Chapitre IV

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Je me réveillai et me rendormai presque aussitôt plusieurs fois. Tout était brumeux pendant ces courtes périodes d'éveil. J'avais conscience d'être en vie à cause de la douleur que je ressentais à chaque fois et j'avais également conscience de ne pas être seule, mais c'était tout.

Quand enfin mes sens furent un peu plus précis, je réalisai qu'il devait s'être écoulé beaucoup de temps depuis cette nuit tragique. Il y avait une fenêtre en face de moi et je voyais que les feuilles étaient revenues sur les arbres, on devait donc être à la fin du printemps.

Je ne comprenais plus rien, je ne savais pas où je me trouvais. Il y avait un homme qui s'occupait de moi, patiemment, à chaque instant. Je ne l'avais jamais vu auparavant et je n'avais aucune idée de la façon dont je m'étais retrouvée ici, apparemment chez lui. J'aurais aimé lui poser des questions, mais je ne pouvais plus parler, Riskar avait dû me fracturer la mâchoire, apparemment des côtes aussi et une jambe au vu de la violente douleur qui me transperçait à chaque fois que je respirais trop profondément ou que j'essayais de bouger la jambe. J'avais également perdu quelques dents.

Si avant ça je me trouvais limitée dans mes mouvements à cause de mon corps ingrat, qu'est-ce que ça allait être après ma convalescence... Je n'ingurgitais que du liquide et dormais la plupart du temps. J'avais des plaies un peu partout sur le corps et je souffrais en permanence.

Je passais mes journées dans un état de demi-conscience et mes nuits étaient hantées par des cauchemars abominables dans lesquels je revivais chaque instant de mon calvaire, chaque coup, chaque insulte, chaque relation forcée. Toutes les nuits je me réveillais couverte de sueur, le corps convulsé. Je devais certainement crier pendant mon sommeil et ce devait être la douleur dans ma mâchoire qui me réveillait, les larmes coulaient à flot sur mes joues. Mais cet homme était toujours là, à mes côtés. Il me rassurait et m'administrait des préparations pour me calmer, me soulager et m'aider à me rendormir.

J'avais conscience que j'occupais sa couche. Il avait installé un fauteuil à côté de moi, il y passait ses nuits, me veillait et parfois je le voyais le matin encore endormi dedans.

Et pendant tout ce temps, j'aurais voulu lui être reconnaissante pour le fait de m'avoir sauvée d'une mort certaine, pour être là uniquement pour moi, pour prendre soin de moi comme il le faisait, mais je n'éprouvais que de la rancune envers lui. Je lui en voulais de m'avoir ramenée de là où je me trouvais, de me forcer à devoir endurer tout ça encore et encore, jour après jour, nuit après nuit. À cause de lui j'étais à nouveau coincée dans cette enveloppe charnelle que je détestais, qui n'était pas moi, en plus j'étais mutilée et je devais certainement être défigurée.

J'aurais voulu avoir la force de m'enfuir de là pour aller mourir dans la forêt, que toute cette misère s'arrête enfin. Personne ne me pleurerait, personne ne s'inquiéterait de savoir ce que je serais devenue.

J'étais complètement inutile, je ne pouvais même pas subvenir à mes propres besoins. C'était également lui qui me faisait ma toilette tous les jours, qui m'aidait à faire mes besoins et qui m'essuyait la bouche parce que j'avais du mal à avaler quoi que ce soit, j'avais tellement honte, c'était humiliant. Je n'osais même pas le regarder dans les yeux alors que d'une certaine façon il me connaissait mieux que personne à présent tout en restant un parfait inconnu pour moi.

Au moins j'avais tout mon temps pour l'observer. Quand je ne dormais pas, je n'avais que ça à faire. Je le regardais écrire à sa table de travail, préparer à manger, nettoyer, ranger, vaquer à ses activités quotidiennes tout en gardant un œil sur moi. Il accomplissait chaque tache consciencieusement comme si c'était la chose la plus importante et la plus intéressante qu'il ait à faire.

Astria Tome I MétamorphoseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant