Sur la tombe d'une amie

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Je n'avais pas pris le bon livre en histoire-géographie, je n'ai pas une bonne note en maths, et, pour finir, Craig ne m'avait plus adresser la parole de la journée.

J'avais défendue vaillamment Heaven et sa petite copine, qui se trouvait être ma voisine de table en littérature, Ruth, des moqueries incessantes d'Anne et sa bande, et toute cette journée m'avait remémoré une phrase que me disait souvent Lexie.

"Si je meurs avant toi, j'aimerais que tu viennes souvent sur ma tombe pour me raconter ta vie qui continue et ce qu'il se passe dans le monde."

Petit 1 : Je vais finir par croire que Lexie était voyante.

Petit 2 : Si elle m'observe, elle doit vraiment être déçue, car, depuis son enterrement, je ne suis pas retourné au cimetière, de peur de toutes mes émotions qui remonteraient à la surface.

Mais aujourd'hui, je me sentais bien. Je me sentais prête à lui dire toutes les choses qu'elle devait entendre.

Bien que je suis certaine que, si elle voit tout, elle entend tout et donc elle sait tout.

Mais c'était pour moi un signe symbolique que d'aller la voir après tout ça.

Parce que je n'avais jamais osé le faire. Parce que j'étais faible face à mes sentiments.

Mais le temps m'a appris qu'il n'y avait pas de honte à être faible.

Qu'il n'y avait pas de honte à être ce que l'on est, ou à ressentir ce que l'on ressent.

"Le temps guérit toutes les blessures".

Ceux sont quand même des conneries.

Si c'était vrai, il n'y aurait pas tant de suicides.

Tous ces gens qui abandonnent la vie pour se soulager de leurs douleurs... ça me donne envie de pleurer.

Mais je crois avoir déjà assez pleuré comme ça pour le moment.

Pour l'instant, ce que je ne comprends pas, c'est le nombre de pierre tombale vierge de toutes descriptions.

Ces gens n'étaient pas aimé ? Pas connus du monde extérieur ? Ou bien est-ce là des emplacements neufs ? Des emplacements qui attendent le venue de leurs futurs résidents impatiemment ?

C'était vraiment glauque, la façon dont j'imaginais tout ça.

Mais, en soi, ce n'était pas de ma faute. Ou si peu.

Je n'étais juste pas à l'aise dans les cimetières.

Ni dans les églises.

Je pense que lorsque la seule fois où l'on y entre est pour l'enterrement d'un proche, ça ne donne pas très envie d'y retourner...

En fait, je ne pense pas, j'en suis certaine !

- Salut Lexie. Ça fait longtemps...

Je me suis assisse près d'elle (sa tombe ? Je préfère sincèrement dire elle, bien que ce soit glauque dans les deux cas) et j'ai inspirer presque toute l'air autour de moi, faisant sans doute mourir l'oie en migration qui, je crois, s'est écrasé non loin de là.

- Je suis désolée de ne pas être venue souvent... Mais, tu me connais. En plus, pour moi, parler aux morts... J'ai toujours trouvé ça étrange.

J'ai laissé planer un silence, comme si j'attendais une réponse bien que je savais que c'était impossible...

- Je vais être grande sœur. Comme tu aurais dû l'être. J'entends ta voix me dire "C'est génial, on aurait été grande sœur ensemble !!" parfois, lorsque j'y pense.

J'ai essuyé une larme qui roulait sur ma joue et j'ai continué, la gorge noué.

- Mes rapports avec mes parents s'améliorent grâce à mon futur esclave. Et ceux avec mes demi-frères aussi, d'ailleurs. Par contre, avec Craig... Je ne sais pas comment m'y prendre. J'ai envie de rire avec lui à nouveau, de l'embrasser et de couler des jours heureux avec lui. Tu imagines ça ? Moi qui deviens niaise ! Dire que tu adorais les potins et les histoires de garçons...

J'eus le réflexe d'essuyer la vague de pleurs qui avait coulé sur mes joues, pour mieux continuer à lui parler de tout et de rien.

- J'ai fini le livre que Mme. Rosebury m'a donné pour me "guérir", et, c'est fou, j'ai l'impression que ça fonctionne ! Et j'ai aussi la sensation que, parfois, lorsque je m'apprête à faire une bêtise, tu es là pour m'en dissuader... ou pas.

J'allais être à court de mouchoirs, mais je n'en avais strictement rien à carrer. Il fallait que je lui parle, que je lui dise ce qu'elle manquait et ce que j'avais sur le cœur.

- J'aimerais parler à Craig, lui dire aussi simplement que bonjour que je... que je l'aime. Mais il ne prête plus attention à ce que je lui dis. Je l'ai vexé, et, même si j'essaye de me rattraper, il croit que je veux seulement être amie avec lui... A vrai dire, c'est ce que j'avais laissé dire... quand je n'étais pas sûre de mes sentiments... mais... Mais ça a changé et... maintenant, je dois trouver le moyen de lui dire... ou...

Je remarqua alors que je révisais la langue des signes en même temps que je lui parlais. J'étais en train de parler la langue des signes que je m'étais finalement mise à apprendre avec assiduité !

- Ou que je lui fasse comprendre ! C'est ça !! Lexie, il faut que je te laisse, je reviendrais te voir, promis ! Tu m'envoie de bonnes ondes !! J'y vais, ma poule ! Je t'aime, t'es la meilleure !!

Dans ma tête, j'avais la sensation qu'elle disait "Je sais, je sais..." de façon pas du tout modeste, ce qui me fit rire pendant que je courais - volais ? - vers chez moi, mon sac se vidant presque de tout son contenu à chaque virage.

Il fallait que j'apprenne les quelques phrases que je voulais dire en langue des signes et, dès demain, j'irai les lui dire. J'irai les lui signer !


****


Une dizaine d'années avant les événement d'aujourd'hui.


- Chérie, c'est moi, je suis rentrée !!

- Papa !!, hurla le mini Craig en se précipitant vers l'homme et en s'accrochant à sa jambe, comme une sangsue.

- Mon petit monstre ! Comment vas-tu ?

- Maman m'a appris à signer pleins de choses aujourd'hui !! Et Chad aussi, il m'a aidé !

- Vraiment ?

Il vit sa femme arrivé vers lui, un grand sourire aux lèvres.

Il s'approcha d'elle, malgré sa sangsue, et l'embrassa tendrement.

- Beurk., lâcha Craig face à cette image, comme le ferait une majorité d'enfant.

- Et toi, Angélique, ça va ?

Elle hocha la tête et nota sur son carnet :

"Et toi, Charles ? Ta journée ?"

- Une journée de boulot comme les autres, ennuyeuse et très longue.

Il détacha son fils de sa jambe et le prit dans ses bras en le portant.

- Je n'attendais qu'une chose : rentrer à la maison, pour revoir mes petits monstres... Et l'amour de ma vie !

"Nous t'attendions avec impatience également".

- Il faut vraiment que j'apprenne à signer, moi aussi. Cela te faciliterait la vie, mon cœur.

Il jeta un coup d'œil à Chad, qui était venu le saluer, puis dirigea son regard vers Craig.

- Et je crois que j'ai trouver mes professeurs !!

- Oh oui !! Viens, Papa, on va t'apprendre !!

- Allons-y !

Charles était le plus heureux des papas de cette ville, sans aucun doute.

On ne se souviendra de lui que dans des moments joyeux comme celui-ci, même s'il cachait quelques secrets sombres...

Mais si peu... Qui pourrait lui en vouloir ?

Les secrets de Beverly AbbottOù les histoires vivent. Découvrez maintenant