Alter ego [Version non corrigée]

Prologue - The Hunt

Par cette nuit d'été, l'obscurité se faisait de plus en plus inquiétante. Max se doutait qu'elle n'était pas due au fait qu'ils se trouvaient dans une forêt. Les arbres ne dissimulaient pas entièrement le ciel. Il continuait d'avancer lentement, prenant soin de recharger son fusil correctement. Même s'il devait rester aux aguets, son geste tenait plus de l'habitude que de l'auto-défense. Pourtant, en cette dernière nuit de chasse autorisée, les chiens étaient particulièrement agités. L'homme se tourna vers son partenaire, qui lui paraissait, étrangement nerveux. Mais malgré sa quarantaine passée et l'atmosphère pesante, Max était de nature insouciante. Il préférait de loin une bonne dose d'adrénaline de temps à autre à sa vie calme et monotone. C'est dans la chasse qu'il trouvait son échappatoire au morne quotidien de Redtown.
- Que t'arrive-t-il Luke ? Demanda-t-il en observant son ami. Tu n'as toujours pas trouvé quoi offrir à ta fille pour son anniversaire?
Luke lui adressa un bref regard avant de scruter de nouveaux les alentours, son arme en main. Malgré ses dix années de moins que Max, il était bien plus méfiant.
- Une peluche « Mickey » géante, répondit-il froidement. J'ai juste un mauvais pressentiment, reprit-il sans transitions, sachant pertinemment que le mot « juste » était un euphémisme.

Deux autres chasseurs les suivaient, fatigués par la marche. Parmi les nombreux aboiements de leurs chiens, les hommes perçurent le hululement d'un hibou. Luke tressaillit. Pour les autres chasseurs, son inquiétude semblait exagérée. Il en savait néanmoins plus que ses camarades.
-Détends-toi, les chiens ont encore suffisamment d'énergie pour bondir sur une bête.
Il avait parlé d'un ton si enjôleur que Luke s'y laissa presque prendre. Mais les chiens le rappelèrent bien vite à la réalité. Il ne devait pas perdre de vue sa mission.
-Vous entendez ? Demanda-t-il en levant un doigt pour imposer le silence.
Le vent soufflait plus fort qu'en début de soirée. Les grillons se turent presque tous. Les quatre hommes arrêtèrent leur marche et écoutèrent les bruits nocturnes qui leurs étaient familiers.
-Les chiens sont agités ce soir, remarqua l'un des chasseurs.
-C'est exact, confirma Luke. Mais rien ne vous parait étrange dans leurs aboiements ?
Les trois hommes se regardèrent tour à tour, perplexes. Chacun attendait la réponse des autres. Ils se tournèrent ensuite vers Luke qui, lui, avait déjà trouvé ce qui ne tournait pas rond. Ce dernier s'apprêtait à leur répondre lorsque les hurlements des chiens, qui se laissaient de moins en moins entendre, se multiplièrent.
-Ils se sont beaucoup trop éloignés, même pour des bêtes dressées, et ce depuis trop longtemps, annonça-t-il enfin.
-Ils reviendront lorsqu'ils nous entendrons les rappeler, reprit Max de sa voix rauque. Ces bêtes ont une bien meilleure audition que nous !
- Je crois qu'il y a d'autres chiens. Les aboiements sont plus nombreux.
L'un des hommes eu un léger rire.
-Nous avons amené cinq chiens, comment peux-tu différencier les hurlements de chacun ?
Soudain, un cri plaintif plus aigu se fit entendre. Il se répétait à plusieurs reprises tandis que des grognements émergeaient du fond des bois. L'inquiétude se perçu enfin chez les chasseurs, qui maintenaient fermement leurs armes. L'un des chiens hurlait de douleur. Max, dont la bonne humeur s'était éteinte, sortit alors de sa poche un objet métallique. Ce sifflet lui avait été offert par sa femme quelques années auparavant. C'était aujourd'hui devenu son porte bonheur.
Il porta donc l'objet à ses lèvres et y souffla. Même si aucun son ne parut en sortir, les chiens, eux, l'entendaient. Ils aboyèrent de nouveau et, après quelques minutes, leurs pas se percevaient plus nettement.
Les trois premiers à arriver vinrent s'asseoir près de leurs maîtres respectifs en poussant quelques gémissements. Luke les observa attentivement en pointant sa lampe-torche sur chacun d'entre eux. L'une des bêtes avait une tache sombre sur son dos. Le dernier chien arriva quelques minutes plus tard. Il boitait et l'une de ses pattes était repliée vers lui. Il gémissait toujours lorsque que Max s'approcha pour observer sa blessure.
-Elle semble cassée, dit-il pendant que Luke tournait sur lui-même, observant la forêt.
-Où est Kana ?
Les chiens se couchèrent presque simultanément. L'un d'eux se masqua la gueule en posant ses pattes sur son museau. Luke continuait de surveiller les alentours. Le vent se levait peu à peu et l'odeur qui s'en dégageait ne présageait rien de bon. Et de par sa nature, il était évidemment le seul à la sentir.
-Mieux vaut rentrer. Nous reviendrons chercher Kana demain.
-On ne va pas laisser un chien seul toute une nuit en pleine forêt, grommela Max. Pas après que les autres soient revenus blessés.
Au ton de sa voix, tous surent que la colère montait en lui. Le chasseur s'imaginait de multiples scenarii : des voleurs de chiens venus avec d'autres, une meute de loup qui avait migré trop au nord, ou encore un ours sauvage. Mais cette dernière idée n'était que peu probable. Jamais il n'y a eu d'ours autour de Redtown.