Mortal Show ✦ part V

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◥◤ MORTAL SHOW ◥◤

Jeudi, 21 h 28.
✱ Bureau de la procureure ✱

Neuf heures du soir, quasi passées de la demie, n'étaient pas un horaire décent pour une visite au bureau de Madame la Procureure. Bafouer les convenances n'ayant jamais empêché Nil de dormir – du moins, quand il y parvenait la nuit –, il se trouvait sur le seuil, prêt à frapper à la porte. Dolores accueillit l'inspecteur et son analyste informatique sans un bonsoir.

— Comment saviez-vous que je me trouvais à mon bureau, à une heure aussi tardive ?

— Nous passions dans le secteur par le pur fait du hasard, quand nous avons remarqué votre voiture à sa place de parking.

Elle ne se donna pas la peine de lever les yeux au ciel.

— C'est un parking souterrain, Kruger. Mais loin de moi l'idée de vous croire capable de tracer mon véhicule, Inspecteur.

— Qui ferait une chose aussi odieuse ?! s'indigna Nil.

Peter devait sa présence à cette scène : la comédie de Nil n'avait pas de prix ! Tous les trois n'ignoraient pas l'existence d'un traceur, autre que le GPS, sous la BMW de Dolores Major. D'aucuns le considéreraient comme une violation de leur vie privée, or la cinquantenaire apaisait ainsi sa paranoïa, depuis la tentative ratée d'enlèvement perpétrée sur sa personne. Savoir qu'en toutes circonstances, Nil retrouverait sa voiture l'aidait à faire son job. Sinon, voilà belle lurette qu'elle la coulerait douce sur le littoral de Balmer, loin de la rudesse du milieu judiciaire et criminel de Nior.

— Laisse-moi deviner, tu viens demander un mandat ?

— Vos dons divinatoires m'épatent, Dame Irma, fit Nil, sarcastique.

— Qu'as-tu pour faire fonctionner sa boule de cristal ? Dame Irma te rappelle que traquer son véhicule n'est autorisé qu'en cas de force majeur, déclara-t-elle, pincée. Y déroger ne la met pas dans de bonnes dispositions à ton égard.

Nil s'assombrit.

— J'ai un cas de force majeur.

— Encore faut-il m'en convaincre.

L'inspecteur retint un soupir. La vioque aimait marchander. Il obtenait toujours gain de cause, mais elle prenait son pied à le voir suer pour y parvenir. Seulement, cette fois, Nil n'était pas d'humeur à jouer les préliminaires.

— Nous avons du nouveau sur Giovanni Santos.

Le visage de Dolores se ferma. Puis ses épaules s'affaissèrent. Elle s'assit sur le rebord de son large bureau et rassembla l'énergie nécessaire pour un plaidoyer perdu d'avance. Nil s'impliquait trop. Une évolution hélas inévitable. Cependant, impossible de le retirer de l'affaire, il restait son meilleur limier. Elle choisit finalement de tomber les masques.

— Vous savez, Kruger, à cette heure-ci, les gens normaux, qui travaillent de jour, ont débauché depuis longtemps. Si je le pouvais encore, je me ferais mettre en cloque, pour avoir l'excuse de rentrer tôt m'occuper de mes mômes. La vôtre attend son père.

Rongé par la culpabilité, Nil retint un juron face à ce coup bas. Dolores ne jouait pas fair-play. Il ne remercierait jamais assez Maria – ou devrait-il dire Jael Alvarez, la gamine de sa subordonnée –, de baby-sitter sa fille. Fait récurrent, à mesure que l'enquête l'obsédait. À cette allure, il n'améliorerait jamais son rapport tendu avec le petit ange. Nil sabordait ses chances d'apprivoiser Lynn. Mais ne pas agir, sachant Makiko dans le coma, changerait sa culpabilité en vitriol.

— Il faut savoir lever le nez du guidon, Inspecteur, conseilla Dolores, grave.

— Venant de celle qui fait faire des heures sup' au gardien de l'immeuble, parce qu'elle fuit son domicile...

CRIMINAL QUEST - PiloteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant