2015, quelques mois après les incidents.
- Tu es prête ?
- Plus que tout au monde.
L'air était frais, peut-être un peu trop, mais l'hôpital était bondé au rez de chaussé, avec un nombre de blessés impressionnant, ce qui réchauffait l'atmosphère par le stress et la peur.
Les infirmières et les médecins se bousculaient presque, surcharger de travail, et jonglaient entre tout leurs patients.
Cela ne donnait pas envie de devenir docteur dans cette ville, ni même de rester dans ce lieu.
Mais la salle où nous devions nous rendre était quelques étages plus haut, où c'était à peu près calme.
Il n'y avait aucunes urgences, juste des gens au repos, et du personnel qui veillait, juste au cas où.
- Il est dans quelle chambre ?, me demanda le garçon qui m'accompagnait dans ma bêtise.
- 324. Chambre 324.
- Tu es certaine de vouloir faire ça ?
Lui en était certain. Il essayait de me protéger, sans doute, de quelques sanctions que ce soit. Mais je suis têtue. Je l'ai toujours été.
Je me suis retourné vers lui, les yeux rouges d'avoir tant pleuré durant la nuit, hésitant entre "oui" ou "non".
C'est fou à quel point ce genre de choix peuvent nous perdre.
Car c'est ce que j'étais.
Perdue.
Troublée.
Mais il a fallu que je réponde "oui".
Et c'est là que tout a déraillé.
****
De nos jours.
J'aurais pu croire que Anne allait me laisser tranquille, me laisser vivre ma vie comme je le souhaitais, maintenant qu'elle était la reine et que je n'étais plus rien, mais apparemment ce n'était pas dans ses objectifs.
Disons qu'elle aurait pu faire preuve de clémence, vu notre "amitié" de longue date, mais qu'elle ne s'y est pas résolue.
Elle a opté pour une stratégie particulièrement pénible à endurer : les rumeurs.
Ou comment attaquer à distance en faisait tout autant de dégâts. Voire plus.
Dans ce cas précis, Anne a de quoi s'en sortir. Qui peut prouver que c'est elle qui a lancé la rumeur ?
Ah, la rumeur ! On en parle ?
Elle a fouillé dans mon dossier !
Cette garce a obtenu mon dossier et a révélé LE truc dont j'ai le plus honte.
Elle a révélé le vandalisme d'une chambre d'hôpital où se restaurait un grand homme politique, il y a deux ans : Mr. Shaun Mock.
Shaun Mock était très connu en politique, il est vrai, mais tout le monde avait oublié qu'il s'était fait connaître en faisant de la vente.
De la vente de médicaments.
Je vous laisse deviner que ces médoc' ne soignent personne. Au contraire.
J'avais fait ça car je m'étais souvenue que Lexie était très en colère contre lui. Sa société avait vendue, bien des années auparavant, des médicaments à sa tante qui avait fini par en mourir.
Et, Lexie morte, je trouvais que c'était un bon moyen de lui faire justice.
Celui qui m'avait accompagné était un type que je connaissais à peine qui voulait aussi se venger sans lui faire du mal à lui. Il était bien trop honnête pour ça. On avait donc décider de salir sa réputation.
En commençant avec le vandalisme.
Mais je me suis faite arrêté, et lui non.
On ne s'est jamais revu depuis. Et c'est sans aucun doute une bonne chose.
Avec le temps, je ne regrettais pas d'avoir fait ça, bien que je trouve cela... puérile.
Mais Anne avait tout révélé.
Et j'allais à nouveau devoir faire face à la réalité.
Sans pleurer, cette fois.
En me montrant forte.
Et en évitant de donner trop d'importance à cette rumeur, à ces regards ou à Anne, qui me dévisageait comme si la Reine Rouge d'Alice aux Pays des Merveilles venait de couper une tête.
Vous savez, cet air supérieur accompagné de ce sourire totalement faux, où, au final, on a juste envie de donner un coup à la personne qui nous regarde comme ça ?
Où on a juste envie de hurler "Pétasse !" ?
Et bien, c'était le regard qu'elle me lançait.
Bien que je mourrais d'envie de l'insulter pour ça, j'ai gardé la tête haute et je suis allée la voir.
- Pourquoi est-ce que tu fais ça ?
- Tu as insulté mon copain.
- Copain que tu m'as piquée.
- En même temps, tu ne faisais pas d'effort pour le garder. Vous couchiez même pas ensemble.
- Je trouve que ce n'est pas une bonne façon de débuter une relation.
- Et bien dommage. Tu l'aurais gardé un peu plus longtemps. Bien que toi et moi savons que tu es vierge, contrairement à l'ensemble de cette école.
- T'étais obligé de dire ça, aussi ? Révéler mon passé ne t'a pas suffit ?
- Arrête de jouer ta petite sainte, Beverly.
- Tu es loin du compte, Anne. Tu veux la guerre ? Tu vas l'avoir ! Et j'espère que tu auras mieux à faire que fouiller mon casier pour pouvoir te défendre.
- Oh ! Mais c'est que l'on sort les griffes, on dirait !
- Va te faire voir.
Anne se contenta de sourire, puis tourna les talons avec ses deux toutous, et disparut dans la foule, récupérant Trent au passage.
Moi je me retrouvais seule.
Je m'en voulais vraiment de cette dispute avec Craig, mais quelque chose me disait que ça n'arrangerai rien si j'y allais maintenant, alors j'avais pris la décision d'attendre un peu.
Et puis je ne pouvais pas attirer plus d'ennuis à la pauvre Heaven ; ce n'est pas comme si elle en avait déjà assez !
Alors, la solution la plus raisonnable, pour que Anne ne fasse de mal à personne d'autre qu'à moi, c'était de rester seule.
C'était étrange pour moi, à vrai dire, car cela faisait très longtemps que je ne m'étais pas retrouvée toute seule dans les couloirs du lycée, jugée par des regards qui ne me connaissaient pas vraiment.
Peut-être que, dans une telle situation, ce n'était pas si mal, après tout !
C'était peut-être même une bonne idée de se faire oublier quelque temps.
De se fondre dans la masse...
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Les secrets de Beverly Abbott
Novela JuvenilEt si vous voyiez les choses du côté de la garce qui cache un lourd secret ? Voire deux ? Ou même une infinité ? De celle qui fait du mal aux gens pour se rassurer de sa propre souffrance ? Si vous voyiez mon point de vue, à moi, Beverly Abbott ? A...