Ou l'histoire d'un humain défectueux :
Lorsque je suis né, je n'étais pas normal.
Les infermières étaient unanimes, des bébés suivant ainsi des yeux et soutenant le regard, on n'en voyait jamais. Et moi, je ne peux m'empêcher de me demander pourquoi. Qu'est-ce qui pouvait bien ne pas aller pour qu'un si jeune être commence déjà à se démarquer ?
Les médecins ne savaient pas.
Mais m'a-t-on seulement emmené voir des médecins ?
Ma mère affirme que oui.
Mon père soutien que non.
Surdoué.
Hyperactif.
Enfant roi.
Bébé avec un cerveau d'adulte.
Si ses diagnostiques ont bien été lancé, rien est moins sûr, aucun ne s'ancra.
Et finalement le temps passa.
Et l'enfant grandit.
Petite fille capricieuse, virée de toutes les nourrisses, repoussant sa mère, dissimulant ses sentiments et ses soucis, cruel parfois et jalouse.
Le portrait que l'on peint de moi m'effraie.
Il se résume en un mot, qui résonne en moi comme une sentence.
Défectueux.
Comme une machine aux circuits mal imprimé.
Et je me demande pourquoi.
Et je me regarde les autres humains en tentant de savoir si eux aussi vois le monde comme moi.
Est-ce que les odeurs sont aussi fortes pour eux ? Elles m'agressent, me sautent au visage, m'emprisonnent, m'enjôlent, me caressent, me dorlotent. Rien ne me plaît plus qu'être baigné dans l'odeur d'une mère ou noyé dans celle d'un après-midi d'été pluvieux.
Est-ce que les goûts sont aussi vifs pour eux ? Certains m'écœurent sans raison, la viande, parfois, me donne l'impression de déchirer la chair d'un animal encore vivant, un fruit trop mur me donnera l'impression d'emplir ma bouche de pourriture. D'autres me comblent, sans raison, l'âcreté d'un chocolat noir, le sucré d'un bol de lait.
Est-ce que les couleurs sont aussi belles pour eux ? Les milliers de nuances d'une forêt chatouillée de soleil et de vent me fascinent, que du vert, dans une infinité de teintes, tandis que les nuances d'une aube d'hiver me rendent mélancolique, comme si toute la tristesse du monde était contenue dans ce soleil n'arrivant pas à naître.
Est-ce que les sons sont aussi envahissants pour eux ? Les voix humaines me semblent grossières, j'aime les bruits qui n'en font pas vraiment, celui du vent, le froissement d'un tissu, ou les réguliers, le ressac des vagues, l'eau tombant du pommeau de douche.
J'aimerais tellement, me glisser dans un autre corps et, voir, entendre, sentir, goûter.
Serait-ce pareil ?
Verrais-je le monde la même façon ?
La réalité et moi, notre rapport est compliqué.
Un événement insignifiant prendra des proportions dantesques. Le soleil sur une feuille d'automne illuminera ma journée, une discussion avec une amie ne la rendra pas plus belle. Un regard deviendra le pire des affronts, mais une longue tirade ne m'atteindra en rien.
Je m'enflamme trop, ou pas assez, sans jamais réussir à le faire pour les bonnes choses. Une relation imaginaire entre mes héros favoris m'enchantera plus que de savoir mes proches heureux, une heure de rendez-vous ne devra être dépassé sous aucun prétexte, sous peine de crise et d'un mal être, les habitudes sont érigées en saintes.
L'être humain est constant, il est ni dans le trop, ni dans le peu et il tire de cela un équilibre qui le rend fonctionnel.
Il avance dans la vie sur un chemin creux, bordé d'arbres rassurant, moi les murs se sont effondrés, mon chemin n'a plus de barrière. Tout déraille, j'oscille sur mon fil, je manque de chuter, je marche trop vite ou trop lentement, je tombe, me rattrape, fais trembler tout autour de moi.
Quitter le fil, c'est faire de même avec la réalité.
Mais rester en équilibre est compliqué, éreintant.
Et chaque fois que je trébuche, le mot revient.
Dysfonctionnel.
Dysfonctionnel.
Dysfonctionnel.
Dysfonctionnel.
Dysfonctionnel.
Elles sont tellement ancrées en moi, ces lettres.
Et cette sensation.
D'être né ainsi, d'avoir raté ma vie en la commençant.
C'est douloureux.
D'être au milieu d'une foule et de se rendre compte qu'on est dans une bulle.
Depuis quand est-ce que je traîne cela ? Je ne sais pas, depuis l'enfance peut être ? A moins que ces années n'est été du répit.
Mais est-ce si grave ?
« I'm perfect, just the way I am ! »
Une simple phrase, dans un simple dessin animé.
Mais qui éclata en moi.
Il y a des mots qui alors qu'ils ne vous sont pas destinés, semblent pour aller comme un vêtement fait pour vous.
« I'm perfect, just the way I am ! »
Se pourrait-il que ce soit vrai ?
Après tout, mes petits soucis de fabrications ne me dérangent pas tant que cela, ce sont les autres qui se trouvent dérangé, pas moi. J'aime mes sens décuplés, mes habitudes, moins le fait de ne pouvoir parler à mes semblables mais qu'importe, je suis parfait, là comme je suis.
Je n'ai pas besoin d'être comme les autres, ni même d'être fonctionnel, la vie de ces gens m'a toujours semblé si triste, je m'en rends compte maintenant, et je n'en veux pas.
Je vais continuer d'avancer, sur mon fil qui n'aura jamais la stabilité d'un chemin et ça sera dur, car je ne peux fuir la réalité. Mais je peux construire la mienne, celle où mes petites choses valent bien plus que les grandes de la société, celle où l'imaginaire à autant de place que la réel, celle où il est normal d'avoir l'âme à fleur de peau.
Oui.
Je suis dysfonctionnel.
Et ce n'est pas un drame.
Becauce I'm perfect, just the way I am.
Glisser de l'anglais ainsi dans l'un de mes textes m'ennuie, mais je n'ai pas trouvé dans la langue française des mots assez juste pour traduire "Just the way I am", chaque fois, il manque quelque chose, alors bon, laissons ça comme ça.
Sinon j'ai l'impression que c'est assez décousu, j'espère que cela ne gêne pas la lecture.
Je ne sais pas si je posterai de nouveau cet été parce que j'ai pas mal de retard à rattraper sur d'autres écrits.
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Comment je suis devenu.e un papillon
SpiritualeLes hommes naissent chenilles. Et puis un jour alors qu'ils ne sont déjà plus des enfants ils commencent à se construire un cocon. Un fil pour leurs passions, un fils pour les amis, un autres pour les ennemis, un pour le plat favori, un autre pour c...