Qui serions-nous sans nos souvenirs?

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-Papy t'as déjà été jeune?, m'a dit un jour mon petit fils de 7 ans innocemment.

-Évidemment !

-Alors pourquoi t'as la peau toute molle et pas moi ?

Il joignit le geste à la parole et malmena mes joues.

-C'est parce que chaque creux que tu peux sentir sous tes doigts *je fit passer sa main sur mes nombreuses rides faciales* raconte une partie de mon histoire., répondis-je.

Jettant un coup d'oeil à la télévision éteinte je remarque une vieille chose qui me fixe derrière ses lunettes de vue.
Son visage a bien changé. Les cheveux qui avaient tout d'abord été blond et bien fournis on finit par devenir poivre et sel puis blancs comme la neige. Comme quand le soleil fait fondre la neige, ces mêmes  cheveux se sont fait plus rare sur mon crâne lisse et luisant.
Un sourire nostalgique et fugitif éclaire le reflet de ce que le temps a créé. Les dents autrefois imparfaites mais pleine de vie et d'expériences culinaires ont été remplacée par des copies parfaites de ce qu'on attend d'un "beau" sourire. Dents blanches, droites. Un seul implant me rappel de vieux souvenirs. Le seul couleur acier qui rappel une époque oubliée où tous ces avancements scientifiques n'étaient pas encore au point.

Assis sur mon canapé bien confortable je me sens vieux pour la première fois de ma vie. La vieillesse qui a rongé chaque parcelle de mon humanité extérieure au point que mon petit fils ne se rende pas compte que j'ai un jour pu être jeune.

Mon esprit est toujours aussi vif et rapide qu'autrefois. Il est étriqué, mis à mal dans un corps qui l emprisonne.

-Je te propose un jeu. Quand dis-tu ?, lui demandais-je soudain.

-Ouiiiii j'aime bien les jeux! C'est quoi les règles?, répondit-il joyeux.

-Tu devras être attentif. Je vais te raconter la vie de Jimmy.

-Jimmy? Mais c'est ton nom papy! C'est pas un jeu! Tu vas encore me raconter des trucs pas drôle de grandes personnes!, ajouta-t-il en faisant la moue.

-Promis cette fois ce sera intéressant. Jimmy ce n'est pas moi puisque je n'ai jamais été jeune.

Pour appuyer mes paroles, je partis quelques minutes dans ma chambre vieillit elle aussi par le temps. Je revins m'asseoir au côté de mon petit fils avec sur les genoux plusieurs albums photos racontant ma jeunesse. Le premier de la pile, et le plus ancien, était plein de poussière si bien que Bartolomeo y déposa sa main et y laissa son empreinte.

-J'avais raison! C'est vieux et c'est ton album photo d'abord!, déclara-il excédé.

J'ouvris l'album, une photo découpée dans un journal en tomba. C'était la photo d'une équipe de foot composée d'enfants. Des garçons. Et au milieu de toute cette testostérone, une fillette. Lacets défaits, chaussettes sur les chevilles, protège-tibias détachés qui pendaient négligemment, tee shirt du club beaucoup trop grand rentré dans un short basic. Dans le mêlée de tous ces garçons elle semblait à sa place, un sourire espiègle en tirant la langue elle faisait des oreilles de lapin à son voisin de droite. Ses cheveux ébouriffés dans une queue de cheval destructurée me parurent familiers.
Nous avions gagné le tournoi ce jour là.
J'eus du mal à me reconnaître devant la fillette au premier rang, accroupi comme les autres, un ballon devant moi envoyant des regards enjoliveurs à l'objectif.

-Tu as vraiment l'impression que cet enfant, je lui montrais le jeune garçon de la photo du doigt, c'est moi?, demandais-je à Bartolomeo.

-Non t'as raison c'est pas toi. Il a pas ton gros nez ça peut pas être toi. C'est lui Jimmy?, demanda-t-il maintenant curieux les yeux brillant d'excitation.

Je ne relève pas la trop grande franchise des enfants. Quoi qu'à la réflexion c'est bien dommage de la perdre au fil du temps.

-Oui c'est Jimmy. C'était sa première équipe de football, ce jour là ils avaient gagné le tournoi et avaient mangé du quatre quart pour fêter ça!, declarais-je plein d'enthousiasme.

-Beurk du quatre quart? Ils avaient pas mieux?, demanda-t-il perplexe.

-Cette photo appartient à une autre époque Barty.

-Je sais, même les couleurs elles sont parties tellement c'est vieux., répondit-il naïvement.

-Les photos étaient en noir et blanc, il n'y avait pas de couleurs.

-C'est qui la fille sur la photo? Pourquoi c'est la seule fille? Et Jimmy, c'était son ami? Pourquoi il faisait du foot Jimmy d'abord? Et comment ils ont gagné le tournoi? Et puis aussi...

-Stop Barty., le coupais-je. Tu vas tout savoir. Mais pour cela, tu vas devoir écouter attentivement les tumultes du récit de la vie de notre cher Jimmy. Es-tu prêt à voir le moule en argile qu'est ce bambin être façonné grâce ou à cause de ses propres actes qu'il a regretté nostalgique?, lui demandais-je d'un air mystérieux.

-J'ai rien compris mais je veux bien écouter l'histoire si y a des images parce que sinon c'est nul.

Je tourne la première page vierge qui aurait dû contenir un titre. Et soudain je remonte le temps, des souvenirs m'assaillant de part et d'autre en traître. 
Le pire c'est d'oublier son corps pour laisser flotter son esprit. Les souvenirs me détruisent intérieurement comme autant de remords dans j'ai envie de connaître la cause.
Je veux me rappeler.
Pourtant ça fais mal de se rappeler qu'on n'a qu'une vie.

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⏰ Dernière mise à jour : Jun 27, 2017 ⏰

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Il n'y a que le corps qui vieillit Où les histoires vivent. Découvrez maintenant