Prologue

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Son poing s'enfonça dans la gueule du garçon, déformant la joue de ce dernier une petite fraction de seconde. La peau qui, sous la violence du choc, avait prit soin d'épouser la forme du poing de Raleigh, reprit sa forme habituelle et son aspect rebondie. Seule une trace rouge aux pourtours bleutés d'une forme circulaire se trouvait ici comme anomalie, pourfendu par endroits d'une fente à l'épais liquide rougeâtre et métallique. Le garçon était à terre, allongé dans la poussière omniprésente qu'offrait le parc pour enfants. Ses vêtements étaient abîmés, et laissaient croire à une violente interaction entre les deux protagonistes. Péniblement, il se retourna pour se mettre sur le dos. Il regarda avec une profonde haine son adversaire, en ne sachant cacher ses gémissements de douleur. Raleigh n'était pas en forme non plus, et du sang dégoulinait avec grâce le long de ses cheveux, pour s'écraser mélodieusement sur ses converses abîmés qui, depuis quelques minutes maintenant, changeaient progressivement de couleurs. Sa respiration était haletante, et sa poitrine se soulevait au même rythme que faisaient les sons de ses expirations. Son corps entier n'était qu'alors qu'un mélange de sueur et de sang. Mais contrairement à son adversaire, Raleigh demeurait debout, bien que ses forces s'amenuisaient au fur et à mesure que le temps passait.

Une bourrasque de vent vînt mettre une pose à cette scène, et anima avec enthousiasme les cheveux des deux garçons qui restaient immobiles. L'automne battait à son plein. Des feuilles de toutes les couleurs dansaient entre elles les rondes d'enfants, avant de s'élever dans le ciel avec souplesse. Certaines, narquoises, vinrent s'interposer et se poser près des jeunes hommes, atténuant un temps soit peu les couleurs vives que donnaient les corps déchirés.

Les oreilles de Raleigh s'arrêtèrent de siffler, et le calme retomba sur le parc. Un silence de plomb pesait sur les épaules du jeune garçon. Il prit une grande inspiration. Puis, ses pieds se dirigèrent vers une balançoire, rouillée et à moitié écroulée. Il posa ses fins doigts sur les barres métalliques aux agréables aspects orangés. La peinture partait à chaque passages de sa peau sur la couleur apparemment verte, qui s'était alors écaillée. Sa main se referma avec force sur cette barre, et ses doigts l'enveloppèrent de tout son large. Le contact glacial qui s'opposait avec sa chaude peau le fit frissonner. Une sensation qui le déplut fortement, et il tira un coup sec sur cette dernière, qui se décrocha de son ensemble. Raleigh fit tourner la barre de fer, qui devait mesurer un bon mettre, dans ses mains. Un rictus allongea les coins de ses fines lèvres. Il s'approcha, d'une démarche chancelante, de l'autre homme.

Le garçon essayait de se relever, mais ses muscles refusaient de coopérer. Ils étaient endoloris de douleur, et chaque mouvements arrachait un gémissement à ce dernier qui les avaient sollicité avec abus. Son visage changeait d'expression à l'allure où Raleigh avançait. Ses yeux, auparavant noir de haine et de colère, se radoucissaient et exprimaient une effroyable frayeur. Son visage se crispait pour concorder avec ses prunelles qui s'humidifiaient. Ses membres tremblaient; il avait peur et ne s'en cachait pas.

"- Pitié... Pitié, Raleigh ! Ne fais pas ça, j'ai compris, épargne moi...
Raleigh arrêta de faire tourner la barre quand il arriva aux pieds du garçon. Il prit fermement la barre dans sa main droite, qu'il serra de toutes ses forces. Ses longs ongles rentrèrent dans la paume de sa main, libérant le sang de cette dernière. Il coulait avec vitesse jusqu'au bout du bâton, et perlait sur le visage de son adversaire, qui était alors dirigé vers lui et le frôlait.
Les larmes, retenues avec difficultés, s'échappèrent et trouvèrent un chemin en creusant deux sillons sur le visage de l'homme.

- ... Tu es un monstre, Raleigh.
Raleigh dirigea alors sa barre vers les cieux, avant de l'abattre avec force dans l'abdomen de sa victime, qui se plia et hurla de douleur. Jugeant la blessure trop superficielle, il recommença à trois fois avec toutes les forces qui lui restaient dès lors. La barre déchirait salement la fine protection charnelle qu'offrait le ventre de l'homme. Elle s'enfonçait même artistiquement, et Raleigh commençait à apprécier le son que produisait cette dernière lors de ses vas et vient. Elle perfora d'ailleurs nombres de ses organes vitaux, et agissait comme créateur de cette morbide fontaine qui se répandait sur le sol, enveloppant le corps immobile du gémissant. Son bras lâcha la barre une fois que ses forces abandonnèrent l'entièreté de son corps. Ses jambes tremblèrent, et il tomba à genoux, épuisé.  Il regarda son œuvre avec une certaine fierté et ne pu s'empêcher de cracher sur le mort à la peau déjà livide.
- Un monstre, hein... Pas plus que toi.

Exténué, il s'effondra sur son flan gauche, dans le sang encore chaud de sa victime. Ses paupières se fermèrent, et Raleigh apprécia le moment présent. Il se sentait vivant. C'était comme s'il avait absorbé la vitalité de sa victime, et qu'il la consumait lentement. Le vent vînt refroidir son corps qui brûlait encore de haine, et s'amusait à chatouiller ses narines. Ce même vent souhaitait soulever la poitrine du mort, en s'infiltrant avec précision dans la bouche du garçon . Il souhaitait redonner la vie, comme guidé par mère nature. Les feuilles mortes des arbres, quant à elles, retombaient sur les deux hommes, comme un rideau pourrait refermer et clore les scènes du théâtre.

AMAVIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant