de pleurer.
- Je... je dois rentrer. Ils vont s'inquiéter si...
- Bev ! Tu ne penses pas que l'on va te laisser comme ça, si ?
Chad s'approcha de nous, se détendant un peu. Il n'exprimait, dans son regard, qu'une légère fragilité que je connaissais bien.
Comme... de la tristesse.
- Si. Enfin, non. C'est plutôt moi qui vous laisse... Je dois rentrer. Sinon, ce sera pire.
- Tu ne voulais pas qu'on te laisse y retourner, et te voilà prête à repartir ?
- Oui... Je suis une personne pleine de contradictions.
Mme. Rosebury prit son carnet et nota :
"Si tu as besoin de quoique ce soit, on est là. Sois prudente. Et fais bien attention à toi."
Elle me fit la bise et elle remonta à l'étage, là où elle travaillait. D'un coup, je me rendis compte que je n'avais jamais su ce qu'elle exerçait, comme métier, à rester dans sa "pièce secrète" toute la journée.
Je jeta un coup d'œil à Craig, puis à mon demi-frère. Chad semblait lui aussi l'ignorer, mais Craig paraissait plus... disons en connaissance de cause.
Il faudrait que je lui parle. Seule à seul.
Mais ce n'était ni le moment, ni la bonne situation.
Il fallait que je rentre. Immédiatement.
Et quant au lycée... Pour le moment, j'étais toujours Beverly Abbott, la peste.
Ça n'allait pas être facile.
Je fus brusquement sorti de mes pensées lorsque Craig me tendit un pansement.
- Tu ne le mettras sans doute pas, mais garde le. On ne sait jamais.
Il me raccompagna à la porte, mais, avant qu'il ne ferme, je lâcha :
- Il faut que l'on parle d'Heaven.
Il se figea soudainement, et me fixa longuement. Je vis son frère partir et me faire signe pour me dire "au revoir", puis Craig leva les yeux au ciel.
- Demain, après les cours, devant la boutique à smoothies. Ça te va ?
J'ai hoché la tête. Je crois qu'il avait plus de réponses que ce que j'espérais.
J'allais peut-être enfin en savoir un peu plus...
****
2015
A peine étais-je arrivé devant le lycée que je vis un garçon, qui restait planté là, sans bouger, comme s'il attendait quelque chose. Ou quelqu'un.
Il avait un air qui m'était familier, quelque chose qui réveilla en moi ce mauvais pressentiment que j'avais déjà ressenti ce matin-là.
Il s'est approché de moi et de ma meilleure amie, et il a juste demandé :
- Laquelle d'entre vous est Beverly Abbott ?
En parfaite idiote, j'ai levé la main. Oui, comme en cours. Mais je ne suis pas allé plus haut que mon épaule. Il a fait signe à mon amie de nous laisser seuls un moment.
Celle-ci m'avait lancé un regard, exactement comme si elle avait le même pressentiment que moi. Elle semblait crié "Attention !" dans ses yeux.
- Salut, je suis James. James Simons. Ton demi-frère du côté de ta mère. Je t'ai cherché très longtemps, petite sœur. Très, très longtemps.
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Les secrets de Beverly Abbott
Fiksi RemajaEt si vous voyiez les choses du côté de la garce qui cache un lourd secret ? Voire deux ? Ou même une infinité ? De celle qui fait du mal aux gens pour se rassurer de sa propre souffrance ? Si vous voyiez mon point de vue, à moi, Beverly Abbott ? A...