L'église de Dandelion Hill a un clocher blanc. Le reste de l'édifice est fait de briques orangées. Avant d'arriver devant ses grandes portes, il faut monter huit petites marches à l'ombre d'un grand sapin. Cette magnifique église compte deux cloches en bronzes dont l'éclat brille autant que le soleil se levant. Ces deux cloches ont été parfaitement forgées. Ses immenses portes sont sculptées avec des détails d'une élégance rare.
Aujourd'hui, l'église de Dandelion Hill est resplendissante. Ses portes sont ouvertes et une jeune fille aux cheveux roux y entre sans dire un mot. A l'intérieur, des vitraux de toutes les couleurs apportent une lumière apaisante dans le monument divin. Environ deux cents personnes sont installées sur des bancs en bois. Certaines personnes ont un mouchoir à la main, d'autres pleurent à chaudes larmes, la plupart se taisent et ferment les yeux pour ne pas montrer leur peine. La jeune fille se place au fond de la salle près des portes par lesquelles elle est entrée. Un homme se tient debout sur l'autel aux côtés d'un cercueil. Il s'adresse à l'assemblé avec un ton grave. Il commence un discours qu'il semble avoir préparé et appris par cœur.
- Il y a un temps pour tout dans une vie : naître, grandir, mourir... La plupart des gens oublient pourtant de vivre.
Juliet n'avait que 16 ans. 16 ans pour voir un monde plein d'injustices, de désespoir et d'inégalités. En 16 ans, Juliet a à peine eu le temp de connaître le bonheur. Sa vie n'était pas parfaite comme celle de chacun d'entre nous. Elle avait 16 ans le jour de sa mort. Juliet a mis fin à ses jours le jour de ses 16 ans. 16 ans. Cela ne représente rien dans la vie d'une personne. 16 ans, c'est peu. Juliet a pourtant décidé que c'était suffisant pour elle. Elle ne voulait tout simplement plus de sa vie. Il n'y a aucun responsable, personne ne doit se sentir coupable pour ce qu'elle a fait. Le suicide n'est pas une faiblesse. C'est un acte qui prouve une force enfouie en soi. Personne n'aurait pu le prévoir. Juliet est partie et ne reviendra pas. C'était soudain mais nous devons vivre avec.
La jeune fille se lève soudainement. Elle semble en colère et est bien décidée à le faire savoir à tous.
- Aucun responsable ! J'espère que vous ne savez pas ce que vous dites. Juliet allait mal, elle souffrait. Sa vie était devenue un véritable enfer. Elle n'avait pas envie de vivre entouré de monstre. Juliet avait des problèmes avec certaines personnes dans son lycée et il était facile de le voir sans avoir à être son ami. Elle en a parlé à ses parents, à son principal et à certaines de ses amies mais personne n'a voulu la croire n'y même l'écouter. Vous auriez tous pu faire quelque chose pour l'empêcher de se tuer si lâchement. Quand avez-vous cessé de lui demander si elle allait bien, si elle avait besoin d'aide ou encore si elle avait besoin de parler avec quelqu'un qui pourrait la comprendre ? Vous n'êtes que des idiots finis, des égoïstes, des lâches cruels et sans cœur. Demandez-vous maintenant si vous n'avez jamais fait souffrir quelqu'un et si Juliet ne s'est pas tuée à cause de vous.
C'est ça, ignorez-moi ! Vous préférez nier ce que je dis pour ne pas avoir à réaliser à quel point vous êtes coupables et minables. Laisser une personne se suicider, c'est ignoble. Elle n'avait que 16 ans. Vous devriez tenter de réparer vos erreurs plutôt que de pleurer une personne que vous n'avez pas vu vivre, une personne que vous avez laissé mourir sans rien faire.
La jeune fille sort alors de l'église de Dandelion Hill sans se retourner pour constater l'impact de ses paroles sur l'assistance. Le soleil est désormais caché derrière de gros nuages noirs. Il va pleuvoir. La jeune fille avance de plus en plus vite et se met à courir subitement. Elle redoute la pluie, cette eau froide qui vous tombe dessus pour vous glacer le sang. Elle aimait la pluie mais désormais elle ne peut plus la supporter. En rentrant chez elle, elle ne trouve personne dans le salon. Elle sait pourtant très bien qu'ils étaient tous à l'enterrement. Elle n'ose pas imaginer le sermon auquel elle va devoir faire face quand ses parents rentreront à leur tour de l'église. Elle fonce dans sa chambre, claque la porte puis s'enferme pour ne pas être dérangée. De fines gouttes commencent à dégouliner le long de ses fenêtres. Elle se sent prisonnière de quelque chose mais n'arrive pas à trouver de quoi. Cette histoire commence à lui monter à la tête. La lune chasse les nuages et une nuit noire s'installe au-dessus de Dandelion Hill. La jeune fille s'allonge sur son lit et s'endors.
Le lendemain matin, lorsqu'elle se réveille, sa tête lui fait extrêmement mal. Elle va prendre un médicament dans la salle de bain avant de se doucher, de s'habiller et de descendre prendre son petit déjeuner. Son frère n'est pas encore réveillé et ses parents n'échangent pas un mot à table. Ils semblent bouleversés par quelque chose. Alors que la jolie rousse essaye de leur parler, ceux-ci l'ignore.
- Bien, sage comportement. Vous faites comme-ci vous ne voyez pas la personne qui vous a fait honte hier ! Vous êtes encore plus immatures que ce que vous pouvez imaginer. Je pensais tout ce que j'ai dit hier à l'église et si je dois vous le redire aujourd'hui encore pour vous faire comprendre que chaque jeune peut avoir envie de se suicider, je le referais. Quel exemple donnez-vous à vos enfants ! Bravo, c'est très intelligent.
Les parents de l'adolescente ne semblent pas vouloir réagir alors elle se dirige vers la porte d'entrée. Elle s'empare de son manteau et de son sac puis franchie de seuil de la porte.
Sur le chemin du lycée, elle attrape le bus qui lui fait éviter dix bonnes minutes de marche. Personne ne fait attention à elle. Elle n'arrive pas à comprendre pourquoi personne ne lui parle. Elle a juste osé dire la vérité.
Les cours de la matinée se déroulent normalement pour la jeune fille. Elle peut même s'endormir en histoire ce qu'elle ne peut jamais faire habituellement à cause de son prof qui adore être le centre du monde.
En se promenant dans les couloirs, elle observe de loin un groupe d'élèves. Ceux-ci sont regroupé au pied d'un casier et y laissent des photos, des fleurs et des messages. C'est un hommage à Juliet. Certains élèves s'y recueillent en pleurants, d'autres restent en silence. Ils semblent tous attristés par cette disparition subite alors que la plupart ne la connaissaient pas.
En se rapprochant, la jeune fille remarque qu'ils se recueillent devant son casier.
- Ce manque de respect est impardonnable. Comment pouvez-vous confondre son casier. Ce n'est pourtant pas compliqué ! Le sien était le numéro 481.
Personne ne l'écoute. Ils sont tous occupés. Personne ne semble la voir non plus. Elle se faufile alors entre les élèves pour se faire entendre. Elle peut désormais voir tout ce qui est posé devant le fameux casier. Une photo l'intrigue tout particulièrement. Elle l'observe de plus près et y distingue une fille aux cheveux très roux, un peu comme les siens. Son visage lui semble aussi familier. Ce visage, c'est le sien. Mais que fait sa photo ici ?
Elle lève alors les yeux vers le numéro du casier. 481. Ces nombres résonnent dans son esprit. Elle les connaissait bien. Elle les voyait tous les jours. Ses nombres lui étaient associés. C'était son casier... c'était elle Juliet.
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Seize ans.
Short StoryLe suicide de Juliet le jour de ses seize ans déclenche la réaction d'une élève de son lycée.