CHAPITRE 11

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Vous avez déjà eu cette impression d'être le héros d'un feuilleton pour adolescents en quête d'identité ? Vous savez, ce moment parfait où un des personnages, Pierre, revient de chez sa petite amie, Marie, avec qui il vient miraculeusement de se réconcilier alors qu'elle avait fait une faute totalement im-par-don-nable et tombe sur sa mère, Jeanne, fraîchement divorcée après avoir trompé son quatrième mari, Paul, avec le proviseur du lycée de Pierre, dans les bras de Jacques, 40 ans, homme d'affaire sexy mais aussi père de la petite amie de Pierre ?

C'est exactement ce que je ressens à l'instant présent. Oui, bon d'accord, j'exagère peut-être un peu. N'empêche que je ne peux ignorer le sentiment de trahison qui me tord les boyaux alors que ma mère, remettant ses boucles châtain en place pour se donner une contenance, se lève et tire par la main cet homme dont le physique me rappelle tellement mon père que j'en ai l'estomac nouée.

Ma mère s'éclaircit la gorge et il me semble qu'elle se colle un peu plus à cet intrus, comme pour se donner du courage. Mon cœur se serre encore plus.

-Enzo, tu es rentré ? Je pensais que tu dormais chez Esmérya...Je te présente Régis mon...euh...ami ?

Je reste silencieux, la main encore crispée sur la poignée de la porte d'entrée, les mâchoires serrées, jaugeant le nouveau venu d'un regard dur. Je ne peux pas croire qu'elle soit entrain de prononcer ces mots, tant redoutés. Devant mon silence et la tension qui grimpe dans la pièce, ma mère insiste :

-Enzo...? Dis bonjour à Régis s'il-te-plait.

-Bonjour à Régis s'il-te-plait.

Mon ton est froid avec une insolence à peine voilée. Je sais parfaitement que je n'ai pas le droit d'avoir un comportement pareil mais je ne peux pas m'en empêcher. L'individu indésirable se frotte la nuque visiblement gêné avant de s'avancer vers moi et de me tendre la main.

Je ne la saisis pas et lève les yeux vers son visage. Je suis presque surpris d'y rencontrer un regard gris acier, étonnamment doux et non pas les prunelles bleu lagon de mon père. Il me sourit gentiment et  laisse retomber sa main le long du corps.

-Désolé pour cette rencontre un peu brutale, mon garçon. Nat' et moi avions prévu de vous en parler à Claire et à toi un peu plus tard et d'une façon plus douce mais...

J'avale de travers. Mon garçon ? Nat' ?

-Oh ? Mais je vois qu'on est assez intime pour se permettre de donner des surnoms à tout va et de me tutoyer ! Ma mère s'appelle Nathalie et je ne suis certainement pas prêt à être "votre garçon".

Furieux, je claque la porte d'entrée et pointe un doigt accusateur vers ma mère.

-Ça fait combien de temps que ça dure cette histoire maman ?

-Et bien...Régis est psychologue en fait et tu sais que j'ai eu besoin de me faire aider donc...Je dirais neuf mois...

-Neuf mois ?! Je m'étrangle. Mais tu comptais nous tenir au courant de votre relation à quel moment, exactement ? Une fois mariés et le troisième gosse en route ?

Je réalise subitement que cet homme doit être venu plus d'une fois dans ma maison, en douce, pour batifoler avec ma mère. Je jette un œil dégoûté vers le canapé. Ma mère pince les lèvres.

-Tu sais, ça n'a pas été quelque chose de facile à accepter pour moi non plus. Régis m'a bien aidée pour faire ce chemin...

Je ricanne sarcastiquement.

-Ah ben tu m'étonnes qu'il t'ait aidée ! Le chemin l'a mené jusqu'à ton lit ! Il avait tout intérêt à te servir de guide, craché-je.

Le regard noisette de ma mère s'assombrit tandis qu'un pli lui barre le front. J'ai été trop loin et je le sais. En serrant les mâchoires je passe en trombe devant le "couple", grimpe quatre à quatre les escaliers qui grincent de protestation à chacun de mes pas et m'enferme dans ma chambre en claquant la porte. La voix étouffée de ma mère me parvient, m'achevant :

Les Ailes de l'EnsorceleuseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant