Si l’on veut vieillir avec sagesse, il nous faut reconnaître certaines notions immuables. Comme le fait que, pour être en forme, on doit y mettre du sien. C’est ce que j’ai appris un soir, au beau milieu d’un plancher de danse. Bruno, mon « prétendant », s’imagine être un excellent danseur. Pendant de nombreuses années (comme il me l’a maintes fois raconté), il signait ses lettres « le roi de la samba ». Le fait d’avoir 75 ans ne semble pas avoir diminué son entrain et, au cours de l’hiver dernier, il m’a invitée à sortir. Il y a une salle, pas loin de chez nous, où viennent jouer des orchestres (je ne pensais pas qu’il en existait encore) et, le jour où les billets ont été mis en vente, Bruno était dans la file pour nous en acheter.
Bon. Je n’ai jamais gagné de prix ni quoi que ce soit du genre mais, dans mon jeune temps, je dansais un tango assez fougueux, merci, et ma maîtrise du cha-cha me valait d’être particulièrement en demande. Nous sommes donc partis danser, Bruno et moi. Comme le dit la chanson, « J’aurais voulu danser... » Sauf qu’au troisième morceau, je n’en pouvais plus. Je crois que je m’étais quelque peu laissée aller, côté forme physique... En réalité, je ne faisais jamais d’exercice. J’étais horriblement gênée. Bruno avait payé une fortune pour nos billets et s’était même préparé pour la soirée en sortant son costume « latino » de la naphtaline (en fait, il avait l’air plutôt ridicule). Mais, rien à faire, je n’arrivais pas à le suivre. Après le premier cha-cha, je tenais à peine sur mes jambes mais je me suis forcée à retourner danser. Au bout d’une minute, j’ai senti l’étourdissement me gagner. J’ai eu de la difficulté à quitter la piste de danse et j’ai dû m’appuyer sur une table afin d’éviter de m’effondrer sur le sol. J’étais remise au bout de quelques instants mais totalement estomaquée de constater que j’aurais pu me blesser, uniquement parce que je n’étais pas en bonne condition physique! J’étais humiliée. Bruno, lui, avait pris soin de rester en forme en faisant de l’exercice, de longues promenades, en coupant le gazon, etc. J’avais 80 ans et je ne pouvais pas danser mais ça n’avait rien à voir avec l’âge. Je n’étais pas en forme, voilà tout. Depuis, j’ai changé mes habitudes. Je marche pour me rendre à la bibliothèque publique au lieu de prendre ma voiture. Si je n’ai qu’un étage à monter, je prends les escaliers. Et je songe à m’inscrire à un cours de yoga. J’ai l’intention d’être prête la prochaine fois que l’orchestre attaquera un cha-cha. Bruno n’a qu’à bien se tenir!