Elle s'était séparée de son miroir, satisfaite du travail qu'elle venait d'accomplir sur son visage. Par la grâce qui lui était offerte par son créateur, elle se dirigea au bureau de son homme. D'une manière élégante, elle pivota le poignet et fît face au profil de son mari qui s'était perdu sur le saint livre, le coran.
Elle déposa le saladier du lait écrémé qu'elle avait mixer avec du jus de fruit, écoutant religieusement les versets dont Ahmadou récitait avec toute la douceur du monde. Elle était en position indien, patientait discrètement pour ne pas le déconcentrer.
_ Je peux savoir la mouche qui t'as piqué ? Tu crois qu'à quelques actes de résipiscence je vais de nouveau accepter une femme qui est perpétuellement une vipère. Femme, frayes toi un chemin, je ne veux ni flairer ton parfum, ni invectiver.
Agonir ne lui fera pas rétracter ces calomnies. Elle renouvela son sourire qui lui servait d'appât envers les hommes.
_ Et tu peux ramener ta bouillie avec toi.
_ Hee, ce n'est pas de la bouillie deh. Goûtes en un peu, tu vas aimer.
Elle s'approcha de lui, releva un peu sa tête, prît la cuillère, effleura puis mouilla ses lèvres avec la nourriture. Elle savait que cet homme aimait la bouffe plus que tout. Pour confirmer ses doutes, Ahmadou passa sa langue sur ses lèvres, appréciant momentanément la saveur et la fraîcheur de ce qu'il venait de goûter.
_ Je t'en donne ?
Il abdiqua. Soumaya avait pris tout son temps pour nourrir son homme, même si ce dernier pouvait lui même le faire.
_ Je vais t'en faire tout les jours puisque tu en raffoles. Tu as un peu maigri ces temps ci mais...
_ Loussiy sa yone ?
_ Pardon ! Elle mimait, mais continuait tout de même à lui donner des bouchées.
_ Pourquoi es-tu comme ça Soumaya ?
Cette question inattendue laissa Soumaya perplexe. Ceci fila place à un silence insoutenable.
_ Je veux juste changée et devenir quelqu'une de meilleure. En outre il me faut le pardon et l'aide de mon mari. Je veux qu'il fasse partie de ma vie, qu'il soit mon manager, qu'il me montre comment différencier le bien et le mal, qu'il me guide et m'éduque comme si j'étais sa petite soeur. Inchallah je serai sa soumise, celle qui s'active sous ses ordres et ses désirs. Je promets d'être celle que je n'ai jamais été, cette bonne épouse que tu souhaitais tant avoir. Si tu me le permets, kilifa gui !
Ahmadou était plutôt calme et semblait méditer. Son regard vide donnait l'impression qu'il contemplait le décor. Il était face à un carrefour, il ne savait pas du tout quel chemin prendre. Devrait il obtempérer ? Il n'était pas certain du choix qui lui trottait la tête. En dépit de toutes les dissensions, il n'était pas prêt à laisser cette femme lui filer des doigts. Il voulait le garder à ses côtés, pour voir ce que l'avenir leurs réserve.
_ Ce ne sont pas ceux qui sont pris par force, enchaînés et vendus qui sont les vrais esclaves, ce sont ceux qui accepte moralement et physiquement de l'être. Soumaya Lena Diop, je viens juste de refermer mon livre, je sais ce qu'a dit Dieu sur les maris qui prennent leurs femmes pour des esclaves. Alors ne me parles plus de soumission. Soumets toi à ton seigneur, cela te mènera vers le droit chemin. Respectes ton époux, c'est tout ce que l'on te demande.
Soumission ? Mais à qui devrions nous nous soumettre ? Les saltimbanques jactent aux nouvelles mariés qu'elles ont à se soumettre. On peut bel et bien être une bonne épouse sans avoir recours à cela. Les dictons de la culture sont il plus fondés que ceux du créateur ? Plier les genoux pour saluer un grand homme, se mettre à terre jusqu'à ce qu'il finisse de boire, ne pas s'asseoir au même niveau que ledit petit fils d'un marabout. La culture cartonne dans un pays où le peuple se dit majoritairement croyants.
