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Tu écris pour te libérer, partager, consigner la vérité vraie sur des pages blanches, bientôt lues par tant, comme sous anesthésiant tu te dévoiles sans retenue car tu penses que cette réalité ne t'appartiendra plus, pire, tu le désires, que l'on te vole cet univers étalé à l'encre noire, que tu l'oublies comme on transforme puis oublie une vieille légende.



Personne n'aurait prédit qu'il serait mort comme ça. Endormi vieillissant dans son fauteuil ou rattrapé par une MST, ça on pouvait se l'imaginer, on aurait pu comprendre. Même éclaté par le bris d'une coupe alcoolisée ou brisé par l'éclat d'une croupe potelée. Juste pas comme ça.

Il portait un beau costume ce jour-là, ses tons anthracite reflétant la décomposition précoce de son sourire. Il avait peut-être voulu rejoindre sa bien-aimée, expatriée quelques semaines en Hongrie pour son travail, mais n'avait jamais vu le bout du tunnel, s'était échoué – chimique – dans un ravin, à une cinquantaine de kilomètres de la capitale autrichienne.

En France, son beau-père avait appris la nouvelle en exclusivité grâce à son haut grade dans les forces de l'ordre ; peu après, on lui soudoyait déjà des photos, des détails, au pire des cheveux ou des poils : un business né de sa mort était prêt à éclore.

Beaucoup auraient vu une larme naître au coin de leurs yeux en appelant leur cadette de même pas trente ans, pour lui dire qu'elle sera seule désormais au lit, son mec dort déjà avec son vomi et ses mouches. Car c'est comme ça qu'il s'est figé dans la mort.

Ce n'est qu'au bout de trois semaines que le capitaine a été retrouvé dans son écume gastrique, « mort par overdose », dit le diagnostic autrichien. Par chance, une jolie dame aux vêtements chamarrés était passée par là, espérant dégotter un dernier client pour la nuit. Elle avait lancé un Il y a quelqu'un, son tarif, et quelques phrases d'accroche à la volée, avant de s'approcher de la vitre côté conducteur. Même la couche excessive de maquillage ne parvint pas à masquer le profond dégoût qui l'envahit, en reniflant, malgré elle, le parfum putride de la chair humaine et de ses excroissances égaillées, distillées par les éclats de verre, le choc et les mouches.

Après l'annonce de la nouvelle et des sanglots isolés à l'autre bout du fil, le colonel a raccroché rapidement. Il a englouti son verre de rouge du début d'après-midi et a mis au courant Aliénor, son officieux bras droit, en l'invitant à descendre à la morgue.

Sous les boursouflures tachetant le visage du cadavre – Aliénor a alors immédiatement pensé à l'histoire de cette dame, dont la coiffeuse était tombée sur un cocon d'araignées à même le crâne, alors qu'elle lui « rafraîchissait » sa coupe, et depuis, toute aspérité à la forme plus ou moins circulaire la dégoûtait sur-le-champ, parce qu'il y avait toujours une probabilité, selon elle, que quelque chose d'imprévisible sorte de ces bosses, ces irrégularités, ces boursouflures – eh bien dessous, reposait un jeune homme bien calme, le muscle aussi détendu que la biologie le permette, une once de gaieté – et de poudre – parsemée sur ses traits, que le choc n'aura pas balayée. D'abord il aura sans doute bien rigolé en reniflant sa farine hallucinogène, prenant dans le même temps conscience de tous ses problèmes, eu un coup de barre ou de blues, repris alors une dose, pour oublier, et le volant, par réflexe, avant d'abréger son inconscience dans une crevasse.

Le spectacle devenu si courant d'une jeune âme sous cocaïne.

18h12. Manuel ne bougera pas d'ici le lendemain, où sa mère, et peut-être d'autres proches, seront d'ailleurs entendus. Aliénor a un rendez-vous Skype avec sa sœur, en voyage en Allemagne.  

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⏰ Last updated: Jul 07, 2017 ⏰

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