Les animaux sauvages... Qui n’a jamais été attiré par leur beauté ? Enfant on aimerait les caresser, les posséder. La beauté se possède-t-elle ? Europe de l’Est… royaume où les soupes se nomment toutes bortschs, qu’elles soient à la betterave, avec des ravioles ou de la viande. En tous cas elles nourrissent l’homme. Panthères, chattes, lapines… Que voulez-vous voir ? Il vous suffit de savoir prononcer « Thekoskiego », c’est la rue des gentlemen : vous y trouverez hôtels de luxe, clubs privés, dancings... Il n’y a pas de pays où les jeunes moines sont plus nombreux qu’en Pologne. Et Cracovie… ville de Jean Paul II, de Copernic et du dragon. Ville où des alcooliques posent une pomme dans des tables de restaurants : « la pomme du paradis » ils disent et te regardent avec des yeux de Raspoutine. Pour des zlotys... Tu sors au pied du château, un grand château moyenâgeux. La journée on vend pour les enfants casques, épées de bois et boucliers rouge et blanc. Un brûleur se déclenche dans les étoiles, propulsant sa flamme sous une enveloppe translucide. Une montgolfière couleur de jade s’élève dans la nuit, soleil vert au-dessus du château. Pour tout claquer dans l’alcool... La grande place du marché semble dépouillée. Il y a quelque chose de touchant dans le regard polonais. Une joie de vivre. Une grand-mère au coin d’une rue a cueilli du muguet, des marguerites et des fleurs des bois.
— Combien ?
— Ce que vous voulez.
Cinq zlotys, c’est trop. Alors elle offre un petit bouquet violet. Mais Prague… Ville moins slave et plus allemande, si attirante en même temps. Comme les Français connaissent mal la géographie, ils disent « bohémiens » pour parler des Tziganes. La Bohème, terre tchèque, région tchèque... « L’amour est enfant de bohème lalala. » C’est une diva dans la rue... Plus loin, sur le pont Charles, un homme joue des airs en donnant des pichenettes sur des verres remplis d’eau. Il trempe les doigts, qui glissent et tournent sur le cristal. La musique est dans leur cœur. Et n’ont-ils pas inspiré de grands musiciens, ces Tziganes ?
Des notes cristallines s’égrènent comme une pluie. À Budapest sur la place des Héros, c’est une cavalcade de chars et de gladiateurs - hommage aux pères fondateurs de la Hongrie : les Huns. Des marchands après le grand pont du Danube, des étals pleins de pipeaux sculptés. Dans un beau parc fleuri, des jeunes filles figées semblent vivre, et se trémousser avec délice au contact d’une fontaine. La fraîcheur des gouttes retombe en pluie fine sur leur gracieux visage, et leur cou de bronze. Mystère, félicité, mélancolie. « Prenez garde que l’âme slave ne vous prenne dans ses bras, ne pénètre votre corps, votre cœur. Allez aux bains, puis achetez une part de gâteau à la broche. Les marchands enroulent devant vous du caramel dégoulinant ; du sucre fondu qui ressemble à de l’or. » Le slogan d’un office de tourisme. J’avais déjà fait Budapest Prague et Cracovie. Mais la Russie, jamais.