L'envoyée des Elfes - Tome 1- Tarisar [Edité]

Sans force.

Maura marchait depuis plus de cinq heures, sans but, ni destination précise. Elle devait avoir fait trois fois le tour de la forêt sans même s'en rendre compte. Après avoir lu la lettre de Noora, elle avait senti ses forces disparaître. Elle n'avait pas réussi à pleurer, à hurler, ou à réagir. Elle essayait juste de réaliser ce qu'il était en train de lui arriver, de comprendre comment sa vie pouvait être bouleversée à ce point. Tout cela à cause d'un homme qui n'a pas su assumer. D'ailleurs, pourquoi avait-il voulu la tuer ? Qu'avait-elle fait pour mériter une telle haine à son égard ? La jeune elfe ne put s'empêcher de se demander si Noora n'avait pas été enlevé par les Enchanteurs sous ses ordres. Après tout, il était un prince, il avait eu l'occasion d'ordonner son kidnapping. Seulement, les étoiles avaient décidé qu'elle ne le serait jamais. 

Comment allait-elle faire pour continuer sa vie, normalement ? Elle ne serait plus pareille, sera toujours prise par des questions envers ses vrais parents, mais elle n'aurait pas ses réponses. Du moins, il ne valait mieux pas pour elle. Le seul à pouvoir lui répondre était son père. Or, elle n'avait pas très envie de croiser sa route un jour. Elle craignait même qu'il ne la retrouve pour la tuer. Comment pouvait-elle être sûre qu'elle vivrait paisiblement, en sécurité, loin de ce fou furieux ? Un doute sera toujours présent en elle. Toute sa vie, elle devrait observer ses arrières, à l'affût de la menace que cet homme représentait.

Instinctivement, ses pas la menèrent jusqu'à la cité. Il faisait nuit noir. Elle avait passé la journée dehors, et il était temps de rentrer. Surtout, qu'elle se doutait que Blaise et Jasmine s'inquiétait pour elle. Maura ne voulait pas leur causer du tord. Déjà, ce n'était en rien leur faute, l'elfe avait fini par le réaliser. Ils avaient fait la meilleure chose, et elle ne pouvait leur en vouloir pour cela. Elle devrait même les remercier de ne pas l'avoir laissée seule dans la rue, ou rejetée. Rien ne les obligeait d'accepter, mais ils l'avaient fait par pure bonté. C'étaient des gens biens, Maura n'avait pas le droit de les détester. 

Elle remonta lentement la pente jusqu'au château et y entra. Elle était pâle, livide et ses yeux, fixés droit devant elle, étaient vides de tout. Les villageois formaient deux haies de par et d'autre d'elle pour lui former un passage. Ils la regardaient avec incompréhension, et peut-être même pitié. Tous connaissaient la jeune elfe pleine de joie de vivre, qui discutait à chaque fois avec eux, demander des nouvelles de la famille, goûtait leurs essaies culinaires infectes mais qui assurait que c'était excellent pour ne pas les vexer. Personne ne l'avait vue ainsi. On aurait dit une morte revenue de sa tombe. Son chemin la guida dans sa chambre, où elle s'enferma. Bien qu'Amah avait voulu entrer et lui parler, elle ne s'était pas réellement remise du choc et avait encore besoin de solitude un instant. Alors, elle lui avait bloquée le passage et ignora son injure de l'autre côté de la porte. Elle laissa glisser sa robe sale et poussiéreuse sur le sol, et alla se laver. Ses pensées l'avait abandonnée. Elle ne pensait plus, ne réfléchissait plus. Son esprit était complètement nul de sens. Tout ce dont elle avait conscience était de l'eau froide sur sa peau. Elle n'en sortit que bien plus tard, n'ayant pas bougé d'un millimètre, recroquevillée dans le bac d'eau. 

Elle n'enfila qu'une robe de nuit, et rentra dans son lit. Elle n'avait pas dormi depuis deux jours, elle était exténuée, elle devait se reposer si elle voulait des pensées cohérentes. Demain, elle se promit d'arranger un peu la situation. La nuit, un cauchemar vint la hanter. Elle vit une femme aux cheveux longs et bruns et des yeux bleus semblables aux siens, nourrir un petit dragon bleuté aussi. Cette femme avait l'air heureuse. Puis sa vision changea complètement, c'était la même personne mais elle était plus vieille. Elle se trouvait dans une forêt et courrait. Souvent, elle regardait en arrière. Maura ressentit une peur l'assaillir : celle qu'avait eu cette femme, Noora. Elle était suivie, et de temps à autre, elle devait esquiver des sorts que lui lançaient son assaillant. Elle gagnait du terrain, quand elle se retrouva face à une falaise. Noora entendait des pas derrière elle, mais elle était bloquée. Elle crut que son cœur allait exploser sous l'effroi de la situation. Elle s'avança sur la falaise et se pencha pour voir ce qu'il y avait en bas. La chute n'était pas une échappatoire, ou elle mourrait. Brusquement, elle entendit le bruit d'une épée qu'on tirait de son fourreau. La fin était proche.

Maura se réveilla en sursaut, trempée, les cheveux collants son front. Elle savait que son cauchemar s'était véritablement passé, et elle était, à la fois, horrifiée d'avoir vu sa mère coincée et sans espoir de survie, et frustrée de ne pas avoir tout vu. Bien qu'elle pensait connaitre la fin. L'assaillant, qui était surement son père, l'avait attrapée et emmenait de force à sa forteresse. Elle se leva et retourna prendre une douche. Ensuite, elle mit une simple robe, et tenta de reprendre son courage. Elle ouvrit la porte de sa chambre pour sortir, quand elle aperçut qu'Amah était allongée au sol, endormie. Elle la secoua légèrement et elle sursauta, puis enlaça fermement sa maîtresse. 

"- Madame vous nous avait fait si peur ! s'exclama t-elle, d'une voix sur aigu. Monsieur Blaise se faisait un terrible soucis, il était prêt à alerter toute l'armée royale pour qu'on vous retrouve, quant à votre mère - Maura tilta au nom " mère" mais ne préféra rien dire - n'arrêtait pas de pleurer. Elle disait sans cesse que vous ne reviendriez jamais, elle était inconsolable. D'ailleurs, j'ai cru qu'ils avaient failli s'effondrer de soulagement quand je leur ai annoncés que vous étiez revenue.

- Ça va, Amah, tenta d'apaiser la jeune elfe, qui se sentait totalement coupable. Je vais aller leur parler et arranger cela... J-Je ne recommencerais plus. Pardonnes moi.

- Tant que vous êtes rentrée en un seul morceau, vous êtes entièrement pardonnée... Aller, je pense qu'il est temps pour vous d'affronter vos parents. Et ne faites plus de fugue ! "