Chapitre 23 - Erreur fatale

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Auparavant j'aurai ressenti cette vague de joie et de bonheur m'envahissant. Me saisissant au plus profond de moi. Je l'aurai regardé avec un grand sourire béat et un air un peu idiot, puis j'aurais vraiment été heureux. Heureux qu'elle soit là. Là devant moi.

Mais pas ce soir.

Ce soir c'est différent. Ce soir, j'ai peur. Peur de ce qu'elle veut me dire. Peur de notre discussion à venir.

Ce n'est pas comme si je voulais l'éviter et je ne pouvais décidément pas lui claquer la porte au nez.

Alors, prenant mon courage à deux mains, je l'ai invité à entrer, mettant de côté mon anxiété.

« - Je t'en prie, entre. »

Elle ne se fait pas prier pour s'installer. Un coup d'œil à droite, à gauche, elle regarde partout autour d'elle lâchant un soupir de soulagement.

« - Tes parents ne sont pas encore rentrés ?

- Pas encore...

- Donc tu es tout seul ?

- Oui. »

Je n'aime pas ça. Je n'aime pas quand elle me pose trop de questions, car d'habitude c'est moi qui le fais. Moi qui m'interroge sur sa vie, sur ses habitudes que je crois connaitre depuis plus de dix ans maintenant. Moi qui me pose toutes les questions les plus improbables. Moi qui me fais des dessins et qui me construis des scénarios idiots sur un possible futur avec Lili.

D'habitude, c'est moi l'idiot. Le con. Le naïf. Celui qui se fait avoir quoi.

Elle me toise du regard comme jamais je ne l'ai vu faire. Elle a l'air d'hésiter, de chercher ses mots. Va-t-elle me parler de ce qu'il s'est passé l'autre soir ? Va-t-elle le mentionner ? S'excuser ? En demander plus ?

Ah. Je n'aime pas être dans l'attente. Dans le doute.

« - Tu as dit que tu voulais me parler, non ? »

Je suis cassant. Dans ma voix, dans mon attitude. Je ne sais pas pourquoi...ou du moins, je ne veux pas le savoir. Je devrais être heureux qu'elle ait fait tout ce chemin jusque-là. Heureux qu'elle soit ce soir devant moi.

Et pourtant, quelque chose me gêne et je n'arrive pas à mettre le doigt dessus.

Donc elle s'approche. Elle s'approche prenant mes mains dans les siennes. Elles sont moites. Froides. À son contact, mon cœur s'emballe, mes joues s'enflamment. Elle ne le sait pas. Elle ne sait pas l'effet qu'elle me fait. Elle ne sait pas l'emprise qu'elle a sur moi. Si seulement...

Si seulement elle ne pouvait qu'imaginer...

« - À propos de l'autre soir...À propos de ce qu'il s'est passé entre nous... »

Elle ne finit pas sa phrase. Elle me laisse là, dans le doute, dans l'imagination, dans le stress et dans l'angoisse. J'ai peur. Peur de ce qu'elle pourrait me dire. Peur de ce que je pourrais entendre.

Alors, je fuis. Je fuis lui coupant l'herbe sous le pied.

« - Je comprends ! Tu voulais prouver à ton grand-père que tu étais une grande fille et comme j'étais dans le coin, je t'ai servi d'excuse. C'est ça, hein ? Je comprends, ne t'en fais pas. »

Non. Je ne comprends pas. Je ne comprends pas et je ne veux pas comprendre.

Pourtant, ses mains ne me lâchent pas. Elle ne me lâche pas. Bien au contraire.

« - Non ! Ce n'est pas ça ! »

Sa voix, cassée, s'emporte. C'est la première fois que je la vois ainsi. C'est la première fois que je la vois fragile. Vulnérable. Sensible.

J'ai toujours vu Lili comme une petite chose à protéger, mais en grandissant, je me suis aperçu que ce n'était pas à moi que revenait ce rôle. Je n'avais d'ailleurs, aucun rôle à jouer dans sa vie. Mais ce soir, ce soir derrière ces mèches rousses en feu, derrière ce regard larmoyant, je revois alors, pour la première fois depuis des années, cette petite fille ayant perdu sa chaussure. Je revois cette petite fille que j'ai rencontrée, une fois, au détour d'une rue.

« - Écoute Tristan...C'est...C'est difficile pour moi...Être avec toi. Te voir comme ça...C'est difficile.

- Qu'est-ce que tu essayes de me dire ? »

Je ne comprends pas.

« - Je suis désolé Tristan ! »

Ses larmes s'écoulent lentement, silencieusement le long de ses joues et alors que nos regards se croisent une ultime fois, elle lâche subitement mes mains, posant les siennes de part et d'autre de mon visage et m'embrassant une nouvelle fois.

Pourquoi ai-je l'impression que Lili me dit « au revoir » ?

« - Pardonne-moi. »

Je ne comprends pas.

Je ne comprends pas pourquoi soudainement mon corps se sent tout flasque. Pourquoi mes jambes tremblent-elles ? Pourquoi ma vision s'enfuit ? Pourquoi l'image de Lili se brouille ?

Je ne comprends pas comment ne l'ai-je pas vu venir ?

3173  : Attrape-moi si tu peuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant