Vol loin de l'ennui

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Je regardais autour moi, légèrement perdu et effrayé. Je fermai doucement les yeux, désespéré, en poussant un long et pitoyable soupir. Pourtant, lorsque mes paupières s'entrouvrirent, je me retournai vers le piètre semblant d'hublot et entrevit une lune solitaire bien plus petite que la véritable majesté nocturne. Elle était profondément gravée dans son firmament, ce dernier semblant malheureux comme les pierres par sa teinte cendrée. Il allait pleuvoir des cordes, certainement. Juste en dessous, un semblant de paisibles vagues craquelées couvraient une grande surface, tel un océan. Je tentai de figurer un mouvement entre les impassible courbes d'eau salines en souriant doucement.

Je distinguai alors un faible frottement qui m'intrigua. Je fis volte-face vers le coin de la pièce où un monsieur, parfaitement silencieux, lisait un livre avec nonchalance et l'air captivé. Il avait une chevelure d'un roux ardent, comme des flammes bouclées cascadant sur ses épaules recouvertes d'une sympathique chemise carottée à l'irlandaise. Je m'approchai de lui en me figurant l'histoire de ce drôle de personnage. Le monsieur se mit lentement à se confondre parmi une foule d'individus jeunes et vieux, endormis ou surexcités, discutant joyeusement, impatients d'atterrir à destination. Chacune de leurs discussions résonnaient en moi, leurs personnalités sculptées par mes plaisirs. Ma solitude avait disparu, ce flot de voix humaine étant un baume réconfortant pour mon moi en convalescence. 

   Une voix puissante résonna alors.

-Nous voilà arrivé à destination, à la maison, merci d'avoir voyagé avec le Vol Imaginaire.

Devant mes yeux béats, la porte verrouillée pendant tout le voyage s'ouvrit dans un grincement. Me voici libre! Au moment où j'allais accourir, heureux comme un roi, je me figeai.

Les murs crassés autour de moi, mes quatre ou cinq objets muets me portant courageusement compagnie, la fenêtre grillagée m'explosèrent au visage. Les passagers en extase avaient disparu miraculeusement, y compris le monsieur semblant irlandais, qui d'ailleurs n'occupait plus son siège qu'était maintenant ma cuvette.

De la porte, seulement une main se glissa furtivement dans l'entrouverture en m'offrant sans délicatesses une assiette de nourriture tourbeuse pour se retirer précipitamment.

Malgré mon désarroi, je ne perdis pas espoir. Bientôt, je reprendrai le Vol Imaginaire, un vol loin de l'ennui.

Vol loin de l'ennuiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant