Chapitre 6 : I submit to no rule

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Esfir

C'est une belle nuit. Une nuit d'étoiles, bleue et argent. Une nuit de calme et de silence. Les ténèbres m'enveloppent comme un manteau. Je suis une ombre parmi les ombres. La terre reste muette sous mes pieds, les fourrés me laissent glisser sous leurs griffes.

Suivre la troupe de Skaikru est loin d'être une tâche insurmontable. Ils sont si bruyants que je pourrais me contenter de les traquer au son. Leur marche n'est que craquements sonores, halètements lourds, piétinements maladroits, jurons et grommellements.

Les miens disent qu'ils ont beau parler le langage des guerriers, ils n'en montrent pas la valeur. A talonner ainsi la troupe de sauveteurs, je serais presque tenter de leurs donner raison. Ils n'ont rien fait pour effacer leur piste, et sont si peu sur leurs gardes que je parviens à me faufiler derrière eux bien plus près que je ne l'aurais cru possible. Et pourtant...

Pourtant ils ont traversé un terrain inconnu, territoire de l'ennemi, pour récupérer un seul des leur. Un blessé de surcroît, et qui n'occupe même pas une fonction essentielle au sein de leur clan.

Je les observe tout en progressant au même rythme qu'eux, en parallèle de leur route. Ils ne m'entendent pas. Ils ne me voient pas. Leurs perceptions doivent être inhibées par la fatigue. Après tout, ils ont l'air épuisé. La sueur poisse leurs front et mouille leurs cheveux. Leurs poitrines se soulèvent d'inspirations profondes. Leurs foulées sont traînantes.

Ils ne s'arrêtent pas pour autant. Vaille que vaille, ils poursuivent leur chemin. Si l'un d'eux songe à abandonner le blessé derrière eux, aucun n'en fait la proposition à voix haute.

Mon sourire fait se craqueler l'argile noire dont je me suis peins le visage. Des faibles aux cœurs de guerriers. Les miens ont tord de les sous-estimer. L'homme a tendance à compenser son manque de puissance par des actions retorses. A en juger par leurs armes et la tech qui les a descendu sur terre, ils disposent de moyens tout aussi perfide que le peuple des montagnes.

Indra a raison de se méfier d'eux.

Gwen

- C'est eux ! Ils reviennent !

Quatre mots qui sonnent délicieusement à nos oreilles et nous insufflent un ultime élan de vigueur. Nous redressons machinalement les épaules, et retrouvons les nôtres la tête haute. D'autres se chargent d'emporter Jasper à l'intérieur du vaisseau, dans lequel Clarke disparaît aussitôt, tandis que Murphy et Bellamy dévoilent le butin. On ravive les feux. On écorche l'animal pour le débiter en petits morceaux enfilés sur des branches. Les panaches de fumée se mettent à sentir la chair grillée. La graisse grésille dans les flammes.

J'observe tout cela depuis le siège du vaisseau emporté à l'extérieur dans lequel je suis affalée. Plongée dans un état second, j'attends que Bell maîtrise la ruée sur la nourriture avant de rassembler mes forces pour aller me chercher une part. Je m'aperçois soudain qu'il a organisé un échange afin de répartir les rations. La langueur qui l'enveloppait se volatilise brusquement sous le coup de l'indignation.

Je crois le regard de Finn, qui se tient les bras croisés de l'autre côté du feu. J'y lis la même désapprobation. Clarke écarte alors la bâche du vaisseau et vient lui adresser quelques mots, avant de remarquer la situation à son tour. Ses traits se plissent d'un air révolté. Il n'en faut pas plus à l'astronaute pour reprendre ses allures de chevaliers servant. En deux foulées, il gagne la flambée, en prélève deux brochettes, dissuade d'un mot l'adolescent qui tente de s'interposer, et revient aux côtés de sa princesse après m'avoir adressé un signe d'encouragement.

What if the Storm Ends ? || The 100 | Bellamy|Murphy|Roan ||Où les histoires vivent. Découvrez maintenant