chapitre premier - vagues

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Un vent rude soufflait par les azurs cendrés,
Quand du côté de l'aube, ouverte à l'avalanche,
L'horizon s'ébranla dans une charge blanche
Et dans un galop fou de nuages cabrés.
Sur la côte, Emilie Verhaeren.


Le soleil éclate dans le ciel, ses rayons remplissent de chaleur les épidermes du groupe d'amis. L'humeur est joyeuse, les visages s'éclairent, les rires sont sonores. Ils sont tous les cinq, les pieds dans le vide, sur le bord d'une falaise. En dessous d'eux s'étend la mer, cette magnifique étendue d'eau salée aux reflets turquoise et blanc. Les vagues viennent s'écraser contre les rochers. La marée chante, s'esclaffe, l'on peut presque entendre des murmures, des paroles ; une chanson, un poème.

Le tableau se brouille, les couleurs s'évanouissent, les voix s'éteignent, disparaissent.
Le noir et le silence sont redevenus maîtres. Où sont-ils passés ? Où est parti ce beau paysage d'adolescents innocents jouissant de leur liberté, larmoyant d'émotions ? Où ?

Un nouveau tableau se forme, quelque chose de différent.
L'astre solaire réapparaît, culminant une sorte de petit village aux baraques de bois, un peu pittoresque.
Un village situé dans une vallée, où l'herbe est plus verte que le vert lui-même.

« Putain, j'ai encore perdu ! » sont les mots qui s'élèvent d'un petit cabanon de cette plaine.
En son sein, un nouveau cri se fait entendre mais, cette fois, de joie. Ce dernier provient d'un jeune homme d'à peine une vingtaine d'année, à la peau plus que claire et aux cheveux d'un brun banal, du nom d'Oprah. Pour ce qui est de celui qui avait perdu, il s'agit d'un petit aux boucles de jais et au teint et à l'âge égal à celui de son adversaire, prénommé Marco.
En arrière-plan, sur un fauteuil à moitié écroulé, se tiennent deux jeunes filles à l'air légèrement plus jeune que leurs confrères. L'une est allongée sur l'autre et a pour étiquette Antigone, reconnaissable à ses cheveux colorés d'un orange feu et ses lunettes rondes collées sur l'arrête de son nez. L'autre en question est dénommée Ethel ; elle a comme signe distinctif de nombreuses taches de rousseur sur sa peau métissée de son visage ainsi qu'un petit septum doré au coin de la narine droite. Cette paire de demoiselle s'entend d'ailleurs comme cochons en foire, un étonnant duo de femmes fortes, belles et intelligentes.
Enfin, un peu à l'écart, le dos contre le mur et un regard plutôt vide dans le fond de ses iris, il y a Sharl. Ce dernier est, la plupart du temps, toujours seul, ou loin, du petit groupe d'amis. Ses cheveux légèrement frisés ne créent que peu de contraste avec son teint à cheval entre le noir et le marron.

Alors que, cette fois-ci, les rires emplissent la pièce, Oprah s'avance pour éteindre le jeu ; la petite musique de la page d'accueil de ce dernier s'évanouit alors aussitôt. La nuit commence à monter dans le ciel, il se fait tard. Les cinq se regardent, tour à tour ; c'est samedi soir, ils savent ce qui va se passer. Antigone se lève, allume une cigarette, sur laquelle elle tire une barre avant de la passer à sa collègue Ethel, puis s'avance vers une petite armoire. Elle l'ouvre, fouille l'intérieur en y plongeant la main puis en ressort une boite rectangulaire, sur laquelle on peut lire « Disney, Le Roi Lion ».

— Encore celui-ci ? Vous en avez pas marre vous de toujours voir le même putain de Disney alors qu'on en a au moins une vingtaine d'autres ?, s'indigne Marco.
— Arrête de te plaindre, on sait tous que tu veux juste pas qu'on te voie pleurer quand Scar tue Mufasa, réplique à l'autre bout de la pièce Sharl.

Tout le monde se met à rire allégrement. Celui qui avait fait une remarque se tait et laisse la rousse mettre le disque dans le lecteur tout en se faisant une place sur le canapé au fond de la pièce. Oprah le rejoint, s'asseyant dans un grincement. Le pauvre canapé n'est plus qu'un morceau de tissu sur ressorts depuis déjà quelques années. Le propriétaire des lieux – le jeune brun – n'a jamais eu la foi, ou les fonds, pour le remplacer.

au-delà de la mortOù les histoires vivent. Découvrez maintenant