Planète

32 9 10
                                    

« Combien de fois vous ais je dit de ne pas allumer la télévision lorsque nous sommes à table ? pesta ma mère, le visage penché sur une grosse marmite de fer bouillonnante.

-Laisse les un peu chérie, contesta mon père le nez plongé dans un journal, ce n'est pas comme si elle regardait un de leur feuilleton débile. »

Il faisait déjà nuit et ma sœur et moi, assises devant nos couverts d'argents, observions le poste de télé. Chez nous, le traditionnel repas du soir se déroulait rarement sans le journal télévisé du 20h. Ce moment était aussi, comme à son habitude, accompagné par les plaintes de notre mère, fervente opposante à notre petit rituel, pourtant si important à nos yeux d'adolescentes avides de connaissances.

Ma mère émit un grognement de frustration, mais se contenta de regarder le poste de télévision avec mépris, avant de retourner à sa cuisine. Nos regards étaient rivés sur l'écran lorsque enfin le présentateur apparut.

« Il est 20h, Bonsoir à tous, lança le présentateur. Dans l'actualité ce soir, à la une, une annonce époustouflante du directeur du centre de recherches spatiales qui ne vous laissera pas indifférent chers téléspectateurs, quelque soit votre religion, votre âge ou votre nationalité. Édition spéciale sur cet événement d'une ampleur mondiale, qui pourrait bien changer la face de notre planète.

Reportage Valérie Leduc, Quentin Damit, et Julie Griveaud. »

Ma mère se figea brusquement, le visage pâle comme la mort. Comme nous, ces mots l'avaient frappée comme une déferlante de coups. Elle s'essuya rapidement les mains avec un vieux chiffon, et se retourna face à l'écran.

L'orateur avait disparu, laissant place à une immense salle, en forme d'hémicycle. Dans les gradins siégeaient journalistes et personnalités politiques qui dans un chahut infernal sortaient caméras, stylos, ou portables. En face, sur l'estrade spécialement installée pour l'occasion et richement décorée de bannières bleues et jaunes, un petit homme barbu s'avança. Un silence religieux s'installa dans les rangs. Contre le mur principal, derrière l'estrade, pendait un long rideau bleu, où était brodé le logo jaune du centre de recherches spatiales.

« C'est lors de cette conférence de presse, que Mr Auguste Pierre, directeur du centre de recherches spatiales, a dévoilé au monde, la miraculeuse découverte que les scientifiques et physiciens du centre ont fait en ce jour, commenta une voix off. »

L'homme barbu toussota, remit ses lunettes qui glissaient le long de son nez, tira légèrement sur le col de sa chemise, et prit la parole, d'une voix lente et grave :

« Bonjour à tous. Ce jour spécial a été marqué en ce lieu par une découverte des plus inouïes, qui restera sûrement à jamais, la plus grande qu'aie jamais fait notre planète. »

Le silence qui avait envahi la pièce quelque instant avant se propagea dans notre cuisine. Des frissons me parcoururent l'échine.

« Souvenez-vous, du premier satellite envoyé en orbite, il y a une cinquantaine d'années. Un exploit et une avancée technologiques et scientifiques titanesques. Malheureusement, celui-ci fut perdu dans l'espace un mois après son départ. Tout espoir de retrouver un message ou une trace fut anéanti. Cela étant, il y a dix heures, nos ordinateurs ont reçu un signal inconnu. »

Des lumières d'appareil photo crépitèrent dans la salle tandis que le scientifique reprenait son souffle avec une lenteur exaspérante.

« Il ne s'agissait pas moins d'un message de ce satellite. Le premier, le plus ancien, et pourtant le plus performant. Nos calculs ont démontré, que ce satellite égaré il y a cinquante longues années est en fait parti dans une autre galaxie !s'exclama le scientifique à en perdre la voix. Et...»

Une toux rauque s'échappa de sa gorge. Un second interminable silence suivit ses paroles.

« Et les nouvelles qu'il nous a transmis sont...inconcevables, inimaginables. La galaxie lointaine qu'il visite au moment même ou je vous parle, abrite une planète habitée. »

Un silence. Puis des exclamations. Les journalistes se levaient, tels des harpies en proie à une crise de folie, hurlant leur question. Le scientifique semblait dérouté, jetant des regards implorants, et tenta de ramener le calme par de faibles « calmez-vous » inutiles. Enfin, un homme à a carrure imposante s'avança vers le micro, se baissa pour être à sa hauteur et réclama le silence avec fermeté. Petit à petit, le tumulte cessa. Les journalistes s'assirent et le calme revint contre son gré dans la salle.

« Merci, fit le vieillard, qui semblait avoir du mal lui aussi à cacher son excitation face à une nouvelle d'une telle importance et à trouver ses mots. Vous pourrez poser toutes les questions que vous voudrez après. »

Une énième fois, il toussa dans sa manche, imposant à la salle une fois de plus une tension palpable.

« Cette planète non seulement est habitée par une forme de vie semblable à la notre, mais dispose de ressources naturelles immenses, que notre planète, elle, a perdu depuis des décennies. Recouverte à 70% d'eau, elle abrite des millions d'espèces vivantes, dont une, qui a accompli des exploits technologique qui dépasse de loin nos misérables procédés ! Cette planète en terme d'avancées technologiques, écologiques et scientifiques possède des centaines d'années d'avance, et est pourtant cinq fois plus jeunes que la notre !»

Mon cœur battait la chamade à un tel point que je me demandais si ma mère, à côté de moi, ne l'entendais pas et si il n'allait pas finir par se briser en deux comme une brindille.

"Surement vous demandez vous comment avons-nous pu obtenir toutes ces informations ? Et bien, le satellite s'est rapproché si près de la planète, qu'il a pu y...y prélever des millions de renseignements sur celle-ci et sur ses habitants."

L'homme s'épongea le front avec sa manche, et lança:

"Je suis désormais apte à répondre à vos questions chers journalistes, mais je vous demanderais de ne pas provoquer de désordre inutile."

Une vague de main levée déferla, à un tel point qu'il était impossible d'apercevoir les visages des reporters. Le vieillard interpella une femme au premier rang qui s'empressa de se lever.

- Êtes-vous entré en contact avec les habitants de cette Planète? Questionna-t-elle, le micro aux lèvres.

-Pour le moment, il semble plus judicieux de ne pas se dévoiler, répondit le savant d'emblée. Nous n'avons aucune certitude quant à leur réaction s'ils nous découvraient.

-Nous expliqueriez vous que cette planète représente un danger pour nous?

- Je ne suis pas apte à répondre à cette question, fit-il hésitant. Oui ? fit il en désignant un journaliste au teint bleu dans le public.

- Savez-vous comment se nomme cette planète? Demanda-t-il d'un accent typique des pays du Dersain.

-Il s'agirait, selon nos informations de la Planète Terre. »

PlanèteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant